Cette étudiante est jeune, très active, pleine d’idées novatrices, déterminée. Rencontre avec Gratia Ndikumana, ou quand la jeunesse veut abolir l’ordre établi…
Comment est venu ce besoin, cette envie de venir en aide aux enfants en prison?
J’ai su qu’il y avait des bébés à Mpimba (Prison centrale à Bujumbura) grâce à un ami qui m’en avait parlé. Ce soir là, je n’ai pas pu dormir ni les trois autres nuits qui ont suivi. Je me posais plein de questions : comment vivent-ils ? Ont-ils un endroit pour eux ? Sachant qu’il y a une surpopulation à Mpimba (La prison a 800 places pour les détenus mais en compte actuellement 3745).
De quelle façon t’y es tu prise ?
J’en ai parlé à des amies. On s’est dit que ça ne coûtait rien de faire un acte de charité. J’ai contacté le président de l’APRODH (Association qui défend les droits des détenus), Claver Mbonimpa, pour savoir comment faire pour avoir l’autorisation d’entrer. Il m’a mis en contact avec le directeur des affaires pénitentiaires, Déogratias Suzuguye, qui m’a prodigué des conseils et des recommandations.
Lesquels ?
Par exemple, de créer une association pour être agrée et reconnu car au départ on n’était qu’un groupe d’amis (Vingt- quatre en tout) et donc c’était plus compliqué si l’on cherchait à concrétiser nos actions. On n’a déjà trouvé un nom pour le moment « Let us shine and preach them love » (Rayonnons et prêchons l’amour).
Comment s’est passée la visite et en quoi elle consistait ?
La première visite s’est effectuée le 22 janvier 2012. On avait apporté des vivres, des habits, des médicaments essentiellement pour bébé. On s’était préparés durant un mois sans l’aide d’aucun sponsor et ça nous a motivé parce qu’on a vu que l’on était capable de le faire sans l’aide de personne.
Mais comment avez-vous fait pour trouver les fonds ?
Grâce à une cotisation individuelle de chaque participant. La première motivation à mes yeux, ce n’est pas l’argent. Cela est secondaire mais plutôt l’entraide, l’amour car il y a tant de gens qui en ont besoin, encore plus les bébés qui sont en prison.
Décrivez-nous la visite ? Vos impressions ?
La prison… (Soupir) c’est un autre monde. C’était terrifiant. On avait tous peur. A un moment donné, on s’est même dit qu’on allait juste déposer les provisions et repartir. On avait l’impression qu’ils (les prisonniers) allaient nous dévorer car on devait passer entre les détenus pour arriver au quartier des femmes. On s’est rendu compte que les enfants de trois ans étaient méfiants vis-à-vis de nous. Il y avait même un bébé de moins d’une semaine qui était là aussi…
Combien de bébés y a-t-il en tout ?
L’effectif des bébés change constamment. On nous avait dit qu’il y en avait vingt-huit en tout mais on en a trouvé trente-deux. Trois peuvent sortir aujourd’hui et cinq entrer le lendemain. On nous a donné quinze minutes pour nous entretenir avec eux. Pas plus.
Quelle expérience en tirez-vous ?
Le but était de leur montrer qu’on pense à eux mais surtout savoir comment ces mères font pour éduquer un bébé en prison en sachant combien c’est déjà difficile d’en élever un à l’extérieur. Et elles en sont conscientes. L’une d’elle m’a dit : « Mpimba yokuvyarira mugabo ntiyokurerera (On peut accoucher à Mpimba mais Mpimba n’éduquera jamais votre enfant.)
Avez-vous une solution pour endiguer ce problème ?
Il faudrait une loi qui interdise les enfants d’être en prison. Il faut un centre adéquat pour les enfants qui n’ont pas de famille. Le directeur adjoint de la prison m’a dit qu’avant la crise de 1993, les bébés étaient interdits en prison. Ce qui est terrible, c’est qu’il y a des garçons qui grandissent là-bas et à partir de 11 ans, on les transfère chez les hommes. Ils refusent de sortir de la prison vu que c’est le seul monde qu’ils connaissent. C’est triste. Aucun enfant ne devrait passer même une heure en prison.
Mais de façon concrète, quelle sera votre ligne d’action ?
On nous a appris que Maggy Barankitse prenait régulièrement des enfants de trois ans pour les installer à la Maison Shalom de Kigobe. Ce qui serait bien, c’est qu’on puisse apprendre d’elle pour savoir comment elle s’y est prise mais aussi avant tout, il faut faire agréer notre association. Une sensibilisation des jeunes s’impose. On nous a toujours dit que la jeunesse est l’avenir de ce pays. Prenons, par exemple, les enfants de la rue et ceux qui sont en prison actuellement. Dans 10 ans, ils auront entre 15 et 20 ans. Quel sera leur avenir ? Pourront-ils s’intégrer dans la société ? Dans le futur, on n’aura à répondre de cela…