20 personnalité ont répondu à l’appel d’Iwacu pour la liberté d’expression et la démocratie au Burundi. Chaque semaine, nous mettons à l’honneur un appel lancé par une personnalité. Nous invitons nos lecteurs à débattre avec nous sur les médias burundais. Après « Si demain je me tais encore… », débattons maintenant avec Christian Thibon sur « Les médias dans l’histoire contemporaine burundaise »
Vous pouvez retrouver tous les autres textes et
L’accès à cette édition spéciale est gratuit mais, si vous le souhaitez, vous pouvez acheter votre accès par solidarité envers les médias burundais.
Les médias dans l’histoire contemporaine burundaise
L’histoire universelle dévoile souvent que l’issue des grandes batailles dépend, en partie, de l’action de petits groupes ; l’histoire contemporaine met en évidence le rôle des médias ; l’histoire immédiate du Burundi en est une nouvelle illustration.
Au Burundi, l’histoire des médias démocratiques, c’est-à-dire libres et indépendants, d’une presse d’opinion et d’information concurrentielle est récente ; même si, à certains moments, ont existé une presse écrite ou des radios non gouvernementales, des médias religieux et un pluralisme autocontrôlé, cette histoire ne débute vraiment qu’au moment de la libéralisation puis de la démocratisation des années 1992-93. Depuis lors, cette histoire se confond avec les espoirs, les revers et travers d’une démocratisation en chantier, elle en épouse les temps politiques : on peut distinguer l’apparition des titres de la presse écrite lors de la première démocratisation (1992-93) et leur dévoiement-régression ethnicisée avec les « médias de la haine » dès 1994, puis un renouveau au travers de l’essor des radios privées durant la sortie de guerre civile, les négociations, la transition ; enfin la montée en puissance, l’institutionnalisation de médias de plus en plus diversifiés (presse radio, audiovisuelle, écrite, sites internet) qui hérite dès 2010, en l’absence d’une opposition alternative, d’un rôle politique. Aujourd’hui, ayant atteint une certaine maturité organisationnelle et professionnelle, sans pour autant avoir une assise économique stable, ces médias sont fragilisés par une crise politique latente commencée dès 2010, puis de nos jours par une crise ouverte qui, en radicalisant les positions politiques, vise ses journalistes.
Cette histoire est aussi celle de femmes et d’hommes. A l’exception des plusieurs journalistes reconnus à la carrière trentenaire issus de la RTNB, ce sont quelques centaines de journalistes, associés aux nouvelles radios privées, aux agences de presse apparues lors des négociations inter-burundaises d’Arusha, une drôle de période de guerre et de tractations qui ouvrit à Bujumbura des espaces de libertés pour une presse audiovisuelle sous le parapluie de la communauté internationale.
Ces jeunes journalistes, souvent polyvalents, à la fois journaliste et technicien, photographe et monteur, éditorialiste ou correspondant, sont nés dans l’urgence, issus de l’Université du Burundi, formés sur le tas ou dans le cadre de coopération multilatérale, depuis peu venant de formations dispensées localement. Ce groupe générationnel avec une forte représentation féminine est multiethnique même si, au départ, il s’agit le plus souvent d’ex-étudiants tutsi en dissidence qui ont décidé de rester et de s’engager dans cette voie. Depuis lors, le groupe s’est renouvelé, de nouveaux journalistes sont apparus, ils couvrent à leur péril l’actualité, alors qu’une partie des aînés a été captée par l’humanitaire, la communication politique…ou le retour à une vie civile plus normale.
Difficile de rendre compte de cette nébuleuse d’individus sauf à certaines occasions, lorsqu’un des leurs, visé par la justice, passe en procès ou d’une façon anecdotique à l’image d’une photo de famille, le 11 janvier 2015 dernier, en solidarité avec le journal « Charlie hebdo » devant l’Ambassade de France.
Au-delà d’une solidarité de corps et du respect de valeurs universelles attachées à la liberté de la presse, et des liens avec la communauté, les organisations internationales de défense de la presse, cette sensibilité vient aussi du fait qu’au Burundi, là plus qu’ailleurs, la défense des journalistes y résonne beaucoup plus fort. En effet l’impertinence, l’indépendance et la prise de risque sont la « marque de fabrique » de ces journalistes. Rappelons-nous certains de ces faits d’éclat perçus alors comme des « crimes de lèse-majesté » : la signature de la lettre publique au président P.Buyoya du 22 aout 1988 par des journalistes débutants, la prévision en décembre 1992 de la victoire limitée, sinon sa défaite, du candidat P. Buyoya, par le « Citoyen » du regretté C. Simbizi, les interviews des leaders du CNDD-FDD dans le maquis par les radios privées entre 2002-2004, les investigations de ces dix dernières années sur les affaires, dérives, manipulations et abus du pouvoir.
Ces informations-alertes ponctuelles, idéalistes, parfois maladroites, sont nécessaires tant la société et la vie politique burundaise souffrent d’une « statolâtrie », le fruit d’une culture monarchique autoritaire amplifiée par une accumulation des régimes disciplinaires colonial et postcoloniaux. Ces bouffées médiatiques participent à la respiration démocratique, à l’animation d’une opinion publique qui trouve peu dans les institutions et partis les espaces d’un débat.
A ces occasions-là, les journalistes furent, sont des passeurs, mais ils ne sont pas que cela, à l’image des fous du Roi et d’un exutoire de Cour auxquels certains voudraient les cantonner. Ils ont hérité d’un rôle, d’une fonction tribunicienne qu’à la suite des accords d’Arusha, le régime et le système politique, la voie burundaise du compromis socio-politique leur ont tracés sans pour autant le reconnaître d’une façon explicite et consensuelle. Ce dessein de pression positive, ce destin de garde-fou mais aussi de contribution au débat politique, ambigus et « piégeux » car les frontières entre journalisme et politique ne sont pas étanches, sont sûrement trop lourds pour leurs épaules, ils supposent une professionnalisation et une éthique renforcée, un enjeu interne, mais ils participent au bon fonctionnement, à la régulation d’un régime consociatif dont on connaît les travers de compromission et d’enlisement. Pour cette raison, leur métier mérite d’être sanctuarisé, même si on est bien loin aujourd’hui de cette situation !
Par Christian Thibon
Chrisian Thibon est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA). Spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs, il a dirigé l’Institut français de recherche en Afrique (IFRA) à Nairobi. Il est l’auteur de nombreux articles sur le Burundi (histoire, démographie, politique,…).
Il faudrait aussi ajouter que le professeur Christian Thibon est un ancien professeur de l’université du Burundi des années 80 , au département d’Histoire du temps des Professeurs Daniel Nyambariza ou Gaétan Feltz .
Pour ceux qui le connaissent, certainement qu`il a été décu par le comportement, le manque de patriotisme ainsi que la haine ethnique qui caractérisent ses anciens protégés.
Il semble que le professeur Thibon aurait cessé d’assurer ses cours à l’université du Burundi car il aurait affirmé que les « étudiants de l’UB étaient d’une seule ethnie » . Au cas ou ceci serait vrai je me demande comment il aurait fait ce recensement ethnique, nous mêmes burundaise on s y perd un peu. Il est vrai que sous la période de Mr Ntibantunganya les étudiants de l’UB passaient leur temps à battre le pavé que dans les amphi mais tous les étudiants du monde entier sont » génétiquement » contesttaires par rapport au régime en place. Le problème est qu’ on a tendance , au Burundi , à tout comprendre et tout expliquer à travers le prisme déformant de l’ethnisme. Je me souviens encore d’un centrafricain qui me demandait un jour en 1990 quelque part dans une ville francaise si je parlais » tutsi ou hutu » . Quelle réponse auriez vous donné? Je parle les deux .
@Magufur
« Il semble que le professeur Thibon aurait cessé d’assurer ses cours à l’université du Burundi car il aurait affirmé que les « étudiants de l’UB étaient d’une seule ethnie » . »
Ne faites pas semblant et ne niez pas l’évidence! La preuve est que la suite a donné raison à ce brave Monsieur: 300 mille morts + une destruction du pays durant un peu plus de 10 ans.
Pour vous, quelle a été la cause de ces tragiques événements de fin des années 1980 et années 1990-2000?
@ Baobab
J’ignore si l’ UB était composé d’une seule ethnie , je n’ai pas fait de statistiques ethniques comme on en fait aujourd’hui . Tout ce que je sais est que ma famille n’est pas mono ethnique , elle est métisse hahahah , hutu- tutsi , Je ne me pose pas ce problème . La raison des evenements tragiques du Burundi est une mauvaise gouvernance et ca continu . Alors satisfait ?
Magufuri,un politicien Burundais de Abasa expliquait aussi que quand les gens d Ijenda et de Buhonga descendez sur Nyamutenderi il lui était incapable de distinguer les hutu des tutsi. Mensonge pur et simple, on peut se tromper dans 10%des cas. Vous avez une famille hutu et tutsi:comment vous faites avec le régime patrimonial?