A presque dix mois après l’annonce de la grâce présidentielle en faveur de certains prisonniers, sa mise en application suscite des interrogations. Qu’est-ce qui bloque ? Quelles sont les conséquences sur la vie des détenus. Quid des solutions ? Eclairage par Jean-Marie Nshimirimana, président de SPF « Ntabariza ».
« Ce sont des douleurs et lamentations, non seulement chez les prisonniers censés être bénéficiaires de cette grâce, mais aussi du côté de leurs familles », déplore Jean Marie Nshimirimana, représentant légal de l’association Solidarité avec les Prisonniers et leurs Familles, SPF/ Ntabariza. Ce défenseur des droits des prisonniers se dit préoccupé de la lenteur et du retard mis dans la mise en application de cette grâce accordée par feu président Pierre Nkurunziza. « C’est déplorable que les bénéficiaires de cette grâce présidentielle croupissent encore en prison ».
Il s’interroge sur les obstacles qui empêchent la concrétisation de cette mesure présidentielle : « Nous ne voyons pas où réside le problème d’autant plus qu’il y a une commission permanente chargée d’analyser les dossiers des détenus.» Il dénonce la lenteur dans l’exécution de la mesure présidentielle.
« Même si le nombre des membres de cette commission est réduit, cela ne peut pas servir de prétexte pour justifier ce retard ». D’après lui, la commission a eu un temps suffisant pour visiter toutes les prisons et analyser minutieusement les dossiers des bénéficiaires. « Qu’elle donne le rapport et la liste des bénéficiaires ».
Ce défenseur des droits des prisonniers plaide pour certaines catégories de détenus : « Ceux qui souffrent de maladies chroniques espéraient se faire soigner étant libres, mais continuent à souffrir dans les prisons.»
Des conséquences ne manquent pas
M. Nshimirimana épingle quelques conséquences qui découlent du retard dans la mise en application de la mesure présidentielle. Il évoque la surpopulation carcérale avec son cortège de conséquences. Et de citer la prison de Mpimba qui compte actuellement 4800 détenus sur une capacité d’accueil de 800 détenus. « C’est une perte pour le gouvernement qui continue de dépenser des sommes colossales pour prendre en charge ces prisonniers. Cet argent pourrait financer des projets de développement».
En outre, certains prisonniers risquent de développer un traumatisme. D’autres risquent de perdre la confiance en la justice. Il souligne, par ailleurs, que la libération des bénéficiaires de la grâce présidentielle désengorgera les prisons.
Des solutions sont envisagées
Jean-Marie Nshimirimana suggère des solutions pour désengorger les prisons. Il demande à la ministre de la Justice d’user de ses prérogatives pour procéder à la libération conditionnelle des prisonniers, notamment ceux qui ont déjà purgé le quart de leurs peines. Il suggère également l’application systématique du travail d’intérêt général comme une alternative à la peine d’emprisonnement.
M. Nshimirimana recommande aux magistrats de ne pas infliger des amendes excessives aux justifiables qui sont, pour la plupart, insolvables. Il leur conseille d’éviter des emprisonnements abusifs.
Cet activiste de la société civile recommande aussi la concrétisation de l’annonce du président Ndayishimiye en rapport avec la redynamisation du système des tribunaux collinaires. « De petits litiges peuvent trouver une solution grâce à cette justice de proximité ».
Pour rappel, le Burundi compte 11 établissements pénitentiaires et deux centres pour les mineurs. La population carcérale s’élève aujourd’hui à plus de 12 mille prisonniers sur une capacité d’accueil de 4 mille détenus.
Iwacu a essayé de joindre la ministre de la Justice, sans succès.