A la veille du nouvel an 2020, le président de la République a annoncé la grâce à certaines catégories de détenus. D’aucuns s’inquiètent du retard mis dans la libération des bénéficiaires de cette grâce. La ministre de la Justice tranquillise.
« C’est regrettable que les bénéficiaires de la grâce présidentielle croupissent encore en prison. La situation est inquiétante. La balle est dans le camp du ministère de la Justice qui devrait mettre en exécution l’annonce du président de la République », déplore Jean-Marie Nshimirimana, représentant légal de l’association Solidarité avec les Prisonniers et leurs Familles, SPF/ Ntabariza.
C’est incompréhensible, s’indigne-t-il, que les graciés passent des mois et des mois en prison sans être libérés. Il dénonce la lenteur de la commission qui est chargée de l’exécution de la mesure présidentielle. « La commission chargée d’analyser les bénéficiaires de la grâce présidentielle traîne les pieds ».
Selon ce défenseur des droits des prisonniers, certaines catégories de détenus méritent une attention particulière. L’urgence s’impose pour les graciés ayant des maladies chroniques. Leur libération permettrait de se faire soigner aisément.
Et d’informer que la ministre de la Justice a libéré des femmes. Mais, il fait observer que la grâce concerne tous ceux qui remplissent les conditions. « Les hommes devraient suivre pour qu’ils aillent contribuer au développement du pays et ainsi mettre fin à leur oisiveté».
Par ailleurs, déplore M. Nshimirimana, le nombre des membres de la commission est très réduit alors que le travail qui les attend est immense.
« Cinq personnes ne peuvent pas accomplir, dans les délais, un travail qui était auparavant exécuté par treize personnes ».
Des solutions sont envisagées
« Dès lors que l’on sait que le président de la République annonce la grâce à la fin de chaque année, nous proposons que cette commission se mette au travail dès le mois d’août ou septembre», suggère Jean-Marie Nshimirimana. Selon lui, l’annonce de la grâce présidentielle pourra tomber au moment où la commission aura terminé son travail. Les bénéficiaires pourront rentrer dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, ce défenseur des droits de l’Homme demande à la ministre de renforcer cette commission : « Il faut que leur nombre soit revu à la hausse.»
En outre, fait-il savoir, la ministre de la Justice peut user de ses prérogatives et ne pas attendre la grâce présidentielle. « La loi l’autorise à libérer un détenu ayant déjà purgé le quart de sa peine ».
Il suggère également l’application systématique du travail d’intérêt général comme une alternative à la peine d’emprisonnement. Cette peine présente un double avantage. Elle contribue au désengorgement des prisons et ainsi diminue les dépenses pour le gouvernement. Elle permet aussi une bonne réinsertion sociale du détenu.
Interrogé sur les plaintes des justiciables qui dénoncent les irrégularités qui émailleraient l’analyse de leurs dossiers, M. Nshimirimana écarte l’avilissement des membres de cette commission : « Nous ne sommes pas au courant de cas où la commission aurait glissé des détenus non-éligibles à la grâce présidentielle.»
Toutefois, cet activiste de la société civile fustige le comportement de certains magistrats qui infligent souvent des amendes excessives aux justiciables. Ces derniers arrivent à purger leurs peines, mais restent en prison faute d’avoir été incapables de payer leurs amendes. Il recommande aux magistrats d’éviter d’infliger des amendes disproportionnées.
« Nous conseillons aux magistrats de faire des enquêtes minutieuses, d’arriver sur le terrain, de se renseigner si tel ou tel justiciable est solvable ou pas».
Et de rappeler que la liberté reste la règle, l’emprisonnement étant l’exception : « Nous demandons au gouvernement de libérer tous ces détenus qui croupissent en prison sur fond d’insolvabilité ».
La ministre de la Justice rassure
« La commission qui est chargée d’exécuter la mesure de la grâce présidentielle est à l’œuvre. Les graciés seront libérés très bientôt», tranquillise Aimée Laurentine Kanyana, ministre de la Justice. Le travail a débuté par l’identification des femmes et des mineurs en conflit avec la loi. Et d’affirmer que les deux catégories sont déjà libérées. Pour les autres catégories, la commission poursuit l’analyse des dossiers. « Nous espérons que les listes seront prêtes vers la fin du mois de mai ».
La ministre Kanyana justifie le retard par la complexité des dossiers : « Nous avions projeté que le travail serait terminé avec le mois de mars. Mais vu la complexité des dossiers, nous avons voulu faire une analyse minutieuse de chaque dossier.»
Elle déclare que son ministère préparer une formation patriotique à l’intention des graciés. Et de préciser que ces activités doivent s’exécuter pendant une période raisonnable.
Interrogée sur le nombre des membres de la commission, la ministre de la Justice estime que les membres de ladite commission sont en nombre suffisant. « S’il s’avère que c’est nécessaire, nous allons y affecter d’autres cadres du ministère. Ils sont disponibles ». Et de rassurer que tout le nécessaire sera mis à leur disposition chaque fois que de besoin.
Pour rappel, le Burundi compte 11 établissements pénitentiaires et deux centres pour les mineurs. La population carcérale s’élève aujourd’hui à plus de 11 mille prisonniers.