Urbanisation anarchique, sans véritable plan d’aménagement, manque de viabilisation, routes impraticables absence totale de caniveaux, infiltration des eaux partout à chaque saison des pluies, ce qui cause d’importants dégâts aux habitations construites de manière précaire. Tel est le vécu des habitants du quartier de Gikoto à Gasekebuye.
Il est 11 h 40 à Gikoto, un quartier situé dans la zone urbaine de Musaga, dans la commune Muha, en mairie de Bujumbura. C’est une zone non-viabilisée où dominent des constructions anarchiques. Par manque de caniveaux, les eaux des pluies détruisent les maisons construites même en dur.
De part et d’autre de la rivière Mpimba séparant le quartier Gikoto et Gitaramuka, des glissements de terrains ont détruit les maisons obligeant la plupart de gens à déménager même s’il y a d’autres qui y habitent, vivant la peur au ventre.
La population de cette localité est désemparée : « On est tranquille seulement lorsqu’il n’y a pas de pluie. Quand il pleut, on quitte nos maisons. La petite maisonnette que vous voyez, abritait le lieu d’aisance. Nous l’avons abandonné parce qu’elle est sur le point de s’écrouler. Vous voyez que même là où nous sommes, il y a des fissures, et trop de glissements. Tout cela peut s’écrouler d’un moment à l’autre, ce phénomène emporte une grande partie de la terre. Nous sommes en train de chercher un autre endroit où l’on peut creuser une latrine, le temps que nous sommes encore ici. Nous craignons pour la sécurité de nos enfants et pour nous-mêmes », se désole une veuve dans la quarantaine.
Elle poursuit son récit : « Nous n’avons nulle part où aller. Je vis dans ma maison, je ne peux pas la quitter. Mon mari est décédé, je prends en charge la famille autant que je peux. Nous demandons au gouvernement de nous aider en protégeant les berges de ce cours d’eau, la population n’en est pas capable, cela demande énormément de moyens ».
Anita Ndayishemeze, une autre femme habitant la 2ème avenue tout près de la rivière Mpimba nous partage ses craintes : « J’habite ici au bord, les éboulements ont détruit les maisons. Dernièrement, il y a même eu des décès, mais d’autres personnes ont été sauvées ».
Et de faire une demande : « Nous supplions Son Excellence le président de la République, le Père de la nation, de venir à notre secours. Même les voisins qui ont des maisons encore debout, se préparent pour partir. Qu’il nous aide ».
Pascal Ndenzako, un autre habitant de ce quartier demande à l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA) de venir réhabiliter les berges de cette rivière. « L’OBUHA est capable plus que nous. Les éboulements dépassent déjà les capacités des habitants. Qu’il vienne protéger les maisons qui ne sont pas encore détruites. Ce n’est pas question des caniveaux ou des petits tronçons. Ces sont des pas de terrains qui s’effondrent. Cette terre semble solide, mais comme ces éboulements ont commencé il y a longtemps, voilà qu’ils arrivent jusque chez nous », explique cet habitant désemparé.
« Au départ, nous avons essayé de faire des cotisations pour quelques travaux, mais maintenant, cela dépasse la capacité de la population. Nous ne cessons pas de demander à quiconque qui peut nous aider de venir à notre secours », se plaint-il.
Viviane Kigeme, la Cheffe du quartier Gasekebuye affirme qu’un habitant de cet endroit est décédé suite à ces éboulements. Il y a eu également des blessés et 150 habitants ont dû déménager. « Depuis l’année 2023, ces éboulements n’ont pas cessé de déstabiliser les habitants de cet endroit. Cela est dû à la non-viabilisation de notre quartier, vous avez vu qu’il n’y a pas de caniveaux et les eaux des pluies ruissèlent se traçant des chemins et cela multiplient les cas d’inondations. Certaines familles ont déjà perdu leurs domiciles », déplore-t-elle.
Vianney, un habitant de la 2e avenue, quartier Gikoto se dit préoccupé par ces éboulements : « Ma maison risque de s’écrouler, c’est pourquoi nous lançons un cri d’alarme pour que nos maisons ne soient pas emportées ».
Il signale que dans la genèse de ces problèmes, figure la non-application des études du sol pour bâtir une maison : « Au départ ici à Gasekebuye, la construction des maisons n’a pas respecté les normes. Les eaux coulent avec force et ont causé des éboulements. Et la rivière Mpimba a emporté au moins 5 maisons ».
Récemment, déplore Vianney, une maison s’est écroulée avec un homme qui prenait une douche pour aller au travail. « Il était gravement blessé, il se pourrait qu’il n’ait pas survécu ».
De plus, indique-t-il, il n’existe pas d’entraide au sein de la population, chacun se débrouille. « Nous demandons au gouvernement de commanditer des travaux afin de bien canaliser la rivière Mpimba, ce qui pourrait contribuer à stopper ces éboulements qui continuent d’emporter nos maisons ».
Le danger est d’autant plus alarmant aux abords de la rivière Mpimba, qui sépare les quartiers Gikoto et Gitaramuka. Les glissements de terrain y sont récurrents et dévastateurs, détruisant des maisons et forçant de nombreuses familles à déménager. Cependant, certains habitants, faute de solutions alternatives, continuent d’y vivre malgré la peur constante d’un effondrement.
Une situation connue mais difficile à gérer
Face à cette crise, nous avons contacté l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA). Le commissaire général, Léonidas Nibigira, reconnaît la gravité de la situation mais souligne que le problème des glissements de terrain ne se limite pas à Gikoto. « Il y en a beaucoup et partout, que ce soit dans la ville de Bujumbura ou dans d’autres villes du pays », a-t-il déploré.
Selon lui, l’ampleur du phénomène rend la gestion de ces catastrophes complexe. Il admet que l’OBUHA ne peut pas intervenir partout simultanément, faute de moyens suffisants. Cependant, il assure que des efforts sont en cours pour répondre aux urgences les plus critiques surtout en élaborant des urgences prioritaires.
Afin de limiter les dégâts et prévenir d’autres catastrophes, l’OBUHA travaille sur plusieurs projets prioritaires destinés à renforcer la résilience des zones urbaines vulnérables. Ces initiatives sont financées par la Banque mondiale dans le cadre du Projet Résilience Urbaine (PRU).
Signalons que le PRU vise à améliorer la planification urbaine et à réduire les risques liés aux catastrophes naturelles, en mettant en place des infrastructures adaptées.
Parmi les mesures envisagées, il y a la construction de caniveaux pour faciliter l’évacuation des eaux pluviales, la stabilisation des sols dans les zones sujettes aux glissements de terrain et le renforcement des normes de construction pour éviter l’implantation de logements dans des zones à haut risque.
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