Vendredi 11 juin 2021, une vingtaine de diplomates du Lesotho, Malawi, Ghana, Guinée, Rwanda et du Burundi ont été priés de plier bagage par les autorités sud-africaines. Pour le cas du Burundi, trois personnes sont concernées dans cette affaire : un attaché militaire, son épouse et le conjoint de la première secrétaire d’ambassade.
Selon Z.Q., une source jointe en Afrique du sud, la vente d’alcool par des diplomates était un secret de polichinelle. « Tout le monde savait qu’il pouvait s’approvisionner en alcool auprès des diplomates ». Nous apprenons auprès de la même source que les diplomates disposaient d’un lieu à Pretoria où ils se procuraient de l’alcool sans taxes.
Un état de grâce pour les diplomates qui a duré jusqu’au confinement lié à la Covid-19. Une période durant laquelle l’Etat sud-africain a durci l’accès à l’alcool pour des motifs sanitaires. « Une nuit, la police sud-africaine a fait une descente dans un bar où elle a saisi une quantité énorme d’alcool qui avait été fournie par des diplomates. Du Whisky, rhum, cognac, tout y était ! », raconte notre source. Les diplomates, poursuit-elle, étaient devenus des ‘’dépôts ambulants’’. « Comme ils bénéficiaient de l’alcool hors TVA, les diplomates le vendaient à un prix bas».
« Le Ministère savait »
Pour Z.Q., le ministère des Affaires étrangères n’ignorait rien de ce qui se passait au pays de Nelson Mandela. « Toutes les dépenses effectuées par les diplomates sont envoyées au ministère. Dans ces conditions-là, je vois mal comment les autorités dudit ministère pouvaient ne pas savoir».
Selon Z.Q, l’attaché militaire en cause dans cette affaire venait d’être nommé pour le même poste en RDC. Pour cette source, ceci explique l’embarras des autorités de Gitega. « Les dirigeants burundais n’ont pas voulu mettre en lumière les tares d’un attaché militaire qui venait d’être nommé dans un autre pays ». Z.Q. ajoute que l’attaché militaire en cause, ayant appris les premières expulsions de diplomates, a devancé son départ qui était prévu à une date ultérieure à l’éclatement de l’affaire.
D’après la même source, les personnes impliquées ont pu gagner jusqu’à 100.000 rands/mois pour cette vente d’alcool illicite, soit autour de 8000 dollars américains.
Contactée, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération au Développement, Sonia Niyubahwe, a affirmé que les enquêtes sur cette affaire se poursuivent, sans plus de précisions.
« Nos diplomates seront considérés comme manquant de sérieux et peu compétents »
« Selon la Convention de Vienne, il est interdit à un diplomate de se livrer à une activité autre que celle d’assurer les liens politiques avec le pays hôte », juge un ancien chef de la diplomatie qui a requis l’anonymat.
Pour lui, cet incident nuit fortement à l’image du Burundi, d’autant plus que « les autorités burundaises traitent cette affaire à la légère ». Nos diplomates, estime-t-il, seront considérés comme manquant de sérieux et peu compétents.
L’ancien ministre des Relations extérieures se dit scandalisé par cette affaire, mais assez peu surpris : « Vu la manière dont est gérée la diplomatie, ces quinze dernières années, je ne suis pas étonné de ce qui s’est produit en Afrique du Sud.»