Les bouchers au marché de Gitega peinent à congeler leur marchandise. Les plus touchés sont ceux qui vendent les viscères : ils doivent aller louer les congélateurs dans les ménages les plus proches. Les consommateurs craignent pour leur santé… depuis dix ans.
<doc7606|left>Que des mouches, que des mouches ! Vers 17h30, on les voit courir, les bouchers, éperdus, un peu malheureux, se ruant dans les quartiers proches du marché pour louer de petits réfrigérateurs dans lesquels entasser les morceaux de viande de boeuf, de chèvre, de porc, … Et les mouches sont furieuses.
Le lendemains, elles sourient de nouveau quand la viande revient sur la tête des bouchers, pour retrouver les étals.
"Pour qu’un ménage accepte le kilo de viande, la facture varie de 100 à 120 Fbu la nuitée", précise Jean Paul, vendeur des lieux depuis des années. Et les plus touchés par ces courses crépusculaires sont ceux qui vendent les boyaux : les jours de fête sont pour eux une calamité car ils perdent, devant les ricanements des camarades bouchers empochant des gains énormes : "C’est une habitude désormais. Si tu ne parviens pas à stocker ta marchandises dans un congélateur, personne ne pose même plus de question. Les clients n’approcheront même pas ta balance" renchérit Deus, la mine sérieuse. Hop ! … Une mouche a failli interrompre son propos qu’il chasse à grands gestes.
Ce boucher de 25 ans d’ancienneté dans le business rappelle qu’à Noël, à la Saint-Sylvestre et pour le weekend pascal, plusieurs vaches et chèvres sont abattues : "Les risques de pertes sont grands. Nous nous retrouvons avec une grande quantité des viscères qui ne trouvent pas pourtant de clients le même jour", explique-t-il en luttant toujours contre ces "foutues-essaims-de-mouches-attirées-par-l’odeur-de-la-viande-et-qui-m’empêchent-de-parler."
Il est temps de s’éloigner un peu.
Et des contrôles strictes …
Les choses se compliquent quand il y a un délestage de courant dans les quartiers où ils ont loué des frigos … "Au deuxième jour [et pas le premier, notez-le], la viande est périmée. Elle est à jeter", explique-t-on dans une ambiance de bourdonnements et de cris, alors que le soleil luit là-haut, participant dans l’indifférence générale à cuire un tout petit peu les produits des étals …
"Si au moins l’administration du marché pouvait chercher des congélateurs et les mettre dans un lieu connu. On serait évidemment volontiers là pour les louer, et la commune y gagnerait de l’argent", propose Claude, machette en mains.
Le commissaire du marché de Gitega est désolé : "Nous n’avons pas de moyens propres pour acheter ces machines. Ni même réparer celles qui étaient là avant", reconnaît Wenceslas Manirakiza … dont le bureau est situé dans l’ancienne chambre froide !
Il précise néanmoins que des contrôles sont chaque fois effectués pour que la viande périmée ne soit pas vendue : "Nous tenons à la santé des consommateurs. Chaque soir, la police vérifie si chaque boucher amène ses marchandises dans les réfrigérateurs" explique avec sérieux, sans pour autant préciser avec quels moyens il dispose pour savoir si la viande vendue n’est pas périmée.
Les consommateurs, eux, se débrouillent, même s’ils sont intimidés déjà par les conditions d’hygiène à l’abattoir : "A part l’odeur ou la couleur du morceau qui aurait changé, personne ne peut dire si la viande que nous mangeons est encore en bon état ou pas", concède Victor.
Et comme le malheur des uns fait le bonheur des autres, "l’odeur de la viande avariée chasse les clients et attire les mouches, plus ceux qui cherchent la nourriture des chiens ou des porcs qui emportent tout à très peu de frais", regrette un boucher. Mais comme certains sont réticents à tout céder à des prix dérisoires, "ils sont obligés de les mélanger {astucieusement} avec celles qui sont encore fraîches" reconnaît-t-on.
Ah ! sauce … plutôt !, viande, quand tu nous tiens !