Avec la réhabilitation d’une partie de l’ancien marché de Gitega, beaucoup de commerçants ont déménagé vers le quartier vétérinaire ; tandis que d’autres se sont pressés de chercher des places à Mukabasazi qui est aujourd’hui devenu un véritable marché où l’on trouve tous les produits. Ceux qui ont émigré veulent la fusion de ces deux marchés parallèles ; car il s’y vend les mêmes marchandises. <doc2512|left>A l’extrémité sud du marché situé au quartier vétérinaire, une atmosphère étonnamment calme. La majorité des kiosques sont fermés. Tout autour, les espaces sont envahis par les mauvaises herbes. Cette place offre une image contraire à la vocation d’un marché. Un visiteur non averti croirait que c’est un marché à l’abandon. En quittant l’extrémité vers le milieu, l’ambiance change : devant leurs kiosques ouverts, des commerçants attendent des clients qui ne viennent pas. Pour tuer le temps, les hommes jouent aux cartes ; tandis que les femmes, épuisées, somnolent sur les étagères qui devaient servir de stands. En attendant la fin des travaux dans leur ancien marché, ces commerçants s’insurgent contre le fait qu’ils doivent rester dans ce milieu. Ils indiquent que par manque de clients, leurs marchandises pourrissent dans les stocks. Assis devant son échoppe et lassé de rester là sans rien vendre, Jean-Marie Nduwayezu exprime son désarroi. « Nous sommes venus ici tambour battant. Mais depuis, nous passons toute la journée sans voir un seul client qui s’adresse à nous. C’est très décourageant. Presque tout mon capital est déjà parti en fumée. Je viens de passer trois mois ici, sans rien vendre », raconte ce vendeur d’habits. Ce jeune homme ne sait pas s’il va continuer de payer une taxe communale de 4000Fbu par mois. Et ce sentiment de désespoir est partagé par la majorité des commerçants. Exerçant depuis douze ans, Innocent Kavakure indique que la situation dans laquelle il vit aujourd’hui est insoutenable. Il risque de fermer alors qu’il a contracté un crédit bancaire. A l’instar de la plupart de ses collègues, il n’est pas sûr de pouvoir rembourser cet argent avec des intérêts. « J’ai hypothéqué ma maison en espérant que je vais bien travailler et rembourser rapidement. Mais depuis que nous avons déménagé, je n’ai même pas réussi à vendre la moitie de mon stock », fulmine-t-il. Les commerçants incriminent l’existence de ces deux marchés qui proposent les mêmes marchandises. Selon eux, le déplacement des commerçants qui sont à Mukabasazi vers le quartier vétérinaire recueille 90% d’avis favorables. Un tel sondage vient en appui à la démarche entreprise par le comité de gestion du marché de Gitega. Des intérêts contradictoires Une équipe de cinq délégués des commerçants aurait approché l’administrateur communal de Gitega pour lui présenter les doléances des propriétaires des échoppes au quartier vétérinaire. Pour eux, l’idée de fusionner ces deux marchés serait le remède à leur problème. Cette proposition rencontre pour le moment de vives résistances de la part de ceux qui se sont installés à Mukabasazi. Des sources dans ce marché font savoir qu’il serait injuste de la part de l’administration de fusionner ces deux marchés alors que ce programme de construction ne les concerne pas. D’après eux, ces commerçants se montrent égoïstes en cherchant à avoir tous les privilèges. « Je comprends mal pourquoi ils se lamentent en disant que nous les concurrençons maintenant alors que cette réhabilitation est pour leur intérêt. D’abord, ils ont droit à des parcelles dans le nouveau marché. Quand ils reviendront dans leurs places, se soucieront-ils de notre sort ? » se demande B.H. Selon cette vendeuse de produits vivriers, ces commerçants ont pris la mauvaise habitude de tirer la couverture vers soi. « Nous sommes ici parce que la majorité des parcelles au grand marché appartient à ceux-là même qui veulent que nous les suivions partout », ajoute-t-elle. L’irritation exprimée par cette femme semble être le sentiment de tous les commerçants de Mukabasazi. Vendeur de friperie, Gérard ne mâche pas ses mots. Selon lui, ces soi-disant grands commerçants veulent dicter leur loi en voulant toujours s’entourer de petits vendeurs. « S’ils pensent que nous avons pris leurs clients, qu’ils viennent ici mais à condition qu’ils acceptent à leur tour de nous céder leurs stands dans le nouveau marché. Sinon pourquoi les suivre alors que nous n’avons pas partout les mêmes droits ? » Une équation à plusieurs inconnues Face à cette mésentente entre commerçants, l’administration affirme privilégier le dialogue car tous ces protagonistes ont le même droit d’exercer. « La solution n’est pas simple à trouver ; chaque partie donne l’impression de camper sur la position qui la favorise. L’objectif de la commune n’est pas de favoriser une partie quelconque. Seul un compromis entre ces commerçants sera la bienvenue », explique le conseiller technique chargé du développement en commune de Gitega. Pour lui, la solution déjà prise consiste à déplacer les parkings Gitega- Ruyigi et Gitega-Rutana qui étaient restés tout près de Mukabasazi vers le quartier vétérinaire. « Nous espérons que les passagers vont acheter des articles là où ils prennent le bus, ce qui augmentera le nombre de clients dans ce marché. En attendant, les négociations continuent; mais elles ne seront pas sans fin. Nous trouverons coûte que coûte une solution même si elle ne peut pas plaire à tout le monde », avertit ce responsable.