Fondée en 2001 pour venir à bout de la discrimination sociale dont les Twa sont objet, cette école est désormais un exemple dans leur intégration scolaire. Grâce à un système de cantine bien «particulier », leur taux d’abandon scolaire est nul.
Aires de jeu bien spacieuses, salles de classes et sanitaires toutes aérées et propres … A première vue, l’on se croirait dans les enceintes de ces lycées huppés de Bujumbura. Tellement tout est bien ordonné. Les élèves dans leurs uniformes jaunes-verts n’ont rien de ces enfants, dont les parents doivent se démener pour avoir de quoi mettre sous la dent. Dans cette matinée du lundi 11 février, malgré un froid de canard, aucun élève ne s’est absenté. Même les petits de la gardienne ont bravé le froid.
«Pour une école essentiellement fréquentée par les élèves d’ethnie Twa, c’est un scénario difficile à imaginer, il y a quelques années », se félicite Béatrice Munezero, coordonnatrice générale de l’école.
Avec un effectif total de 515 élèves, dont 266 élèves Twa, cette école se trouvant dans la commune Mutaho, colline Nyangungu (au bord de la Ruvubu sur la frontière entre les provinces Gitega et Ngozi), est une référence dans l’inclusion scolaire des enfants Twa.
Pourtant, à sa fondation en 2001, c’est un challenge que bon de ses responsables ne pensaient pas relever. « L’idée, avant tout, c’était qu’ils ne se sentent plus discriminés. Désormais, à l’instar de leurs voisins Tutsi et Hutu, ils comprennent le bien-fondé de l’école ». Pour les intéresser, raconte-t-elle, nous leur avons donné au début des gages. Entre autres, acheter des parcelles pour eux, leur monter de petits projets générateurs de revenus. « Des revendications fondées parce qu’il fallait qu’ils vivent des métiers autres que la poterie ». Un pari que mènera à bien l’Union chrétienne pour le développement des déshérités(UCDD). Le contrat rempli, il ne restait que s’atteler à la scolarisation de leurs enfants.
Objectif: la réussite pour tous
« Qu’ils furent difficiles leurs premiers pas à l’école », se remémore-t-elle. Confrontés sans cesse à une recrudescence du taux d’abandon scolaire, les enseignants ne savaient plus à quel saint se vouer. « Mais à force d’être constamment à leur écoute, ils nous ont révèlent que c’est à cause de la faim qu’ils abandonnent l’école ». De là naîtra l’idée de les nourrir à l’école. L’UCDD, appuyée par le comité canadien des mennonites, mettra en place les cantines scolaires. Une politique qui ne tarde pas à produire les effets escomptés.
Depuis deux ans, tous les jours, à 10h, les élèves reçoivent du pain, de la bouillie et de la viande de poulet. Une collation qui s’est avérée utile. « Depuis, le taux d’abandon scolaire a chuté à zéro et l’absentéisme n’est plus d’actualité », témoigne Léa, une enseignante.
Toutefois, une situation inimaginable, il y a deux ans. Elle fait savoir que le taux d’abandon scolaire, au cours de l’année scolaire 2015/16, oscillait entre 10-11%, tandis que celui de l’absentéisme était de 10%. Et de révéler : « Grâce à l’encadrement des agents communautaires, les filles sont très soucieuses de leur hygiène corporelle et les grossesses précoces ont considérablement diminué.» Une initiative saluée par les parents. En témoigne, Salvator Bicokwe. D’ethnie Twa, ce père de 5 enfants, dont une fille en classe terminale, rêve grand. « En plus de 50 ans, notre famille comptera enfin une diplômée des humanités générales ».D’une autre côté, estime Gérard Bitariho, outre que cette école ait permis l’inclusion sociale des Batwa, sa proximité avec le village, a permis aux enfants des autres ethnies de retrouver le chemin de l’école. « Dorénavant, ils n’ont pas à parcourir de longues distances ».
Des lendemains qui chantent, pour autant?
Cette année, les lauréats des humanités générales et les parents n’ont qu’un vœu : avoir dans la localité une université ou un institut technique. Selon l’UCDD, cela permettrait aux enfants de poursuivre leur cursus académique, toutefois, une initiative qui demande un autre investissement.
Hormis la construction de nouveaux bâtiments, Innocent Mahwikizi, coordonnateur national de l’UCDD, indique qu’il faudrait trouver un autre bailleur pour payer les salaires des professeurs.
L’adduction en eau potable et l’électrification de la localité de Nyangungu sont les autres doléances des responsables de l’école. Une urgence, estime M. Mahwikizi car, dans la plupart des cas, les élèves sont privés des séances d’initiation à l’informatique. De surcroît, ils sont exposés aux maladies des mains sales.
« Des questions qui, d’ici peu de jours, auront une réponse afférente », tranquillise Denis Niyomushobozi, administrateur de la commune Mutaho. Concernant l’adduction d’eau, il indique qu’une pompe est déjà installée. Seul reste le raccordement de tuyaux. « Quant à l’électricité, une fois l’installation de pylônes terminée, l’école sera électrifiée ».
Alors que dans un proche avenir la direction de l’école pense s’agrandir, sa responsable demande l’appui du gouvernement : « Ne fût-ce que nous octroyer le matériel didactique ». Bien qu’on soit une école privée, conclut-elle, on œuvre pour un même idéal, celui d’éduquer la jeunesse, le Burundi de demain.