Parler aujourd’hui de Gitega, à 102 km de Bujumbura, au centre du pays, fait directement penser à cette deuxième ville du pays élue pour accueillir certaines grandes institutions.
Pour s’y préparer, certains axes du centre urbain sont bitumés, des poteaux d’éclairages publics installés, des magasins ont fait peau neuve, de nouveaux hôtels sont érigés, des anciennes constructions rénovées, retapées. De nouveaux quartiers se créent. Des ouvriers s’activent sur différents chantiers de maisons en étage ou haut-standing.
Néanmoins, la ville centenaire fait face à un casse-tête : la gestion des déchets. Dans certains quartiers comme Magarama, quartier dit « swahili », … les déchets font partie du décor. Ils sont jetés même dans les caniveaux. Aucune décharge publique pour cette ville en pleine extension.
Des dépotoirs improvisés pullulent, comme à ’’Ku Kimanga’’, au quartier Shatanya. Un cas emblématique. Au sud du marché central de Gitega, ce site donne de la nausée.
Plusieurs sortes de déchets en provenance du marché et des ménages, des restes d’aliments des gargotes environnantes, des épluchures de banane, des fruits pourris, … tous ces déchets finissent leur course là.
Pire, l’endroit sert de lieu d’aisance. «L’entrée aux toilettes du marché est payante. Pour y accéder, il faut débourser 100 francs burundais. Quand j’ai la chance d’avoir ce billet, je pense à manger. C’est pourquoi je me soulage ici», lance avec nonchalance un homme rencontré sur place.
«Vous sentez cette odeur qui se dégage? On n’y peut rien», ironise un autre jeune homme. Le sourire moqueur, il montre du doigt d’innombrables ’’mottes’’ de défécations humaines avant de réajuster la braguette de son vieux short déchiré.
Des ‘’mines’’ d’un autre type
Sur place, ces gens font appel à l’euphémisme pour ne pas blesser les esprits sensibles. On parle de ’’mines’’. «Attention aux mines! Le terrain est miné !», avertit Isaac Ndiyo, pour alerter les nouveaux venus. Il vient de se soulager, plutôt ’’poser une mine’’.
Pour se frayer un passage, il faut couper la respiration en se pinçant le nez et marcher sur la pointe des pieds. «Sinon, il y a risque de trébucher et de tomber sur une ’’mine’’ », conseille M. Ndiyo, souriant.
Tout ce mélange rend cet endroit très suffocant, un ’’festin immonde’’ pour des milliers de mouches. Des corbeaux y font également escale pour récupérer des restes de nourriture et des os jetés par là.
Pourtant, malgré cette odeur intenable, juste à côté, des femmes servent à leurs clients du jus de banane. Un autre jeune homme grille des brochettes de viande de porc sur son brasero. Le fumet semble couvrir les odeurs et attire des clients.
« Ses grillades accompagnées de pâte froide de manioc sont très appréciées. Quant à ces déchets, on s’en fout», confie un portefaix venu reprendre ses forces.
Paradoxalement, ce lieu fait vivre certains enfants en situation de rue. « Nous récupérons des restes d’aliments, des bouteilles en plastique et d’autres objets, …Ceci nous permet de gagner en peu d’argent et survivre. On n’a pas d’autres choix», confie Edmond, un de ces ’’misérables’’.
La situation est presqu’identique à d’autres dépotoirs improvisés tels que ‘’Karonga’’ ou ‘’Nyaruhogoti’’. Le premier est installé entre Magarama et Karera et le second est localisé dans le quartier Yoba.
Un danger pour la santé
« Si on n’y prend pas garde, la santé de la population est en danger », alerte Térence Manirambona, un député élu à Gitega. L’inexistence de dépotoirs publics est un vrai problème. Et pour se débarrasser des déchets, poursuit-il, les habitants font recours aux caniveaux, etc. « Cela rend certains endroits sales et sources de maladies diarrhéiques, respiratoires, des vers intestinaux, etc.» Cet élu estime qu’il est nécessaire et urgent d’avoir un plan stratégique pour la salubrité de la ville.
La population et les administratifs à la base en sont conscients. « C’est une menace sanitaire. Ces dépotoirs dégagent une odeur suffocante. Des mouches nous envahissent dans nos maisons », raconte Catherine, une mère du quartier Nyamugari. Ce qui peut causer le choléra et d’autres maladies.
Edouard Ndayishimiye, Chef de quartier à Rango abonde dans ce sens. Il est très inquiet de voir que beaucoup d’enfants en situation de rue, des mendiants se nourrissent dans ces dépotoirs. « C’est vraiment très dangereux pour leur santé et l’entourage.»
Cet administratif à la base suggère l’installation des dépotoirs publics et la mise en place d’une organisation chargée de la collecte et la gestion des déchets. « Sinon, ces déchets jetés ici et là ne menacent pas seulement notre santé mais ternissent aussi l’image de notre ville.»
Une préoccupation de l’administration
Cette question de gestion des déchets dans la ville de Gitega fait partie des priorités mentionnées dans la Stratégie de relance du développement de la province Gitega, à l’horizon 2030.
Elaboré en mars 2018, ce document reconnaît qu’il n’y a ni système de collecte, ni système de traitement des déchets à Gitega.
Or, pour sa population comprise entre 140.000 et 150.000, Gitega produit quotidiennement au moins entre 70 et 75 tonnes de déchets solides. Ce qui correspond, selon cette étude, à une quantité cumulée comprise entre 100.000 et 110.000 tonnes pour 2017-2020.
Pour y faire face, un terrain de 4,5 ha sur la colline Mahonda a été déjà identifié pour servir de décharge publique. Il se trouve à plus ou moins 5 km du centre-ville, non loin de la RN5 vers Ngozi.
Un système de triage des déchets est prévu. Les déchets organiques seront compostés sur place à la décharge, les autres, recyclables, seront valorisés.
Avec l’agrandissement de la ville, cette stratégie propose l’installation de deux autres décharges du côté de Mweya, Simba ou Bungere.