Dans ces provinces, rares sont ceux qui se font dépister de la Covid-19 par peur d’être stigmatisés une fois que les résultats sont positifs.
Des témoignages des patients font froid dans le dos : les familles les fuient, les amis aussi. Au lieu de les soutenir dans leurs douleurs, ils les accusent d’être des porteurs de la mort.
Nous les appellerons Gilbert, Nestor, Patrice, etc pour leur anonymat. Ils ont fait le dépistage de la Covid-19 à l’hôpital régional de Gitega, les uns volontairement sans signes cliniques apparents, les autres sont venus après avoir soupçonné qu’ils auraient été contaminés mais sans savoir où et quand et par qui. Par malchance, le verdict tombe après deux jours, ils sont malades du coronavirus et commencent le confinement pour prendre les médicaments appropriés. Sur le lit de l´hôpital, Gilbert laisse son téléphone portable allumé espérant recevoir des appels ou les messages de soutien de la part de ses amis ou de sa famille. Mais la situation tourne au vinaigre. Les uns l’appellent même dans les heures avancées de la nuit pour le mettre en garde de ne plus venir à la colline, les autres demandent pourquoi il a attrapé le coronavirus.
« Il arrive que je prenne la décision de casser mon téléphone pour ne plus recevoir ces appels. Matin, midi, soir c’est le même scénario. Au lieu de me réconforter, ils m’enfoncent», nous a confié Gilbert à travers la fenêtre de sa chambre de confinement. D’après lui, même des personnes qu’il croyait être ses proches ne font que le déshumaniser.
« Même ma femme a regagné ce groupe de gens qui me demandent pourquoi j’ai attrapé cette maladie. Elle m’a révélé qu’elle ne viendra jamais à l’hôpital, que je meurs seul comme si j’ai été contaminé volontairement », déplore-t-il.
Une personne de Karusi a été contrôlée positive dernièrement. Comme il a des moyens pour s’auto- confiner et prendre des médicaments en suivant strictement les consignes des médecins, elle est retournée sur la colline, avec l’accord des médecins. Arrivée à Karusi, comme une traînée de poudre, les informations ont circulé à travers toute la commune et une sorte de frénésie calomnieuse anime les débats.
« Quelques-uns ont eu même le culot de m’injurier sur mon téléphone comme quoi j’emmène la mort chez eux. Ils juraient de venir me chasser de la maison dans laquelle je me confine », déclare Nestor.
Testé positif, il a fui
Dans une quête de vérité, Iwacu a approché des sources plus proches des patients à Karusi. D’après ces dernières, elles ont vécu un enfer plus que les patients malades dès les premiers jours.
« Nous avions peur que la population envahisse la maison. Les gens étaient en ébullition, ces jours- là », raconte un religieux.
D’après lui, ils leur intimaient l’ordre de faire sortir le malade qu’ils hébergent. « Ce qui m’a fort inquiété jusqu’aujourd’hui, c’est un chef de poste de la police qui nous intimait l’ordre de lui remettre le malade». Ce religieux dit qu’il a dû alerter le gouverneur de la province, le commissaire provincial de la police, le médecin chef de district pour leur parler de la situation.
Par suite de cette indexation et harcèlement moral, on observe un comportement anormal dans les deux provinces. Un exemple très frappant est un magistrat de Karusi qui a pris la fuite et reste introuvable après avoir été contrôlé positif de la Covid-19 à l’hôpital régional de Gitega.
Selon le gouverneur de la province de Gitega, cette attitude est à bannir et à décourager. Il fait savoir que la Covid-19 n’est pas mortelle si elle est traitée à temps et appelle quiconque connaîtra ce fugitif de le signaler aux autorités compétentes.