Vendredi 22 novembre 2024

Société

Région Centre/Gitega : Ils regrettent déjà leurs ânes

Région Centre/Gitega : Ils regrettent déjà leurs ânes
Vue partielle du stock de haricot assuré des membres de la coopérative

Depuis dix ans, ils s’attèlent à développer leur milieu en misant sur l’agriculture et l’élevage. Même dépossédés de leur principal outil de travail qu’étaient les ânes pour alléger le fardeau des enfants et les femmes, ils sont arrivés à doter à chaque membre de la coopérative au moins une vache par chaîne de solidarité.

Enclavée et sous développée, la commune de Nyarusange devait compter sur la seule force manuelle de sa population pour lutter contre la pauvreté et la malnutrition.

Il y a peu, l’agriculture et l’élevage ne se limitaient qu’à quelques dizaines de kilos de graine de haricot et l’élevage n’appartenait qu’aux seuls privilégiés.

Les fertilisants organiques n’étaient pas suffisants et au marché les engrais chimiques étaient hors prix. Seuls les ménages riches élevaient des animaux domestiques et pouvaient se procurer des fumures organiques.

Dans le souci de faire progresser l’agriculture et l’élevage, des femmes et des hommes se sont regroupés dans une coopérative et ont initié la chaîne de solidarité bovine.

Regroupant les collines Kabimba et Biziya seulement, les 34 femmes et hommes de la coopérative Ogena-Bitaho cultivent leurs champs sans recourir aux engrais chimiques qui, selon eux, ne sont pas à la portée de tout le monde.

Aujourd’hui, la coopérative Ogena-Bitaho est parvenu à mettre en stock, assuré dans une compagnie d’assurance, plus de 45 tonnes de haricot pour se prévenir contre la pauvreté, la malnutrition et la flambée des prix de semence pendant les saisons culturales.

En élevage, 79 vaches ont été acquises grâce à la chaîne de solidarité mise en place par la coopérative. « La question des fumures ne se pose plus chez moi. J’ai été le plus chanceux d’être le premier à recevoir une vache. Aujourd’hui, je compte 5 têtes de bétail dans mon étable. En plus du fumier, le lait et le beurre sont en suffisance dans ma famille », souligne Michel Masabarakiza qui a déjà 5 vaches.

Pour ce septuagénaire, il était parmi les plus pauvres de sa colline. « Personne parmi nous ne pouvait prévoir un tel progrès. Chacun est venu pour essayer mais voilà toute la commune veut être comme nous », se félicite Gélase Manirambona, président de la coopérative.

Ils regrettent leurs ânes chassés de la commune

Avec l’objectif de développer l’agriculture et l’élevage en diminuant le fardeau des femmes et des enfants qui portent sur la tête les denrées, bois de chauffe et eau, la coopérative avait initié l’élevage des ânes venus de la Tanzanie.

Suite à la mésentente avec l’administration et le ministère de tutelle, ces bêtes ont été chassées manu militari sans se préoccuper de l’exemple et de son utilité qu’ils étaient censés apporter dans cette commune et pour ses habitants enclavés et sans moyens de déplacement.

Accusant le projet d’« insulte à la Nation», les détracteurs rappellent que non seulement l’âne n’est pas un animal indigène du Burundi, mais que de surcroît, dans la langue française, il symbolise l’ignorance et la bêtise.

Le 27 mai 2018, invoquant des problèmes administratifs, le ministre de l’Agriculture a demandé à l’administrateur de l’époque de faciliter le retrait immédiat de tous les ânes qui ont été distribués.

Aujourd’hui, ces animaux exotiques bannis, la population de Nyarusange en général et les membres de la cooptatives en particulier se sentent pénalisés. « Nous avons toujours de problème à déplacer notre récolte et amener le fumier dans nos champs. Nous portons sur la tête et nous utilisons toujours la houe comme nos grands-pères », déplore Rose Nzinahora.

Quant à Marcelline, présidente de l’Ogena-Burundi, elle affirme que le pas déjà franchi ne régressera pas. Elle fait savoir qu’à défaut de ce qu’on veut on se contente de ce qu’on a. Pour elle, il faut penser à la transformation déjà des produits agro-alimentaires de la coopérative. Ce que l’administrateur communal actuel ne nie pas. « Avec ces bêtes, la commune aurait été plus développée qu’aujourd’hui. Nous avons été tous perdants ! »

D’après lui, cette coopérative implantée dans sa commune est devenue incontournable dans le développement. D’où la nécessité de la vulgariser dans toute la commune.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Hihi

    D où vient cette aversion ?
    Malheureusement d’ une vision passéiste, rétrograde, infantile, obscurantiste, digne de la préhistoire
    Comment des hommes politiques ont ils pu sortir des âneries aussi absurdes
    Cela dure depuis 10 ans
    L’égoïsme des politiques. contre ces femmes qui triment dure et s’épuisent inutilement.
    Pas un parlementaire féminin , pas un de l opposition pour s’insurger contre cette interdiction
    Honte à vous parlementaires du plus pauvre des pays.
    2940-2060……. Vous pouvez oublier

  2. Kaneza

    Nous avons besoin un peu partout des initiatives pérennes comme celle-ci.
    J’encourage et félicite la coopérative Ogena-Bitaho.

  3. Mukuri

    Cher Jean Noël, merci sur ce spotlight sur le succès économique, résultat des efforts endogènes et à la base.
    Il y a là une forte leçon:
    La coopérative des agriculteurs ruraux innove en vue de progresser économiquement, et les grands du pays inventent des régulations ou autres trucs bureaucratique qui finissent par gommer quelques acquis importants.
    Deux pas en avant, un pas en arrière!
    Abo banywanyi ba coopérative bararenganijwe. Ni bashumbushwe utudogobwa twabo canke bahabwe izindi, nindishi zakababaro en plus de ça.

    Deuxième leçon:
    Abarundi n’indongozi zacu turakwiye guca ubwenge, nivyo bizotuma dutera imbere. Muti gute?
    1) twubahirize démocratie, uwatowe abe ariwe vyukuri arongora igihugu,ikomine,umutumba canke aserukira abandi au législatif. Tuvavanure nivyo kwiba amatora, guhindura amategeko kugira ngo intwaro ntizihinduke biciye mu matora agororotse, canke guhirika intwaro hakoreshejwe ibigwanisho.
    2) dutore abantu twashimye imigambi, ubwenge, nubukerebutsi vyabo, kandi twizeye ko bazofata ingingo zishimikiye ku neza ya bose, zigana iterembere, kandi zerekeye ibibazo bikuru bikuru gusa, hatarimwo utuntu duto duto two kwisamaza.
    3) abarongoye abandi bashire imbere kwubahiriza amategeko yatowe nabaserukira abarundi (corps législatif), ntibamenyere gukoresha igikenye nk’uyo yirukanye utudogobwa twariko turafasha abana bigihugu.
    Il faut une culture d' »autorité de la loi », en non pas « la loi de l’autorité ».

  4. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Accusant le projet d’« insulte à la Nation», les détracteurs rappellent que non seulement l’âne n’est pas un animal indigène du Burundi, mais que de surcroît, dans la langue française, il symbolise l’ignorance et la bêtise… »
    2. Mon commentaire
    Le Burundi est l’une des rares societes agraires dans le monde qui n’utilise pas d’animaux de trait comme les vaches, les anes et les chevaux.
    C’est vraiment une honte d’etre encore au stade ou nous portons de lourds fardeaux sur nos tetes et d’utiliser la houe au lieu de la charrue tiree par un animal.

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