Face à la volonté du gouvernement de se réengager dans la filière café, chez les privés œuvrant dans ce secteur, les avis divergent. Du côté des caféiculteurs, le souhait est d’être valorisé.
«Nous avons été longtemps négligés et oubliés, c’est comme si nous travaillons pour les autres», se lamente un vieux caféiculteur rencontré à Giheta. Ce septuagénaire affirme que dans la région de Kirimiro, le café était une culture phare. Selon lui, aujourd’hui, ce secteur fait face à de nombreux problèmes.
D’après lui, le pouvoir d’achat des caféiculteurs reste limité et ces derniers ne sont plus capables de se procurer des intrants et pouvoir embaucher une main d’œuvre. A cela s’ajoutent une faible fertilité des sols, le vieillissement du verger caféicole.
«Les caféiculteurs se permettaient de contracter une dette en vue de la payer à la vente du café. Et maintenant ils ne sont même plus capables d’acheter un pagne pour leurs femmes avec le peu d’’argent provenant du café », déplore-t-il.
Selon ces hommes et femmes de plus de 50 ans, la stagnation de la production depuis la libéralisation de cette filière est parmi les facteurs qui sont à la base de la faillite de ce secteur.
«Pas mal d’entre nous avons délaissé la culture du café à cause du manque de bénéfices à en tirer », souligne Pierre. Ces personnes âgées ne sont pas les seules à être critiques.
Mais ce sont surtout les jeunes qui n’entendent pas se lancer dans ce secteur. «C’est une perte de temps et d’argent ». Pour eux dans la plupart des cas, les caféiers sont situés sur les bords des routes et occupent des places qui peuvent être rentables.
«A quoi bon d’y entretenir des caféiers qui ne peuvent même pas donner 50.000 francs alors qu’à la place on peut y construire un cabaret qui peut générer des bénéfices, au moins 10.000 BIF par jour», estime Stany de Kabanga à Giheta.
Son ami Thierry va plus loin : « Si on a de la chance d’avoir un terrain de 20m sur 20, la première chose à faire n’est pas de planter des caféiers mais plutôt d’y construire une maison.»
Beaucoup trouvent le temps trop long
La plupart des agriculteurs interviewés estiment qu’il ne sera pas facile pour le gouvernement de reprendre en main la filière café. Il va falloir patienter. « C’est avec cette privatisation pas bien pensée que nous avons tout perdu. Les hommes d’affaire et d’autres profiteurs se sont rempli les poches. Le caféiculteur a cessé d’être le principal bénéficiaire», s’indigne Emmanuel, un ex-travailleur de la Sodeco de Gitega (Société de déparchage et Conditionnement du Café).
Un travailleur de Sogestal Kirimiro abonde dans ce même sens : « Nous venons de passer toute une année sans être payés. Avant le désengagement de l’Etat, c’était quasiment impossible de vivre de telles situations. Nous ne savons pas où vont les dollars après la vente de la production. »
Quant à Mélance Hakizimana président de la Coopérative Mboneramiryango basée à Kibimba, l’important n’est pas de tout critiquer mais plutôt de chercher des voies et moyens pour redynamiser la culture du café pour l’intérêt de tout le monde.
«Une des grandes erreurs a été de multiplier des usines de lavage et de transformation, des sociétés de commercialisation, sans penser au redressement de la productivité, sans mettre le paysan au centre des préoccupations. Il faut alors se mettre ensemble et bien réfléchir et arrêter des stratégies», a-t-il reconnu.