Des habitants de la commune Gisuru dénoncent l’armement des jeunes Imbonerakure. Certains noms de ceux qui possèdent les armes sont cités. L’administration tranquillise et promet de mener des investigations.
<doc3527|right>« Depuis janvier de cette année, des armes ont été distribuées à certains jeunes Imbonerakure de Gisuru», révèle H.I, un habitant de cette commune. A partir de mois, témoigne-t-il, les membres de l’ADC-Ikibiri sont en proie à la peur. « La plupart de ces jeunes affiliés au parti au pouvoir se promènent avec des pistolets le soir», raconte M.E, un autre habitant de Gisuru. Il accuse Moïse Bucumi, ministre des Travaux Publics et de l’Equipement d’avoir distribué ces armes : « Il les a surtout données à Ramadhan Niyonkuru, Paul Ndayisenga, Mohamed Toyi, Bukuru, Ciza, Donatien Manirakiza et Joseph Ndarusanze. » Selon lui, depuis cette distribution, la sécurité est souvent perturbée.
Des cas d’attaque
Justine Minani de la colline Kireka en commune Gisuru a été fusillée dans la nuit de samedi 24 mars de cette année. Elle est actuellement admise à Gisuru Hospital. L’odeur des produits désinfectants se fait sentir dans sa chambre. La balle l’a atteinte sur la jambe gauche. Sur son lit d’hôpital, avec son enfant de moins d’une année, elle se perd souvent dans ses pensées. Son regard traduit un sentiment de peur. Sa garde-malade ne s’occupe pas souvent d’elle parce qu’elle est obligée d’aller chercher de la nourriture. Cette mère de cinq enfants souffre beaucoup.
D’une voix presque inaudible, elle raconte comment la scène macabre s’est passée: « C’était vers 21 heures. Nous étions dans la cour intérieure, en train de partager le repas du soir avec les voisins. » A ce moment, se souvient Justine Minani, des hommes armés nous ont envahis et ont directement commencé à tirer sur un certain Juma qui était là: « C’était un sauve-qui-peut général.» D’après elle, même si elle a été blessée, ces malfaiteurs cherchaient seulement Juma parce qu’ils l’ont tiré dessus plusieurs balles avant de l’égorger. Justine Minani se demande qui va payer les frais d’hospitalisation.
D’autres cas d’assassinat sélectifs
Dans la nuit du 4 mars de cette année, un certain Boniface Kajoro de la colline Gatare a été attaqué par des hommes armés. D’après Claudine Kanani, sa femme, quatre hommes armés de fusils ont défoncé la porte vers 23 heures et ont fait irruption dans la maison : « Ils se sont directement dirigés dans la chambre à coucher. » Cette mère de trois enfants affirme qu’ils ont tiré plusieurs balles sur son mari sans aucune autre forme de procès. Ce qui étonne cette dame de 25 ans est que ces assassins n’ont rien volé. Selon elle, son mari a été grièvement blessé au niveau de la tête. Et d’ajouter qu’il a été transporté à l’hôpital de Gitega par les bienfaiteurs où il est mort cinq jours après : « Nous ne sommes pas arrivés à Gitega pour assister aux cérémonies de funérailles, faute de moyens», lance-t-elle avec amertume. Parmi les criminels, les voisins ont identifié un certain Salvator, sentinelle chez Moïse Bucumi : « Il a été blessé au niveau du bras gauche. Les traces de sang étaient visibles jusqu’au domicile de Bucumi. » Un médecin qui a vu Salvator affirme que la blessure n’était pas trop profonde.
Le 16 janvier de cette année, témoignent d’autres habitants de Gisuru, un certain Révérien Habonimana a été tué par la même équipe sur la colline Nyabigabiro. Le lendemain, poursuivent les mêmes sources, Gaspard Ryananiye, un homme d’affaires a été fusillé par les mêmes éléments sur la colline Nyabitaka. Dans la nuit du 26 janvier 2012, selon les mêmes habitants, Léonidas Tumaini de la colline Nyamutetema a été tué à l’aide d’un pistolet par ces Imbonerakure. Ces habitants précisent que les victimes sont des membres de l’ADC-Ikibiri et demandent au gouvernement de désarmer ces jeunes afin que Gisuru ne soit pas un théâtre des violences.
L’APRODH s’inquiète
Félicien Birorimana, représentant de l’APRODH à Ruyigi déplore ces cas d’assassinat. Il indique avoir appris que certains Imbonerakure de Gisuru sont armés. Il se demande pourquoi aucun prévenu n’a jamais été arrêté pour mener des enquêtes alors que des noms sont déjà connus. En outre, Félicien Birorimana constate que cette criminalité est souvent signalée dans cette localité seulement. Et pourtant, fait-il remarquer, elle avait été choisie parmi 11 communes du pays pour servir d’exemple en ce qui est de la police de proximité.
Contacté par Iwacu, Moïse Bucumi parle « d’un conflit politique ». Néanmoins, il s’est refusé à tout commentaire en nous renvoyant aux autorités administratives de Ruyigi. Egide Ndikuriyo, administrateur de la commune Gisuru rejette le plan de distribution des armes révélé par la population. Il évoque plutôt un programme de désarmement de la population entamé depuis longtemps. L’administrateur Ndikuriyo affirme que les assassinats sont dus aux conflits fonciers : « Les malfaiteurs en profitent pour se replier vers la Tanzanie parce que nous sommes à la frontière. » Quant aux noms des Imbonerakure déjà cités, l’administrateur de Gisuru promet de mener des enquêtes pour dégager la vérité.
Nous n’avons pas trouvé les jeunes Imbonerakure cités pour donner la version des faits.