Un nouveau monument dédié aux victimes du génocide des Hutu en 1972 vient d’être érigé dans la vallée de Nyambeho à Giheta sur la frontière des communes Gitega et Giheta. La population des alentours parlent de spéculation.
Au bord de la route Bujumbura-Gitega, dans la vallée du ruisseau Nyambeho, à quelques mètres, un monument flambant neuf en fer de plus de 5m de hauteur défie l’ancien monument (une stèle appartenant à une autre association qui milite pour la reconnaissance du génocide des Hutu). Selon les sources concordantes, il a été construit dans la matinée du 21 septembre par des « inconnus ». De couleur bleu-ciel avec deux faces, les écriteaux sont visibles des deux côtés. En haut, un œil en larme fixe les passants et les mots comme : je me souviens, never again, « Zingatiya » (prendre à cœur). Un slogan (Avant 1972 et après) du Collectif des Survivants et Victimes du Génocide hutu de 1972 entoure cet œil pleurant à chaudes larmes. Malgré sa forme imposante et sa couleur vive, la population de Giheta et Gitega s’étonne qu’il ait été construit sans qu’elle soit associée ni consultée. Interrogé, plusieurs habitants de la commune ont fait savoir que ces monuments construits côte à côte sèment plutôt le trouble parmi les victimes et les survivants du « génocide ».
« Personne ne nous a expliqué ce que ça signifie. Ceux qui savent lire nous disent que c’est un monument pour les victimes de 1972 », a confié un septuagénaire.
Pour cet homme qui indique avoir perdu son oncle en 1972, la construction de ce monument, alors qu’il y avait un autre, plus ancien, montre que la lecture commune sur les évènements qui ont endeuillé le Burundi est encore loin.
« S’ils se réclament de la même cause, pourquoi érigent-ils deux monuments sur un même site ? », s’interroge-t-il.
Ce septuagénaire n’est pas le seul à se demander le bien-fondé de ce monument construit à la hâte et dont personne n’a voulu expliquer la signification.
« C’est pour leurs intérêts et non les nôtres. Que ces deux associations s’entendent et viennent nous montrer le vrai et le faux monument sinon c’est pour nous embrouiller », constate Joseph qui habite dans la commune Gitega tout près de Nyambeho.
« La mésentente était prévisible ! »
Pour beaucoup, la construction de ce monument à côté d’un autre ne surprend personne.
« Nous étions sûrs que ça finirait par arriver à voir comment deux groupes se disputaient la même cause », fait savoir une femme veuve de 1972. En parlant de « chicanerie », cette femme fait allusion à deux groupes : celui de François-Xavier Nsabimana est venu sur ce site de Nyambeho le 28 avril et un autre groupe de Déogratias Nkinahamira est venu le lendemain.
« Xavier nous a affirmé que lui et ses compagnons sont les seuls qui sont reconnus officiellement et que nous devons chasser toute autre personne qui viendrait se réclamer du Collectif des Survivants et Victimes du Génocide Hutu. En l’espace de 24h, un autre groupe (même slogan, même sigle) est venu tambour battant lui aussi nous donner les mêmes injonctions », raconte un taxi vélo rencontré sur les lieux.
« Qu’ils se chamaillent, c’est leur droit mais qu’ils laissent nos parents reposer en paix », lâche Bernard qui rappelle que son père a été jeté dans une fosse sur ce même site de Nyambeho. La population, éberluée, regarde sans comprendre ce conflit entre deux organisations qui théoriquement militent pour une même cause.
« Ils l’ont mis ici sans nous avertir et si demain un malfaiteur vient voler les tôles et les tubes métalliques de ce monument, ils vont accuser les gens d’être partisans de tel ou tel autre partie », craint Isidore.
A entendre cette population, beaucoup doutent de la bonne foi de ces deux associations qui se regardent en chiens de faïence.
« Ce sont des intérêts qui guident les leaders des deux organisations et non l’intérêt de la population’’, accusent-ils.
Par Jean Noël Manirakiza & Arnaud Igor Giriteka