Octroyées à la population de Gihanga en province de Bubanza dans le cadre d’un programme de la lutte contre la faim, ces vaches de race améliorée meurent les unes après les autres. Pour cause : des maladies peu connues. Les bénéficiaires s’inquiètent. Le responsable provinciale de l’élevage rassure.
C’est la désillusion pour certains habitants de cette localité. La question sur toutes les lèvres est de savoir si ces bêtes distribuées au mois de décembre n’étaient pas déjà malades.
Certaines vaches déjà atteintes évacuent de la bouse trop molle, d’autres de l’urine sanguinolente. La température est très élevée. Elles peinent à s’alimenter et boivent difficilement de l’eau.
Les vétérinaires parlent de théleriose et de babésiose. 72 bêtes ont été distribuées par le Programme national pour la sécurité alimentaire et le développement rural de la plaine de l’Imbo et du Moso, PNSADRIM. Parmi ces vaches, 14 sont déjà mortes, en moins d’un mois.
Les bénéficiaires parlent d’une perte énorme. Marie Ganza, une sexagénaire du Village V de la commune Gihanga indique que sa vache est morte d’une façon étrange. Elle était très affaiblie, elle n’arrivait plus à se nourrir. « Sa température est montée jusqu’ à atteindre 42° C malgré l’intervention des vétérinaires. Il y avait du sang dans ses urines», déplore cette vieille dame avec des larmes dans la voix. Avant d’ajouter : «Sa santé ne s’améliorait pas, on a dû l’achever deux semaines après sa réception».
Jean-Marie Congera, un autre bénéficiaire du Village V fait savoir que sa vache n’a jamais mangé de l’herbe depuis sa réception le 15 décembre. «Elle avait une température oscillant entre 40 et 42° C», explique-t-il. Cet agri-éleveur confie avoir utilisé différents médicaments pour sauver sa bête en vain.
Apres deux jours, témoigne-t-il, sa température a diminué jusqu’à 38°C. Les espoirs suscités ont été de courte durée. «Je l’ai trouvée allongée dans son étable, le matin. Elle était déjà morte», s’indigne-t-il.
Selon Congera, sa vache a été enterrée mais elle a été déterré par des inconnus le lendemain. «Peut-être qu’ils l’ont mangée malgré l’interdiction administrative, je n’en sais rien», se justifie-t-il.
Au moment où les uns ont accueilli avec résignation la mort de leurs vaches, ce n’est pas le cas pour Balthazar Hatungimana. Il est inconsolable. Il a été évacué à l’hôpital après un malaise. Il est resté alité pendant toute une semaine. «Quand j’ai appris la mort de ma vache, je suis tombé dans les pommes. Cette vache faisait vraiment partie de ma famille».
Cet éleveur fait savoir qu’il avait tout fait pour la soigner sans succès. «Il m’est arrivé d’être à son chevet», raconte-t-il avec chagrin. Après cinq jours de surveillance, la bête a finalement passé. «La montée subite de sa température m’inquiétait vraiment. Elle affichait tous les jours 40°C.»
Les bénéficiaires de ces vaches demandent une indemnisation. «Nous voulons aussi faire un élevage moderne», réclame Hatungimana.
Les survivantes ne font pas exception
Ferdinand Ntiharirizwa, un des bénéficiaires du Village V fait savoir que sa vache est à l’agonie. «Ma vache vient de passer presque un mois en train d’évacuer de l’urine sanguinolente. L’agent communautaire a tout fait mais rien ne change», déplore-t-il.
Ntiharirizwa mentionne aussi que sa vache est déjà atteinte : «Elle tient à peine debout et ne peut boire que de l’eau», déplore-t-il. La mort de cette bête est inéluctable : «Ce n’est qu’une question de jours».
Apolline Ndayishimiye, une autre bénéficiaire du village 3, fait remarquer que sa vache commence aussi à montrer des signes qui ne rassurent pas : «Ces poils sont redressés». Cette paysanne craint le pire. « Plusieurs vaches sont déjà mortes. Les vétérinaires font tout mais en vain. La mienne va aussi partir bientôt».
Cette dame demande aux autorités concernées de dépêcher des vétérinaires et d’autres techniciens pour sauver celles qui n’ont pas encore été contaminées. «Non seulement, c’est cher pour nourrir ces vaches, mais aussi, leurs médicaments sont vraiment très couteux», se lamente-t-elle.
Jean-Claude Nduwimana, un agent communautaire de la santé animale (Acsa) du Village V de la commune Gihanga affirme que ces vaches souffrent de la théleriose car elles présentaient plusieurs tiques. «Comme ce n’était pas la première fois qu’on reçoivait des vaches qui sont dans un tel état, nous croyions que la situation allait s’améliorer».
Selon lui, ces vaches pourraient provenir d’un milieu très froid. «Difficile de s’adapter dans un milieu chaud comme le nôtre.» Après plusieurs visites, cet agent communautaire a pu constater que ces vaches venaient de passer plusieurs jours sans surveillance médicale. «Je change de médicaments et d’injections pour tenter de sauver ces bêtes, en vain ». Parmi 23 vaches distribuées au Village V, 6 sont déjà mortes.
Les analyses sont en cours au laboratoire
Léopold Ndayisaba, administrateur de la commune Gihanga, parle d’une perte énorme. «Ces 70 vaches étaient distribuées comme un remerciement. Les vaches données au premier tour ont été bien entretenues», explique-t-il. Sur 13 vaches distribuées dans la commune Gihanga au mois d’Octobre 2016, une seule est morte.
Cet administratif appelle le ministère en charge de l’Elevage de les indemniser. «Nous voulons faire de l’élevage des vaches de race améliorée et abandonner celles qui broutent encore à l’extérieur», dit-il.
Donatien Nkurunziza, le responsable provincial de l’élevage, affirme que ces 14 vaches sont mortes suite à un long trajet effectué pour arriver à destination. «Elles étaient fatiguées et stressées», se justifie-t-il.
Ces vaches sont en provenance de l’Ouganda. Dès leur arrivée, elles présentaient déjà des signes de babésiose, de verminose et avaient plusieurs tiques, cause majeure de la théleriose.
Nkurunziza indique que la direction générale de l’élevage est informée. Ce bureau a déjà déployé une équipe de laborantins pour des prélèvements «Nous attendons les résultats».
Pour ce responsable provincial de l’élevage, les bénéficiaires perdant vont être indemnisés. Selon les conventions de la distribution, le fournisseur doit remplacer toute vache morte avant 10 jours de la distribution. «Après 10 jours, le bénéficiaire-perdant va attendre la chaîne de solidarité pour être indemnisé».
Toutefois, ce cadre du ministère appelle les éleveurs à faire un suivi rigoureux de leurs vaches : «Elles sont très fragiles et nécessitent un suivi très spécial».
Diane Uwimana
Légende :
-Ferdinand Ntiharirizwa : «Ma vache qui évacue de l’urine sanguinolente peut aussi mourir d’un moment à l’autre»
-Donatien Nkurunziza : «Les perdants doivent être indemnisés»