Dans ce petit paradis vert de la province Bubanza, presque tout tourne autour de l’ « or blanc », mais aussi des femmes de la région, qui n’ont pas froid aux yeux. Pourtant, la première impression qu’on a de la commune est différente…
Entrer à Gihanga ne fait pas le bonheur de tout le monde.À juste titre, car la première vue qu’on a de la région est le cimetière immense de Mpanda. Sur des kilomètres, des tombes de toutes les sortes se succèdent, certaines perdues dans une nature rebelle, d’autres flambant neuves. Les grands « faux palmiers » lugubres, dont nulle brise n’agite les feuilles, ajoutés au silence morne dans lequel se complaisent les morts, rendent cette place aussi sinistre qu’un désert.
Mais, cela reste une impression fugace, qu’on oublie deux kilomètres plus loin. De part et d’autre de la RN5, étalé à perte de vue, un tapis vert qu’on dirait taillé par la main de Dieu caresse le regard. La sérénité que dégagent ces rizières verdoyantes émeut profondément. Face à la beauté des lieux, les plus sensibles auront même des larmes aux yeux, tandis que les intellectuels parleront du « syndrome de Gihanga. »
Quant au centre de Gihanga, c’est une minuscule île habitée, presque noyée dans un océan de champs de riz et de maïs. Pour y accéder, on bifurque à droite à partir de la RN5. La route cahoteuse nouvellement empruntée nous mènera à une petite localité aux maisons modestes, où la nature semble avoir déteint sur les habitants. Calmes, mais directs, les habitants de la région, jeunes pour la majorité, sont de grands travailleurs, fiers de leurs champs, et de leur bétail.
L’ «or blanc », des bienfaits et une malédiction
On ne fera pas dix mètres au centre de Gihanga sans tomber sur du riz mis à sécher. La Société Régionale de Développement de l’Imbo (SRDI), organe étatique encadrant les riziculteurs, y est aussi pour quelque chose.
« La SRDI nous octroie des prêts ou de l’engrais chimique pour pouvoir cultiver », nous informe Euphrasie Ntawiha, une rizicultrice rencontrée aux séchoirs de la SRDI. Mais aussi, des rizières ont été mises à la disposition des cultivateurs. En retour, les riziculteurs revendent toute leur production à cette société, qui se charge de les régler. Pourtant, les riziculteurs indépendants se plaignent, car parfois victimes du monopole de la SRDI. « Notre production est quelques fois saisie et confisquée par l’administration », dénonce un riziculteur.
La culture du riz génère plusieurs sortes d’occupations. Yves Niyukuri, est un jeune gardien de champs. Son travail consiste à chasser les nuées d’oiseaux qui maraudent dans les champs de riz. Mon boulot est difficile, nous apprend-il, car nécessitant une vigilance sans faille pendant une douzaine d’heures d’affilée.
Mais la culture du riz est aussi une source de problèmes. « À chaque récolte, des conflits conjugaux voient le jour », nous apprend Léopold Ndayisaba, l’administrateur de la commune. Les hommes veulent s’accaparer de toute la production, puis amènent des concubines et veulent chasser leurs épouses légales. « Ce phénomène de société récurrent est observable en juin, mais à partir du mois d’août, tout retourne à la normale tant bien que mal», confie Suzanne Nzoyisenga, artisane de paix dans la commune.
À la recherche de l’indépendance
Tandis que dans certaines régions du Burundi une fille à vélo est comme un spectacle martien, à Gihanga, le vélo est presque l’attribut des femmes. Juchées sur ces montures en fer, qu’elles chevauchent aussi aisément qu’une amazone sur un cheval, ces femmes voyagent dans tous les coins de la commune, certaines chargées à bloc, d’autres voyageant léger.
Pour Suzanne Nduwimana, femme à bicyclette rencontrée à la 8ème avenue de Gihanga, le vélo est indispensable car permettant de joindre les lieux éloignés, mais aussi le transport de lourdes charges qu’elle n’arriverait pas à porter sur la tête. Quant au regard de la société, elle s’étonne de la question elle-même. « Faire du vélo est la chose la plus naturelle. Chez nous, c’est comme si on quittait le sein pour monter sur un vélo», fait-elle savoir. Et d’ajouter : « c’est aussi notre façon à nous de faire du sport. »
Si Suzanne fait du vélo, chose assez normale, Irène Ntakarukimana fait un travail atypique. Au marché modeste de Gihanga, cette femme s’est imposée comme la réparatrice la plus douée d’ustensiles de ménage. « Le plastique pour moi n’a pas de secret », déclare-t-elle fièrement, assise au milieu de collègues mâles. Et à propos de sa profession, Irène a une réponse sans équivoque : « Détrompez-vous, il n’y a pas de travail pour homme, ni de travail pour femme, un boulot reste un boulot. »
Malgré les aléas auxquels ces femmes doivent faire face, le courage et la détermination dont elles font preuve forcent le respect. De ce fait, on entre à Gihanga émerveillé, et on en sort, convaincu que sans le concours de la femme, le développement reste une illusion.
Atouts et défis majeurs
Atouts:fertilité du sol, la RN5 qui lui permet des relations commerciales avec la Mairie de Bujumbura et la province Cibitoke, sans oublier le cimetière de Mpanda, source de recettes non-négligeable pour la commune.
Défis:les aléas climatiques, le chômage des jeunes scolarisés, et le concubinage.
Gihanga en quelques lignes
Gihanga est une des communes de Bubanza. Elle est composée de 14 collines, subdivisées en deux zones, Buringa et Gihanga.
Sa population est estimée à 92 949 habitants, répartie sur une superficie de 254,34 km².
« La densité augmente à une allure exponentielle suite au mouvement des populations qui quittent leurs localités pour s’installer à Gihanga à la recherche de l’emploi, surtout au niveau de la culture du riz», fait savoir Léopold Ndayisaba, administrateur de la commune.
Son économie repose essentiellement sur l’agriculture, mais aussi sur l’élevage et le commerce.
Et dans le domaine de l’éducation, chaque colline a une école primaire, et la commune totalise six collèges communaux, plus un centre d’enseignement des métiers.
Gihanga s’exprime…
Si les jeunes et les femmes de cette commune s’accordent pour dire qu’ils ont été oubliés dans les institutions, la jeunesse dénonce aussi le chômage. La pauvreté qui en découle rend cette classe de la population vulnérable.
Wilson Bwitonzi, « pour que les jeunes se développent, il faut qu’ils soient dans les institutions. »
Ce jeune regrette la quasi-absence des jeunes dans les institutions. « Prenons l’exemple du conseil communal de Gihanga, on y verra aucun jeune », fait-il remarquer.
Et de se poser une question : « S’ils ne sont pas représentés, qui soumettra les doléances des jeunes ? Qui plaidera pour eux ? »
Japhet Bizimana, « le chômage est la source de tous les maux. »
Cet instituteur apprécie l’entente cordiale qui caractérise les jeunes de Gihanga, mais nuance aussi : « les jeunes scolarisés sont parfois manipulés par certains politiciens sans vergogne à cause de la pauvreté. » Ce jeune homme signale que cette période électorale a été tendue, mais que les jeunes essaient tant bien que mal de rester soudés.
«Tout ce qu’il faudrait, c’est fournir des occupations aux jeunes, tout irait pour le mieux », préconise Japhet.
Suzanne Nzoyisenga, « les femmes sont discriminées chez elles et dans les institutions. »
Suzanne fait partie du forum des femmes au niveau de la commune et de la province. Elle trouve que la femme a été oubliée au niveau des postes administratifs. « Même ceux qui étaient destinés aux femmes par le passé ont été réattribués aux hommes », regrette-t-elle.
Cette femme réclame que la voix de la femme soit prise en considération.
Richard Kakunze, le « Neymar » de Gihanga
Capitaine de l’équipe La Paix FC, ce jeune s’illustre par son talent de footballeur et les qualités de rassembleur dont il fait preuve dans sa vie de tous les jours.
Les dimanches ne sont pas comme tous les jours à Gihanga. Au « stade » de Gihanga, une foule immense se presse chaque fois autour du terrain de football, attendant avec impatience les rencontres sportives de IVème division qui meublent ce jour spécial. C’est là qu’on rencontre Richard, juché sur un arbre tout près du terrain, discutant calmement avec ses coéquipiers. Rien ne montre qu’il se prépare à une rencontre, tellement il est calme et posé.
« Neymar !», crie-t-on, et lui se retourne aussitôt. Il n’y a qu’un seul Neymar, et c’est Richard. Pour le faire savoir, même son maillot porte le « 11 » fétiche de l’attaquant brésilien de Barcelone FC. Ce nom, comme le soulignent ses coéquipiers, n’est pas du tout usurpé.
Un jeune comme les autres, mais pas autant
Né à Gihanga en 1998, il y fait son école primaire, avant de faire une année au Lycée Communal de Gihanga, pour finir à l’Ecole Technique des Métiers de Gihanga, où il est maintenant en 9ème année. Il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants, ce qui lui facilite la tâche pour se faire écouter de ses coéquipiers. « Je suis habitué à incarner l’autorité, mais à ma manière, dans le calme », nous apprend-il.
Quant à sa relation avec le football, elle remonte de loin. « J’ai commencé à jouer au foot à cinq ans, avec les amis du quartier», se rappelle-t-il. Pour Richard, le football offre des occasions de faire des rencontres, un moyen pour interagir avec l’autre, dans le ludique.
Et quant à son statut de capitaine, il ne lui a pas été difficile de le gagner, grâce à ses vertus. « C’est un jeune très sage, qui a fait de l’honnêteté et de l’intégrité ses principes », apprécie Jean Claude, le président du club la Paix.
Pour Richard, l’avenir serait de continuer à conjuguer le football et ses études, et de devenir plus tard aussi connu que son idole, Neymar.
Article intéressant, qui décrit brièvement la commune de Gihanga. ici il faut souligner cet aspect développement; culture et sport, social et institutionnel qui a intéressé le journaliste et c’est positive .