Des bandes armées kidnappent et pillent sur la RN5 depuis une année. La population accuse les hommes en uniforme de complicité. L’armée et la police rejettent tout en bloc.
La dernière attaque en date s’est passée dans la nuit de dimanche 14 août dans le secteur Kagwema (moins de trois kilomètres du centre de Gihanga) vers 20h. Selon des témoins, une voiture de type Probox de transport en commun a été arrêtée par un groupe d’hommes, certains en tenue militaire, d’autres en civil. « Ils ont intimé l’ordre aux trois personnes de descendre, pris tout ce qui se trouvait à bord et ont brûlé le véhicule. »
D’après toujours ces sources, les ravisseurs ont dépouillé les trois personnes de leur argent et téléphones portables. Malgré l’intervention des militaires et l’échange de tirs pendant trente minutes, les ravisseurs sont parvenus à enlever le chauffeur de la Probox et un passager. Un autre, leur a échappé en cours de route alors que le groupe était sur le point de traverser la rivière Rusizi vers la RDC.
Une situation qui a plus que duré
Le lendemain, des militaires ont couvert le véhicule avec une bâche, empêchant toute personne de s’en approcher avant qu’une dépanneuse ne la dégage de la RN5 (Bujumbura-Rugombo). « Ils ont agi ainsi car la voiture appartenait à un officier de l’armée », confie une source sur place.
Pour les habitants de Kagwema, ces attaques sont devenues monnaie courante. Le 31 juillet dernier, des hommes armés ont attaqué un camion de type Fuso venant de Cibitoke et se rendant à Rumonge vers 20hà la 3ème transversale. « Ils étaient une vingtaine, armés de fusils et de machettes dont certains en uniformes militaires. »
Lors de cette attaque, deux personnes ont été blessées par balles, sept autres kidnappées. Avant de se replier vers la réserve naturelle de la Rukoko, ces hommes ont tenté en vain de mettre le feu à ce camion grâce à la rapide intervention des forces de l’ordre. « Elles ont pu éteindre le feu avant que ce véhicule ne s’embrase et se sont mises à la poursuite de ces hommes armés. »
Les personnes kidnappées seront récupérées, mais ces coupeurs de routeréussissent à garder quelques biens volés avant de se volatiliser.
Un groupe difficile à identifier
Certaines sources interrogées affirment que ce groupe est établi à un kilomètre de la rivière Rusizi, du côté congolais où il garde prisonnier ses victimes. Toutefois, ces sources précisent qu’il occupe une base dans la réserve de la Rukoko d’où il lance ses attaques sur la RN5. D’autres sources disent que les ravisseurs logent leurs victimes dans la réserve naturelle de la Rukoko en attendant le versement des rançons de leurs familles. « Ils ont des maisons où ils gardent les personnes kidnappées qui ne peuvent pas localiser l’endroit où elles sont car elles ont les yeux et les oreilles bandées pendant tout le temps qu’elles restent en captivité », concluent nos sources.
Pillages et demande de rançon
Bien plus, dénoncent ces habitants, ces hommes demandent systématiquement une rançon après des enlèvements, en plus des marchandises souvent pillées. Il y a deux semaines, font-ils savoir, un camion transportant des marchandises de Cibitoke à Bujumbura a été attaqué vers 19h30 à la 1ère avenue de Gihungwe. « Onze personnes ont été emmenées par les ravisseurs. Dix ont par la suite été relâchées sauf une femme. »Originaire de la commune Mugina, cette dernière vient d’être libérée par ses ravisseurs moyennant le versement de 8 millions de Fbu par sa famille.
En début d’année, soulignent nos sources, des hommes armés avaient tendu une embuscadecontre deux taxis toujours vers 20hau niveau de la 8èmetransversale à Gihanga.Deux passagers ont été enlevés. Les victimes ont également été relâchées moyennant le versement d’une rançon.
Pour Léopold Ndayisaba, administrateur communal de Gihanga, ce phénomène ne peut être jugulé que par une collaboration totale entre la police, l’armée, l’administration et la population. Pour ce faire, il promet de renforcer les comités mixtes de sécurité.
En attendant, M. Ndayisaba demande aux usagers de la RN5 de rentrer tôt afin d’éviter pareille mésaventure. « Nous allons traquer ce groupe et nous le démantèlerons car certains sont déjà à la prison centrale de Mpimba. »
Accusations mutuelles
Malgré les assurances de l’administrateur, les habitants de Gihanga accusent les forces de l’ordre de complicité avec ces malfaiteurs.
Léopold Ndayisaba a beau dire que la situation sera bientôt sous contrôle, les habitants de la commune de Gihanga n’y croient pas. Pour eux, si ce groupe parvient à traverser plusieurs positions militaires et policières puis enlève des gens, c’est qu’il y a complicité des hommes en uniforme. « Comment se fait-il que des gens armés traversent la Rusizi, tendent des embuscades sur une route nationale où pullulent pourtant des positions militaires et policières. »
Même son de cloche chez les victimes des premiers enlèvements, début 2015, qui ont dû payer des millions de Fbu pour être libérées. « Il ne fait aucun doute que certains policiers et militaires sont complices des malfaiteurs. Sinon il n’y aurait pas eu beaucoup de cas d’enlèvements. »
La police et l’armée s’en lavent les mains
Contactés, colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de l’armée et Pierre Nkurikiye, celui de la police, rejettent en bloc ces accusations et pointent du doigt l’hypocrisie de ces habitants : « Ces hommes sont hébergés, cachés et nourris par certains habitants. Ce qui leur permet de tromper notre vigilance et de mener tranquillement leurs attaques. »
Les deux porte-parole font remarquer que les malfaiteurs n’enlèvent que les victimes les plus nanties parce qu’ils savent que leurs proches verseront la rançon. « C’est un réseau bien connu qui collabore avec certains habitants car ces hommes savent quand et qui attaquer. »
A l’instar de l’administrateur communal, Gaspard Baratuza et Pierre Nkurikiye assurent que seule une vraie synergie entre la police, l’armée, l’administration et la population de Gihanga viendra à bout de ces malfaiteurs. « Penser le contraire relève de l’utopie. »
Lu pour vous : http://www.yaga-burundi.com/2016/08/29/burundi-pense-la-majorite-silencieuse/#more-2184