La spécialiste de l’analyse du discours vient de réagir à celui du président de la République, Pierre Nkurunziza, prononcé lors du congrès ordinaire du Cndd-Fdd, ce 31 mars. Elle n’y va pas par quatre chemins.
Selon Mme Kazoviyo, le président de la République ne doit pas tenir un langage pareil. Cela, explique-t-elle, montre un signe de faiblesse au sein de son parti : « Il n’est pas normal qu’un président de la République tienne un discours qui déshumanise. Il est allé loin, il a dépassé les limites », s’insurge-t-elle encore sous le choc.
« Mujeri », selon le président de la République
La vice-présidente de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG) précise que dans d’autres pays, un seul lapsus lingua dans un discours d’une autorité pareille, pousse cette dernière à demander des excuses à la population, via les médias : « Il a même utilisé le mot
Abansi
« Ennemis, pour désigner ceux qu’il a qualifié de « Mujeri » (un chien maigrichon, qui ne se nourrit presque pas, qui n’aboie jamais, même face à un danger) » Pour le professeur Kazoviyo, le président de la République a voulu parler de ceux qui ne partagent pas les mêmes idées politiques : la société civile, l’opposition dure et extraparlementaire. « Il nous mène sur un terrain animalier », juge amèrement Mme Kazoviyo.
« Un signe de faiblesse au sein de son parti »
Elle explique encore que quand le président de la République reçoit les rapports des organisations internationales sur les situations, politique, des droits de l’Homme, ou les pressions venant des pays bailleurs, ça le ronge. « Il s’enferme sur lui-même. Et si une occasion se présente pour en parler, il dépasse les limites.» La vice-présidente de l’OAG propose à monsieur Pierre Nkurunziza de s’ouvrir aux autres, qu’il a nommé « Mujeri » : « Cela permettrait un changement de ton, tant pour les dirigeants que pour l’opposition », conseille la spécialiste dans l’analyse du discours politique qui a également senti que le président de la République était énervé : « Cela montre un signe de faiblesse et l’existence des problèmes au sein de son parti. »
Portée profonde de ce discours
La vice-présidente de l’OAG, dans son analyse, voit d’abord, la dégradation de la fonction présidentielle comme première conséquence : « Le citoyen attend du président de la République des propos unificateurs et il doit avoir un comportement, au niveau du langage et du ton, digne de sa fonction. Les années qu’ils [les dirigeants issus du Cndd-Fdd] viennent de passer au pouvoir devraient leur servir d’expérience. » Ensuite, elle trouve que le discours en question va avoir un effet « modèle » sur la société. Au congrès ordinaire, étaient présents les représentants du parti dans toutes les provinces : « Demain que personne ne s’étonne si un administratif, une autorité locale prenne un langage et un ton pareil », met en garde Mme Gertrude Kazoviyo. Enfin, les mauvais propos peuvent avoir un effet boomerang et se retourner contre celui qui les a proférés : « C’est de cette façon que les personnes acquièrent gratuitement des surnoms sans nécessairement le vouloir », fait savoir la spécialiste dans l’analyse du discours politique. Pour elle, vaut mieux tenir des propos bienveillants pour acquérir un surnom bienveillant. Elle trouve que les services de communication à la présidence de la République devraient interpréter le discours pour expliquer ce que le Président a voulu dire. « Ils doivent sauver un minimum de crédibilité », lance-t-elle.