Sous d’autres cieux, il y a des discours que le Président de la République ne peut pas tenir. Analyse faite par Pr. Gertrude Kazoviyo.
<doc3557|left>{Comment avez-vous accueilli les propos tenus par le Président Nkurunziza ?}
Il est allé trop loin alors qu’il était entouré des siens. Il a atteint des limites infranchissables. Ses propos sont injurieux, déshumanisants. Il a blessé le peuple burundais en le transformant en animal, ce qui n’est pas normal. Le ton et les mots utilisés dénotent tout simplement la faiblesse.
{Comment ?}
Il est devant des situations sociales, économiques et politiques auxquelles il lui est difficile de trouver des solutions et de gérer. En outre, c’est quelque part lié à son passé, à son parcours de combattant.
{Selon vous, qui visait-il en parlant de cabot ?}
Visiblement, il s’adressait d’une part à ceux qui ne pensent ou ne parlent pas le même langage que son pouvoir. Quand il évoque des gens de mauvaise langue, qui tiennent des discours venimeux et ceux qui crient contre la vie chère, on sent directement qu’il s’agit de l’opposition extra-parlementaire, de la société civile et des syndicats.
D’autre part, lorsque Pierre Nkurunziza rappelle la force de l’aigle, il est évident qu’il vise ses opposants internes au parti CNDD-FDD. Aujourd’hui, il leur montre qu’il est le seul maître de la situation, il impose qui et quand il veut.
{Est-il alors permis au Président de la République de tenir un tel langage ?}
Sous d’autres cieux, les autorités de son calibre surveillent normalement leur langage. Il y a des attitudes qui doivent être dépassées quand on entre dans certaines fonctions dont celle du Président de la République. Quel modèle est-il en train de donner ? Est-ce que six ans au pouvoir ne suffisent pas pour s’automorphoser ? On ne sera pas surpris si demain des autorités locales lui emboîtent le pas. En Kirundi, dit-on, « Umwera uva i bukuru ugakwira hose » (des leaders doivent servir d’exemple).
{A quoi, d’après vous, est due cette attitude du Président ?}
Il s’enferme sur lui-même, ne veut pas écouter ceux qui ont des avis contraires aux siens. C’est la conséquence du refus de tout dialogue. Les pressions internes le rongent et quand il obtient l’occasion de s’exprimer, il dépasse les limites de l’acceptable.
{Quelle est la portée d’un tel discours ?}
Cela ne fait que dégrader sa fonction. Les mauvais propos peuvent avoir des effets boomrang et se retourner contre celui qui les a lancés. Dans la société, des personnalités décrochent des surnoms à partir des mots qu’elles ont lâchés.
{Un conseil…}
Il faut qu’il s’ouvre à ceux qu’il considère comme des chiens errants. Aux autorités, elles doivent tenir des propos bienveillants pour au moins décrocher des surnoms polis. Les services de communication du Président de la République doivent dans l’immédiat nous donner une autre explication, ne fût- ce que mensongère pour garder du Président de la République la crédibilité.