Face au manque de salles d’exposition dans Bujumbura, un café a eu l’idée d’offrir depuis peu ses murs aux artistes locaux. Récit d’une visite entre gâteaux et tableaux.
<doc5908|right>La caresse est douce, quittant d’un coup la chaleur à l’extérieur pour l’intérieur climatisée du Geny’s Café. La porte fermée derrière vous, vous tombez nez à nez avec un Tambourinaire, sculpture en bois clair et sans vernis signée Bernard Bigendako. A votre gauche monte toute en couleurs l'{Aube de la création} de Francine Mugumyangingo. Plus loin deux êtres à la Giacometti se poursuivent, dans {Nakupenda} du mozambicain Magule Edson Wango. De l’autre côté de la petite salle, de faux-jumeaux nommés {Vers la liberté} se serrent sous la griffe de Rénilde Masunzu. Louvoyant entre chaises noires et tables dressées en blanc, vous constatez que tous ces tableaux sont en acrylique, un fouillis de couleurs et de rondeurs.
Puis, vous trébuchez sur cette table blanche sur laquelle trônent quatre cloches, au fond desquelles brillent des gâteaux aux doux arômes sucrés. Vous tombez amoureux de l’endroit et vous demandez à voir le maître des céans.
On vous emmène au premier étage, et… devant vous Lydia Mutekano, maîtresse après Dieu au Geny’s Café. Après les salutations d’usage, elle vous explique, toute en sourires, qu’elle a ouvert l’endroit le 15 mars 2010. Que quatre artistes y exposent et qu’ils ont déjà vendu sept tableaux. Vous souriez aussi.
Oublié par les politiques
Alors que Mademoiselle Mutekano vérifie la connexion wifi, vous vous hâtez de prendre dans votre sac la Politique Culturelle du Burundi. Adoptée en octobre 2007 par un gouvernement qui vient de se voir largement reconduit, vous feuilletez… Page 75, dans le paragraphe ‘Ériger des infrastructures culturelles’, point d’allusion à une quelconque construction de salles d’exposition. En vain vous scrutez le mot ‘galerie’ à la page 80 où est ardemment préconisée la création de musées nationaux et régionaux, salles de spectacle ou village artisanal…
Le doute vous étreint. Après vous être procuré le numéro du ministre en charge de la Culture (pas si difficile à l’ère de la téléphonie mobile), vous appelez pour plus de clarté. Avec simplicité, Jean Jacques Nyenimigabo reconnaît qu’il n’y a pas de projet de construire une galerie d’exposition. Mais que « le gouvernement est sensible à l’art plastique»: en témoigne ce Festival National des Artistes et Artisans tenu en janvier 2009, au bien nommé Palais des Arts et de la Culture. Pour le reste, le ministre souligne l’appui aux expositions d’art qui se font au Centre Culturel Français.
Hommage à une mère
Entre-temps, Lydia est revenue et elle vous explique qu’elle a voulu « créer un café où on ne consomme pas que du café, mais aussi un peu d’art local». Elle précise d’ailleurs que le Geny’s Café est autant fréquenté par les étrangers que les nationaux, même si tous les tableaux ont été achetés par les premiers. «Les Burundais se contentent de s’extasier sur ‘ces œuvres venant l’étranger’, sans savoir qu’elles naissent dans d’humbles ateliers, à Bujumbura », précise Lydia Mutekano.
Puis vous fixez la jeune entrepreneuse d’un regard pénétré. Romance naissante alors que montent des murs des morceaux de jazz, de blues et du soul? Non: vous voulez juste en savoir plus sur Lydia. Toujours souriante, la propriétaire du Geny’s Café vous averti qu’elle a une maîtrise en développement social, que ses goûts au niveau des couleurs prennent naissance dans le classique. En témoigne le décor sobre, en noir et blanc, des lieux…
Et que si l’adresse porte le nom de ‘Geny’, c’est en mémoire à sa mère Générose décédée en 2009 alors que Lydia revenait de ses études en Australie. Elle vous fait part de son rêve aussi: « Organiser des vernissages au Geny’s Café…»
Après lui avoir souhaité du courage, vous vous levez pour prendre congé. Zut! Vous avez oublié de payer votre fanta citron… La serveuse, vêtue d’un tablier sur lequel vous lisez ‘I love you’, vous apporte l’addition. 1700 Fbu. Vous souriez encore une fois.