Vendredi 22 novembre 2024

Société

Génération grands lacs : apprendre l’histoire de la région pour bâtir un avenir meilleur et paisible »

05/08/2023 Commentaires fermés sur Génération grands lacs : apprendre l’histoire de la région pour bâtir un avenir meilleur et paisible »
Génération grands lacs : apprendre l’histoire de la région pour bâtir un avenir meilleur et paisible »

Pour Emmanuel Ruzuzi, historien-chercheur et enseignant d’histoire à Goma la connaissance de l’histoire de la sous-région est l’atout pour la stabilité. Il considère que leurs relations, entraide peuvent influencer les jeunes générations. Il répond aux questions de fidèle Kitsa de la radio Kivu stars de Goma.

Quelle est l’histoire de la cohabitation des populations des grands lacs ?

Avant toutes ces tensions qui nous divisent, on a connu une période de cohabitation pacifique et cohésion sociale. Toutes les communautés se côtoyaient sans problème et surtout qu’elles étaient concentrées autour de ces lacs appelés grands lacs.

Cela a facilité la cohésion, car, en Afrique, les cours d’eau faisaient des contrées centrales pour des activités vitales. Il s’agit de la pêche, on devait s’y baigner, lessive, puiser de l’eau.

C’était un centre d’intérêt pour toutes les communautés. À l’époque, les lacs, c’était un couloir de communication entre communautés. C’est plus tard avec la conférence de Berlin qu’il y a eu la mauvaise interprétation des Occidentaux des lacs en Afrique.

Ils ont cru qu’ils pouvaient les utiliser comme des frontières naturelles. Pour départager les puissances coloniales en conflit, on a utilisé les étendues d’eaux notamment les lacs, les fleuves et rivières ou les montagnes.

Malheureusement, en utilisant cette stratégie, les habitants qui vivaient en toute sérénité devenaient étrangers les uns des autres.

Nous sommes le fruit de l’imagination vers cette région de pâturage, il faisait bon d’y vivre. Une région favorable à la forge, l’agriculture et autres.

À partir de Berlin, les gens issus d’une même origine et de même ancêtre ont été malheureusement séparés arbitrairement. Il faut retenir qu’avant la conférence, les rois tissaient des relations jusqu’à donner leurs filles en mariage à leurs homologues pour affermir leur pacte d’amitié.

Comment cela a-t-il changé ?

Par après, on a créé une autre mentalité pour dire tel est congolais, burundais et Rwandais alors qu’on était ensemble. Après la Première Guerre mondiale, en 1919, après le congrès de Versailles, les deux colonies sont revenues au Congo belge pour devenir la propriété de la Belgique.

C’est une chose que l’homme colonial a créé en nous pour ses intérêts. Curieusement, la politique mise en place pour le glissement des populations vers les zones de production est interprétée différemment.

C’est ça les grands problèmes où on a vu des peuples quitter le Rwanda, le Burundi vers le Congo afin de faciliter l’exploitation et la maximisation des recettes pour les colons dans leurs plantations.

Malheureusement, après les indépendances, les uns ont cru que les sont des étrangers alors que nous étions unis avant le partage de l’Afrique.

Des similitudes culturelles sont nombreuses entre les peuples. Pourquoi ?

La connaissance de la belle histoire de la région des grands lacs est un atout pour la cohabitation des peuples. Les habitants ont toujours vécu en paix. La colonisation a été un facteur de division des peuples qui jadis vivaient en paix et partageaient beaucoup de choses.

Les similitudes culturelles sont nombreuses par exemple les langues, les clans, l’organisation des civilisations sur le plan coutumier.

Dans la région, les clans sont presque les mêmes. La toponymie (appellation de différents lieux) est semblable. Il y a des lieux que vous trouvez en RDC, au Rwanda et au Burundi. Tout a changé avec plus tard avec des frontières imposées. Des gens ont considéré leurs patriotes comme des étrangers.

En quoi cette histoire est utile ?

La connaissance de l’histoire des grands lacs est un atout pour la stabilité et la pacification de la région. C’est un connecteur et non un diviseur. Malheureusement, la tendance actuelle est de faire savoir ou croire le côté sombre de l’histoire. Ils donnent l’histoire de ce qui a divisé en mettant de côté ce qui nous a unis.

Les guerres sont inutiles. Les jeunes générations sont servies d’une histoire dénaturée, biaisée, montée de toute pièce. C’est une histoire révoltante pour haïr les autres en ignorant cette belle histoire qui nous a unis.

On est parti des premiers explorateurs qui ne maîtrisaient pas les langues africaines, donc sans capacité de communication. Les premiers missionnaires ont également désinformé. D’un coup, nous vivons les conséquences de cette désinformation.

On ne peut pas vivre sans histoire. Elle est collée à l’homme dès la conception et continue jusqu’à sa mort. La déformer pour qu’elle reste têtue, c’est un danger pour l’avenir. Il faut étudier pour comprendre le passé, vivre le présent et préparer l’avenir.

Je crois que les dirigeants, les partenaires des pouvoirs politiques devraient commencer par apprendre aux gens la vraie histoire. Cette dernière aidera à ce que cette cohésion sociale, qui caractérisait les communautés, puisse être une réalité dans la région.

Les jeunes, ont-ils un rôle à jouer ?

Je crois que les jeunes de la sous-région devraient prendre à bras-le-corps cette situation. Nous, les aînés, avons failli et avons intoxiqué les esprits des jeunes avec des fausses histoires.

C’est aux jeunes de créer des dialogues interrégionaux, des forums pour voir d’où viennent votre région, où elle est et vers où vous voulez l’orienter. Il faut essayer de reconstituer l’histoire qui a connu des déformations. Les jeunes sont des acteurs incontournables dans la pacification et la stabilisation de la région.

L’émission Génération Grands-Lacs est un rendez-vous hebdomadaire par les jeunes et pour les jeunes. C’est une occasion pour les jeunes de donner leurs avis et contributions sur des questions de leur région.

C’est une production de Search for Com- mon Ground en collaboration avec les radios, Bonesha FM de Bujumbura, radio Isango star de Kigali, Mama radio de Bukavu, la radio notre dame de Tanganyika, RNDT d’Uvira et la radio Kivu stars de Goma.

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