Les jeunes de la région des grands lacs donnent leur appréciation sur l’accès aux autorités politico-administratives. Certains déplorent que le lien étroit avec les décideurs aux niveaux local, national, régional n’existe pas. Ils se disent écartés dans la gestion de la chose publique. Un expert appelle les autorités des pays de la sous-région à associer les citoyens dans toutes les politiques.
Les jeunes jouent un rôle prépondérant dans la participation dans la gestion de la chose publique. Ce rôle est crucial s’il est pris au sérieux et utilisé comme moyen de toucher les jeunes et de travailler avec eux. Dans une émission, Génération Grands Lacs, les intervenants sont revenus sur la relation entre autorité politico-administrative et la population. Les citoyens, jeunes et non-jeunes de Goma et Uvira en RDC et ceux de Bujumbura au Burundi ne cachent pas leur indignation.
La majorité des intervenants en provenance de la RDC déplore l’inaccessibilité à leurs autorités. Pour eux, après les campagnes électorales, des ponts se coupent. « En tant que gouvernés, on a besoin de passer un message à nos autorités ou faire entendre notre voix. Mais accéder à nos autorités est très difficile », déplore un jeune d’Uvira.
Pour sa consœur de Goma, les autorités leur sont proches lors des campagnes électorales. « Une fois élus, on a du mal à accéder aux autorités. Il y a même ceux qui changent de numéro de téléphone. C’est très difficile pour les citoyens lambda à pouvoir s’adresser à leurs dirigeants ».
Pour un autre jeune, appeler une autorité de la RDC et être répondu est un luxe. Les jeunes, dit-il, ont le droit de parler aux autorités pour donner leurs contributions. C’est par-là, explique-t-il, que des problèmes sont résolus.
Un jeune de Goma en RDC est furieux face à l’inaccessibilité à leurs autorités politico-administratives. C’est toujours difficile de côtoyer une autorité. Quand on a besoin de le voir, il te dit que son agenda est très chargé. Ils sont obligés d’attendre des rendez-vous qui ne se réalisent pas. « Quand, les autorités arrivent ici, ils sont gardés par les militaires et policiers ce qui fait que leur parler soit compliqué ».
Des facteurs pour faciliter l’accès aux autorités
Au Burundi, les jeunes saluent l’initiative des autorités qui ne cessent de les approcher pour répondre à leurs préoccupations. Chaque citoyen qui a des problèmes peut s’adresser à eux. « L’accès est facile comparé aux années précédentes. Des descentes sont organisées pour écouter les doléances de la population. Le gouvernement a même rendu disponibles les adresses téléphoniques de tous les ministres, gouverneurs et administrateurs communaux pour faciliter l’accès ».
Eric Ndushabandi, professeur de sciences politiques et expert de la région parle de ce qui peut rendre l’accès difficile aux autorités dans les pays de la sous-région. Il propose des solutions pour inverser la tendance. Dans la région des grands lacs, dit-il, nous sommes à des niveaux différents pour l’accès à l’autorité publique. Ce qui rend difficile l’accès aux autorités politico-administrations est le système politique et les lois qui ne sont pas adaptés.
Cet enseignant de sciences politiques parle des pays qui ont des systèmes politiques qui ne demandent pas aux autorités de s’approcher de la population. L’autorité pense qu’il n’a pas besoin des citoyens. Quand les citoyens ne sont pas éduqués politiquement, ils s’en éloignent.
Le professeur Ndushabandi constate une dégradation, une mauvaise participation citoyenne. Dans ce cas, les citoyens deviennent destructeurs de l’Etat. C’est très dangereux. « La conséquence quand la population est trop dépendante des politiques, elle est très vulnérable. Ce n’est pas durable dans le sens où le citoyen ne sait pas ses potentiels. Quand les citoyens s’écartent des institutions, ils cherchent des solutions ailleurs et l’Etat devient son ennemi».
Selon ce professeur, dans certains pays de la région, la population prend les militaires et la police comme des ennemis. Dans ce cas, l’Etat est devenu prédateur, il est devenu un ennemi comme tant d’autres, inefficace. « C’est la crise de l’Etat. Il faut que les citoyens accèdent aux autorités politico-administratives ».
Les facteurs qui favorisent l’accès d’un citoyen à l’autorité publique sont les mêmes. Il s’agit des facteurs géographiques et les politiques de décentralisation effective. L’autorité publique a intérêt à demander l’opinion des citoyens pour avancer. Il faut des politiques de décentralisation efficaces. Il faut briser l’écart entre les décideurs et les citoyens.
Des citoyens et les décideurs collaborent pour la mise en place des politiques publiques. Il faut aussi des programmes d’éducation politique des jeunes. L’objectif est de renforcer leur participation dans la gestion de la chose publique. Dans des pays où les pratiques de l’administration prennent en compte la contribution des citoyens, on avance.
Selon cet expert, le découpage administratif et les politiques de décentralisation ont permis aux citoyens rwandais d’accéder facilement. Des pratiques d’administration permettant d’associer la population dans les politiques publiques y sont pour quelque chose. «Des descentes sont organisées au niveau des communautés pour être proches des villageois des coins les plus reculés du pays. Il y a des forums des citoyens, des structures existent au quotidien. Il y a des travaux communautaires le dernier samedi du mois. Ce sont des espaces d’interaction ».
L’émission Génération Grands-Lacs est un rendez-vous hebdomadaire par les jeunes et pour les jeunes. C’est une occasion pour les jeunes de données leurs avis et contribution sur des questions de leur région. C’est une production de Search for Common Ground en collaboration avec les radios, Bonesha FM de Bujumbura, radio Isango star de Kigali, mama radio de Bukavu, la radio notre dame de Tanganyika, RNDT d’Uvira et la radio Kivu star de Goma.