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Gatumba. Oui, Albert s’occupe de ses sept enfants, mais aussi de ses huit crocodiles…

06/05/2012 Commentaires fermés sur Gatumba. Oui, Albert s’occupe de ses sept enfants, mais aussi de ses huit crocodiles…

Albert Ngendera, un quinquagénaire habitant Gatumba, veille sur ses sept enfants comme tout parent normal. Mais il s’occupe également de huit crocodiles, un chimpanzé, un singe, des canards et des souris. Iwacu vous fait découvrir le monde de cet éleveur particulier, ses difficultés et ses perspectives.

Au 14è poteau sur la route Bujumbura-Gatumba, les gens vaquent à leurs activités de tous les jours. A quelques cinquante mètres, une parcelle d’environ dix ares n’est pas différente des autres. A l’entrée, une petite pancarte où est inscrit Association d’Appui Animal  »AAA  » Crocodile du Nil avec un crocodile comme logo. On comprend alors qu’il y a quelque chose de différent à l’intérieur. Sur le portail, un tarif pour les nationaux (3000Fbu) et un autre pour les étrangers (10.000Fbu). A l’intérieur, côté gauche, deux cages dans lesquelles se reposent un chimpanzé et un petit singe, un macaque. Juste à côté vers la maison principale, un petit espace d’environ cinq mètres sur dix, avec une clôture d’un mètre de hauteur, à l’intérieur de laquelle vivent huit crocodiles. Quatre femelles et quatre mâles. Chacun mesure plus ou moins deux mètres de longueur. Paisiblement allongés, on dirait qu’ils sont inertes, qu’ils ne respirent pas, mais ils gardent leurs petits yeux grands ouverts. Mais il y a un problème. Ces reptiles n’ont pas assez d’eau nécessaire pour leur-bien-être (1m de hauteur minimum), leur épanouissement sexuel. Du coup, il leur est difficile de s’accoupler. Ils se contentent de petits étangs d’eau mélangés à de la boue pour ‘’se baigner’’.

Le soutien du ministère de l’Environnement

Par coïncidence, Iwacu retrouve, en cet après-midi du 30 avril, le propriétaire Albert Ngendera, en compagnie de Déo Babonwanayo, assistant du ministre de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme. Ce dernier apprécie le projet : « C’est une très bonne initiative, nous devons l’encadrer, l’encourager, lui créer un climat favorable pour que son projet grandisse et porte des fruits », promet l’assistant du ministre. Il constate que M. Ngendera élève ses  »Crocodiles du Nil » dans de mauvaises conditions. C’est pour cette raison que le ministère lui a déjà donné un terrain sur les rives de la rivière Rusizi, (150 sur 100 mètres). Arrivé sur ce terrain, des jeunes se baignent dans la rivière. « Nous avons peur que ces crocodiles, une fois installés le long de la Rusizi, puissent nous mordre ou nous tuer », se plaignent-ils. Leurs maisons se trouvent à moins de 50m de la rivière. Beaucoup ont été indemnisé et ont cédé leurs terres en faveur du projet. Cela permettra aux crocodiles d’avoir un environnement adapté, où ils pourront se reproduire facilement. Face aux craintes des jeunes, M. Ngendera rassure. Il promet de construire des cages solides et modernes pour qu’ils ne s’échappent pas. Il espère acquérir un autre terrain le long de la route Bujumbura-Gatumba car les crocodiles sont très féconds. Ils se reproduisent deux fois l’an et font éclore d’un coup entre 35 et 50 œufs. En général ils grandissent tous, selon Albert Ngendera. Donc, c’est une nécessité d’avoir un espace assez grand.

« Tous sont mes enfants. »

« L’idée m’est venue quand j’ai vu, à la télévision, la cérémonie de prestation de serment du président Mandela, en Afrique du Sud, en 1994. » M. Ngendera se rappelle que pendant la collation organisée pour l’occasion, le service avait servi, sur une longue table, un gros crocodile bien cuit pour fêter l’événement. Et tout le monde se servait à sa guise. A ce moment là, M. Ngendera s’est dit qu’un jour il pourrait monter un projet d’élevage de crocodiles pour les vendre ou les manger. Ce père de sept enfants (55 ans), goûte pour la première fois à la viande de crocodile quand il quitte sa vie de déplacé à l’Ecosat dans la zone Gasenyi, commune Kamenge, pour s’installer à Gatumba : « Sa viande avait le même goût que celui d’un poisson de type‘’Capitaine’’ », se souvient-il. En 2003, Albert Ngendera les a achetés, tous petits, chez des pêcheurs qui les retrouvaient dans leurs filets. Le prix variait entre 30 et 50 milles Fbu. Au total ils étaient au nombre de dix, mais des jaloux ont déjà empoisonné deux d’entre eux. Dans trois jours, ces huit reptiles dévorent cinquante kilos de viandes de bœuf (‘’Indambu’’ : morts à la naissance ou prématurés). Cela grâce au soutien du directeur de l’Abattoir de Bujumbura qui lui en donne gratuitement.

Le propriétaire des crocodiles ne paie que le transport : « Au cas où la viande arrive à manquer, j’ai plus de quatre vingt souris, en élevage, pour combler le vide », indique-t-il. Quant au chimpanzé et au petit singe, ils se nourrissent de la banane mûre, de la pâte du maïs et de tous les aliments propres à l’homme. M. Ngendera ne préfère pas faire des calculs à propos de ce qu’il dépense pour nourrir sa propre famille de sang et ce qu’il appelle seconde famille, celle des ses animaux : « Je les prends tous au même niveau, ils sont mes enfants. » Avant, il pouvait recevoir la visite de touristes, surtout européens. Il gagnait entre 30 et 50 milles Fbu par mois. Après le « carnage de Gatumba » survenu le 18 septembre 2011, où une trentaine de personnes ont été tuées, aucun touriste n’est revenu : « S’ils sont nombreux, ils ne dépassent pas cinq par mois», regrette Albert Ngendera. Il projette que le premier bassin pour le premier couple sera déjà construit le 1er juillet, jour du cinquantenaire de l’Indépendance. Surtout que ces crocodiles ont déjà atteint l’âge de se reproduire.

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