Les 21 coaccusés dans l’affaire du massacre de Gatumba étaient encore une fois à la barre ce 14 décembre. Le procureur de la République a requis la perpétuité pour 10 d’entre eux et 40 ans d’emprisonnement ferme pour le reste. Frustrée de n’avoir pas eu l’opportunité d’entendre la version des personnes impliquées par les accusés, la défense est aussitôt sortie de la salle d’audience et annonce qu’elle va interjeter recours. Le jury a mis en délibéré le procès. <doc2361|left>« La justice burundaise nous chagrine, elle est corrompue. Même les avocats des présumés coupables ont refusé de clôturer le procès », s’exprime d’une voix très forte un membre des familles qui ont perdu les leurs dans ce massacre perpétré dans un bar à Gatumba, le 18 septembre 2011. Le ministère public a cité comme auteurs du drame: Joseph Sahabo (Kabizi), Gaston Sibomana, Etienne Bizozabishaka, Innocent Ngendakuriyo (Nzarabu), Issa Nyandwi, Jean-Claude Nsabimana (Nzungu), BPP2 Ernest Ndayisenga, OOP2 Jean de Dieu Nizigiyimana, Emmanuel Habonimana, Lt. François Niyonkuru. Les coauteurs sont, selon toujours le procureur, Jérôme Nzopfabarushe, Alexis Hakizimana, Edmond Mbonimpaye, Emmanuel Nizigiyimana, Benjamin Niyonzima, Amos Nshimirimana, Ferdinand Ngabireyimana (Mabele), Gaspard Njangwa, Mélance Niyonzima, Jean-claude Ntigirinzigo, Théobart Mfundo. Avant que le ministère public ne termine le procès, les avocats des accusés ont demandé, en vain, que le jury leur accorde la parole : « Le procès s’est terminé dans la confusion. C’est une parodie de justice. Nous avons voulu dire au jury que nous ne pouvons pas clôturer le procès sans que nous ayons entendu la version des personnes citées par nos clients. Nous donc avons décidé de sortir pour ne pas cautionner cette décision », précise Segatwa Fabien, un de ces avocats. Ces derniers exigent que les hauts gradés de la police et du Service National des Renseignements, cités par Nzarabu et Mabele, soient entendus par le jury. En outre, maître Segatwa avait précisé, au début du procès, que son client Nzarabu et d’autres à Rumonge pourraient être assassinés par un certain Gaspard Siha, chargé de les surveiller et de leur apporter de la nourriture : « Depuis hier, ils n’ont rein mangé de peur d’être empoisonné », fait savoir Me Segatwa. Certains rescapés du massacre de Gatumba ont eu l’occasion de témoigner. Hélmenegilde Nyandwi a toujours des éclats de grenades logés dans les côtes droites. « J’étais à l’intérieur du bistrot Chez les Amis lors de l’attaque. Une personne en tenue policière est entrée et a directement ouvert le feu. Je n’entendais que des pleurs et des cris. » Il affirme que d’autres coups de feu ont été tirés pendant trois à quatre minutes : « L’homme en arme et en tenue policière a achevé trois personnes qui agonisaient. J’ai entendu un bruit très assourdissant et l’assassin est reparti. » Juste après, poursuit Hélmenegilde, d’autres policiers sont entré dans le bistrot en demandant s’il y avait des gens encore en vie pour les transporter à l’hôpital : « C’est à ce moment que nous sommes sortis, enjambant les cadavres allongés, les uns à côté des autres, jusqu’au portail du bistrot. A l’extérieur, le long de la route, j’ai vu deux pick-ups, l’un de la police, l’autre des Forces de Défense Nationale. Mais une autre, de l’Office Nationale des Télécommunications est arrivée sur les lieux quelques temps après », ajoute M. Nyandwi essoufflé par la douleur. Les présumés coupables que le jury a entendu ce 14 décembre sont Etienne Bizozabishaka, Emmanuel Habonimana et Ferdinand Ngabireyimane, alias Mabele. Ce dernier est accusé d’avoir fourni, aux groupes armés installés dans la réserve de la Rukoko, de la nourriture et ce dont ils avaient besoin. Mabele nie catégoriquement cette accusation. Par contre, il annonce au jury qu’il peut donner de la lumière sur le massacre du 18 septembre 2011 à Gatumba. Le jury lui accorde la parole : « Ce jours-là, j’étais avec Désiré Uwamahoro, commandant du GMIR (Groupement Mobile d’Intervention Rapide) tout près d’une église adventiste, un peu plus loin du bistrot Chez les amis. Notre mission était de tendre une embuscade à Mukono un peu plus loin de l’église et de le tuer. Ce dernier était en compagnie de Nzarabu qui était allé le chercher. J’étais en train de mettre une tenue policière quand des coups de feu ont retenti. Quelques minutes après, Nzarabu nous a rejoints du côté de l’église. J’ai essayé de lui demandé si la mission avait réussi, mais Désiré Uwamahoro m’a intimé l’ordre de me taire. Et nous nous sommes dirigés Chez les amis rejoindre Kazungu qui s’y trouvait déjà avec d’autres policiers. C’est à ce moment que j’ai constaté que l’irréparable avait été commis. » L’avocat des victimes a demandé au tribunal de Grande Instance une indemnité pour la trentaine de personnes assassinées : entre 3 millions et 380.400 millions de francs burundais. Pour ceux qui ont été blessées, il a demandé 10 millions pour chacun. Le jury n’a pas précisé la date du verdict.