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Gatumba, la lettre qui jette le trouble

05/06/2013 Commentaires fermés sur Gatumba, la lettre qui jette le trouble

Le président de l’Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH), vient de rendre public une lettre que le principal prévenu impliqué dans les massacres de Gatumba lui a envoyée. Cette lettre, authentique, dérange et met à nu une tentative de manipulation de ce dossier en faussant les enquêtes sur le carnage de Gatumba. <doc1879|left>C’est l’histoire d’une manipulation ratée. Selon cette lettre, les massacres de Gatumba sont le résultat malheureux d’une traque d’un certain Carmel connu sous le nom de « Mukono », qui a mal tournée. Qui est Mukono ? Il est amputé d’un bras, probablement suite à une blessure au combat. C’est un ancien combattant du FNL proche d’Agathon Rwasa. Détenu à la prison centrale de Mpimba pour détention illégale d’armes, il aurait été approché par le SNR pour aller « rechercher et neutraliser » son ancien compagnon d’arme. Mais aussitôt libre, Mukono n’a pas coopéré, préférant diriger pour son propre compte un petit groupe armé dans l’Est de la RDC. Un traquenard a été imaginé pour appâter Mukono qui voulait s’approvisionner en médicaments. C’est là qu’intervient un certain Innocent Ngendakuriyo, alias Nzarabu, aujourd’hui arrêté. Selon le prévenu Innocent Ngendakuriyo, dans une lettre adressée à l’APRDH et dont Iwacu a reçu une copie, tout a commencé le 12 septembre 2011 par un coup de fil d’un certain Jérémie Bibonimana. « Il me demandait de le rencontrer chez lui à Kinama à la 13ème avenue du quartier Bukirasazi, l’offre était de collaborer avec le Service National de Renseignement (SNR) puisque j’avais une expérience au maquis ». C’est un ancien de Rwasa. Le lendemain, il y a eu un autre coup de téléphone d’un certain Maurice ’’un chef de cabinet qui travaille dans des bureaux situés tout près de la Présidence’’. Il a été clair : « il m’a demandé si j’avais discuté avec Jérémie Bibonimana et j’ai répondu par l’affirmatif. Ce ’’chef de cabinet’’ m’a demandé d’accepter de collaborer en retournant au maquis pour infiltrer les groupes armés ». Mission : neutraliser certains chefs rebelles. « Il faudrait par exemple mettre du poison dans leur nourriture, s’ils te demandent de leur apporter à manger et si par malheur, la police vous arrête, il ne faudrait pas hésiter à m’appeler » écrit toujours Nzarabu {Ils m’ont demandé d’essayer d’infiltrer les groupes armés…} Le prévenu Innocent Ngendakuriyo continue son récit : « Vendredi, le 14 septembre, ce ’’chef de cabinet’’ m’appelle encore une fois au téléphone et me fixe un rendez-vous dans son bureau. Il était avec un certain Désiré Uwamahoro et une autre personne, surnommé Ndakugarika. Ils m’ont tous demandé d’essayer d’infiltrer les groupes armés et ils m’ont donné de l’argent, 200.000 Fbu comme contribution pour me faire accepter par le groupe de Carmel, alias Mukono ». Selon ce prévenu poursuivi pour crime contre l’humanité, à la vue de toute cette somme d’argent, il y a eu hésitation, les anciens frères d’armes ne pouvaient pas s’empêcher d’avoir des soupçons, ce qui rendait toute réintégration difficile. « Ils m’ont dit de donner un montant qui me paraissait raisonnable, j’ai par la suite donné comme cotisation une somme de 20.0000 Fbu à Mukono. Par la suite, ils m’ont demandé si j’avais rencontré ce dernier et j’ai dit oui ». _________________________________ Prévenus dans le dossier en rapport avec le massacre de Gatumba {9 personnes sont incarcérées à la prison centrale de Mpimba, il s’agit de : OPP2 Ernest Ndayisenga, OPP2 Jean de .de Dieu Nizigiyimana , Gaspard NJangwa, Emmanuel Habonimana, Jean Claude Ntigirinzigo, Jean Claude Nsabimana alias Nzungu, Jérôme Nzopfabarushe, Etienne Bizozabishaka et Mélance Niyonzima. A la prison de Rumonge, il y a Joseph Sahabu (alias Kabizi), le lieutenant François Niyonkuru qui était basé à la position de Rukoko et Tenga. A la prison de Bubanza, il y a Innocent Ngendakuriyo, alias Nzarabu accusé d’être l’auteur principal du massacre de Gatumba et Gaston Sibomana. A la prison de Muramvya, il y a une personne du nom Issa Nyandwi.} ____________________________________ En date du 16 septembre 2011, Innocent Ngendakuriyo, alias Nzarabu, a introduit sa demande de réintégration et il lui a été demandé de regagner une ancienne position située en RDC. Mukono a demandé à Nzarabu comment il pourrait s’approvisionner en médicaments. Nzarabu a pensé à un coup à une pharmacie, située à Gatumba, tout près du bar « Chez les amis », tristement connu. L’opération est montée. Mais entretemps Nzarabu prévient ses commanditaires. Le traquenard est mis en place. Des tireurs embusqués devraient se placer tout près de cette pharmacie et attendre le groupe de Mukono. Quant à Nzarabu, on lui donne l’assurance qu’il sera épargné. Nzarabu raconte  toujours: «le jour venu vers 19h30 minutes, quand on s’approchait de ladite pharmacie, je n’ai pas aperçu les tireurs embusqués comme convenu. Quelques minutes après, on a entendu beaucoup de coups de feu et j’ai compris que je me suis fait avoir et nous avons pris la fuite chacun de son côté ». Arrivé tout près de l’église des Adventistes, comme par enchantement Désiré Uwamahoro et Jérémie Bibonimana sont là. Tous les trois, nous nous sommes dirigés vers le bar "Chez les amis". Là, il y avait beaucoup de morts. Nzarabu a eu peur de rentrer chez lui. « C’est Désiré Uwamahoro qui m’a amené chez lui dans son véhicule ». Le lendemain, il y a eu un coup de fil de ’’Maurice, le Chef de cabinet’’, c’était pour un entretien, « mais surprise, au lieu de cette rencontre, le véhicule dépêché pour me prendre m’a conduit vers les bureaux de la PJP, j’y ai rencontré Jérémie Bibonimana, Ndakugarika, Uwamahoro Désiré et un certain Dieudonné ». L’ordre était formel : accepter devant les caméras d’endosser la responsabilité des massacres de Gatumba et incriminer les membres du FNL. « En échange, on me promettait une maison discrète quelque part dans un quartier de la ville mais j’ai tiqué, apparemment la promesse faite auparavant de me donner 6 millions de Fbu ne tenait plus, j’ai tout refusé et voilà la source de tous les maux et surtout de la tentative de me liquider », conclut sa longue lettre envoyée au président de l’APRODH depuis sa cellule. Cependant, en l’absence d’une autre source pour les corroborer, l’on ne peut que prendre avec des pincettes les déclarations d’Innocent Ngendakuriyo alias Nzarabu. Car subsistent des zones d’ombre.

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