Des échauffourées ont éclaté, ce 15 juillet entre les Imbonerakure et les militants du Congrès national pour la liberté (CNL). A Gitanga de la commune Gashikanwa en province Ngozi, le climat est tendu mais aussi sur la colline Masasu de la commune voisine de Kiremba. Les deux parties s’accusent mutuellement. Des arrestations sont toujours en cours surtout chez les militants du CNL. Nous avons mené une enquête sur place que nous n’avons pas pu terminer. Récit.
La petite bourgade de Mahorovya, colline Gitanga, zone Gatobo, est presque déserte. Quelques enfants vendent de la canne à sucre. D’autres font la lessive dans un petit caniveau qui laisse dégouliner un peu d’eau. Les quelques adultes forment de petits groupes de deux ou trois personnes. Désœuvrés. Ils discutent à voix basse. Deux mamans vendent des tomates et des aubergines. Dans le marais qui sépare les communes de Gashikanwa et Kiremba, on remarque des cultivatrices qui labourent leurs champs. Aucun homme en vue.
Il est 10 heures. Nous sommes mercredi 17 juillet. Mahorovya est très calme. C’est inhabituel. Une seule boutique est ouverte. Les autres, une dizaine, sont fermées. «D’habitude, le petit centre grouille de monde à cette heure-ci», confie un habitant de la colline Gitanga. Que se passe-t-il alors ? «Beaucoup de personnes se cachent. Ils n’osent pas se montrer sur la route», indique un autre habitant, discrètement.
Pourquoi ? «Certains sont recherchés par la police à cause de ce qui s’est passé lundi dernier». D’après les habitants de la colline Gitanga, le climat est tendu entre les Imbonerakure et les Inyankamugayo (militants du CNL). Mais également à cause des arrestations et la chasse à l’homme opérées par la police.
Tout commence le dimanche 14 juillet. La goutte qui fait déborder le vase est le passage à tabac de deux militants du CNL, un certain Constantin Bavumiragiye et sa femme Marie Mukeshimana, par un groupe d’Imbonerakure conduit par Simon Nduwimana, chef du parti Cndd-Fdd en commune Gashikanwa. Ces jeunes du parti au pouvoir sont venus de plusieurs collines de la zone Gatobo.
Mal en point, les deux victimes ont été conduites à l’Hôpital de Kiremba. «Les gens étaient furieux contre ces jeunes venus d’ailleurs qui viennent tabasser leurs voisins», indique un habitant de cette localité.
Ce dimanche donc, Simon Nduwimana, accompagné de plusieurs Imbonerakure, revient pour l’opération qu’il appelle, selon plusieurs témoignages, «gukoropa umutumba» (Nettoyer la colline). «Simon Nduwimana est venu à moto et les autres à pied». Il était aux environs de 20 heures. «Ils ont commencé à provoquer les militants du CNL», confient les témoins oculaires. Plusieurs militants du CNL, d’après toujours ces témoins, sont tabassés dont Donatien Nshimirimana, chargé de la communication au sein du parti CNL en commune Gashikanwa. Des coups de bâton dans le dos, sur le visage, les bras, etc. Les victimes crient, en appellent au secours. Les autres Inyankamugayo accourent pour secourir leurs camarades. «Les gens criaient trop, c’est trop !».
Les échauffourées commencent alors. Selon les témoins, deux Imbonerakure du nom de Révocat Nsabumuremyi, enseignant à l’Ecofo Butaganda et chef des Imbonerakure dans la zone Gatobo et Anicet Nahayo, enseignant à l’Ecofo Musumba, sont sévèrement tabassés. «En infériorité numérique, les Imbonerakure se sont repliés. Ils ont alors appelé la police». Révocat Nsabumuremyi sera transféré à l’Hôpital de Ngozi.
Les militants du CNL sont rentrés dans leurs maisons. Aux environs d’une heure du matin, plusieurs policiers sont arrivés sur les lieux dans une voiture de marque Toyota Probox. «Accompagnés des Imbonerakure, ils se sont rendus au domicile de Donatien Nshimirimana. Ils lui ont intimé l’ordre d’ouvrir la porte, mais il n’a pas obtempéré», témoigne un habitant de Gitanga. D’après les témoignages recueillis, ils sont passés dans plusieurs ménages des militants du CNL, mais certains ont réussi à s’enfouir.
Arrivés chez le domicile d’un certain Bararinda, poursuivent les témoins, ils lui ont demandé d’ouvrir la porte en lui mentant que c’est son ami Donatien qui le cherche. «Ce dernier est sorti et s’est arrêté sur le pas de la porte. Un policier lui a tiré le bras pour le faire sortir. Bararinda a blessé le policier à la tête avec une machette».
Ce policier s’appelle Libère Barengayabo. Un des policiers tire en l’air pour éloigner les gens qui commencent à s’agglutiner. Dans la foulée, Bararinda prend ses jambes à son cou.
Interrogé, Simon Nduwimana balaie d’un revers de la main toutes les allégations. «Je n’étais pas présent lors de la bagarre. Je suis venu avec le chef de poste pour intervenir». En ce qui concerne le passage à tabac et les provocations en l’encontre des militants du CNL, il parle de mensonges. «Je pense plutôt que c’était un plan préparé par les militants du CNL. La preuve en est que lorsque le chef du parti dans cette localité leur disait de reculer, ils le faisaient sans sourciller». Interrogé quant à l’utilisation du mot «gukoropa», il répond : «Je n’ai jamais prononcé ce mot dans ma vie. Si je mens, que ma langue soit coupée». Les responsables du CNL parlent d’une échappatoire.
Les altercations de dimanche et lundi sur Gitanga ont eu lieu au pied de la sous-colline Mahorovya, sur un petit centre dit ‘‘kwa Kaboko’’. Celui-ci jouxte la colline Masasu en commune Kiremba de la province Ngozi.
Entre les deux collines, un petit marais. C’est dans ce marais que se sont arrêtés les habitants de Masasu, alors venus intervenir après des hurlements chez Bararinda…
Qu’est-ce qui s’est passé à Masasu ?
Ce mercredi, nous nous sommes rendus à Masasu. De Gitanga, nous démarrons pour le centre communal de Kiremba. Une route en terre battue mène là-bas. La route est tranquille, déserte. Pas de passants. On ne comprend pas. Nous nous interrogeons. Mais personne à qui demander.
Ces derniers temps, la population, surtout dans le Burundi profond a peur. Elle est réticente à parler. Aux journalistes surtout.
Pourtant, à un moment, deux jeunes hommes surviennent. Arrivés à la hauteur de notre voiture, nous engageons une petite conversation avec eux. Ils vont au centre Nkomero, quelque part sur la colline Masasu. C’est notre direction, nous les embarquons. Nous voulons savoir ce qui se passe à Masasu…
Dans ce Burundi profond, les gens sont gentils, sympathiques. Mis en confiance, les gens se ‘‘lâchent’’.
C’est ce que vont faire nos passagers. «A Masasu, il y a de la peur, les militants du CNL sont pourchassés par la police. Pas mal ont déjà pris la fuite».
D’après eux, les événements de Gitanga, dans la nuit de lundi à mardi, ont porté malheur à ces militants, sans qu’ils y aient une part de responsabilité. «Après des cris assourdissants à Mahorovya, vers une heure du matin, des dizaines d’habitants de Masasu sont vite accourus. C’étaient des hommes et des femmes, de tout âge et de toutes les sensibilités politiques», témoignent les habitants. «Mais dans leur élan, ils ont été, tout à coup, stoppés par des crépitements d’armes, venus de la direction des cris.» Ensemble, ils ont attendu que la situation se décante. «Ils se sont rassemblés dans la vallée, sur la frontière entre les deux collines».
Avec les coups de feu, beaucoup d’habitants de Gitanga ont fui vers Masasu. Pas pour longtemps, ils retourneront vite chez eux, la même nuit, lorsque la situation est redevenue un peu normale. Les ‘‘secouristes’’ de Masasu regagneront aussi leurs ménages, tranquilles, comme si c’était fini. Mais le plus dur allait commencer. «La chasse aux CNL à Masasu», rapportent les témoignages. Plusieurs dizaines prendront fuite.
La chasse et la fuite
Le souci de secourir à Gitanga aura servi de prétexte pour traquer «injustement» les militants du CNL, affirment des sources concordantes. Selon elles, dès le lendemain des échauffourées, la matinée de mardi 16 juillet, le président du Cndd-Fdd à Masasu, Constantin Miburo, aurait dressé une liste de 17 militants du CNL, les plus influents sur cette colline. Il les a accusés d’avoir trempé dans les affrontements. «La liste a été remise au commissariat de police de Gashikanwa pour qu’il procède aux arrestations».
Entre ces «hommes de la bananeraie», les infos se transmettent rapidement. Plusieurs personnes sont ‘‘prévenues’’ qu’elles sont recherchées par la justice. Elles se replieront dans la brousse ou loin chez des amis.
Entre autres, Emmanuel Minani, Pascal Minani, Pascal Misago, Cyprien Sinzobatohana, Libère Rwasa, Félicien Miburo, Nsaguye, etc. Mais aussi des femmes comme Concilie, Mukeshimana et Marie Rose Niragira, membres du CNL.
La colère
Dans son enquête, Iwacu a pu rencontrer certains de ces hommes aujourd’hui en clandestinité. Deux hommes ont fait des kilomètres à pied, pour passer incognito, jusqu’à un endroit convenu. «Le moindre déplacement à moto ou en voiture pourrait nous causer des dégâts», nous ont-ils confié à l’arrivée. Deux jeunes hommes dans la trentaine, dans des bottes et vestes usées, mines renfrognées.
A travers leurs récits, on sent de la colère. Ils dénoncent un «acharnement» à leur endroit. Constantin Miburo, président du Cndd-Fdd à la colline Masasu est pointé du doigt. «Il veut nous voir tous déguerpir de cette colline. Il a une dent contre nous parce qu’il y a très peu de militants de son parti sur notre colline». Pour eux, s’il recourt aujourd’hui à la police, c’est parce que les quelques d’Imbonerakure de Masasu ne veulent plus lui obéir.
Au sujet de la ‘‘chasse’’ en cours, E.N., l’un d’eux, n’a aucun doute : «Elle vise les Inyankamugayo et non ceux qui ont voulu secourir à Gitanga.» S’il s’agissait des enquêtes objectives, poursuit-il, des militants d’autres formations politiques auraient figuré sur la fameuse liste. Il parle notamment de deux enfants de Miburo, un certain Nziza et une certaine Vanessa ainsi que Jean Marie, son frère. «Nous étions partis ensemble pour le secours».
Ces fugitifs se disent dans le désarroi. «Maintenant, nous sommes au ‘‘couvert’’ (leur mot pour dire cachette). On ne sait pas quand nous regagnerons nos familles. Comment vivent nos enfants?», se demandent-ils, angoissés
Un des responsables du CNL en commune Kiremba dénonce l’attitude de l’administration communale. Elle ne fait rien pour la bonne cohabitation des militants de différents partis politiques. Ce responsable demande qu’il y ait plus de réunions à l’endroit des jeunes militants des partis pour une sensibilisation à la tolérance politique.
Interrogé, Constantin Miburo, président du parti de l’aigle à la colline Masasu, a rejeté toute part de responsabilité dans la ‘‘chasse aux militants du CNL’’. «Ils sont recherchés par la justice pour ce qu’ils ont fait à Gitanga. Pas par moi. Une fois devant la justice, je ne peux même pas témoigner contre eux». Pour lui, ceux qui l’accusent ne devraient que répondre présent devant la justice et prouver leur innocence. «Je n’ai rien contre eux, S’ils invoquent mes enfants dans leurs forfaits, il faut qu’ils aillent le dire devant la justice.».
Des arrestations en cascade
La tension monte sur la colline Gitanga. La police est sur les dents. «On cherche surtout les militants du CNL», font savoir les habitants. Plusieurs Inyankamugayo prennent déjà la poudre d’escampette. «On ne pouvait pas rester alors que même ceux qui ne sont pas impliqués dans les incidents de lundi sont arrêtés», indiquent-ils.
Mardi matin, la police accompagnée des Imbonerakure, a fait une descente chez Donatien Nshimirimana. Il était introuvable. Ils ont embarqué sa femme, Yvonne Ndayishimiye, son père et son petit frère. Trois autres personnes, Richard Nkurunziza, Léonidas Ndihokubwayo et Jean Miburo, sont aussi arrêtés. Ils seront relâchés à mi-chemin des cachots.
D’après les habitants de la colline Gitanga, les Imbonerakure ont fait une descente sur la sous-colline Kayaga. «Ils ont arrêté Frédéric Rwasa. Il est le représentant du CNL dans la zone Gatobo», raconte un des représentants du CNL en commune Gashikanwa. «Ils voulaient aussi arrêter Bosco Kwizera, secrétaire de la Ligue des jeunes, mais il s’est enfui. Aujourd’hui, il vit en clandestinité».
Les militants du CNL se demandent pourquoi leur camarade a été arrêté alors qu’il n’était pas là le jour des échauffourées. La police a opéré d’autres arrestations au sein des militants du CNL. Il s’agit d’Egide Tuyisenge, Frédéric Nyabenda, Amos Nanzigiri de la colline Gitanga et Hermès Nsabindemye et Joseph Bucumi de la colline Masusu en commune Kiremba. «Et d’ailleurs, pourquoi seuls les militants du CNL sont arrêtés alors que ce sont les Imbonerakure qui ont commencé à tabasser nos membres», s’indignent les militants du CNL.
Ce mercredi 17 juillet, l’administrateur de la commune Gashikanwa, Jeanne Françoise Ndayiragije, a organisé une réunion de pacification sur la colline Gitanga. Les journalistes d’Iwacu ont été chassés d’une réunion pourtant publique. Récit.
Il est 12h. Nous sommes au chef-lieu de la commune Kiremba. Nous avons ouï-dire qu’une réunion publique de « pacification » est prévue à Mahorovya. Du coup, nous décidons d’y participer. Nous nous disons que c’est une aubaine dans la mesure où nous pourrions décrocher une interview avec l’administrateur communal.
13 heures. Les habitants commencent à s’agglutiner à l’Usine de café. Les «rabatteurs» les pressent d’aller s’installer dans la salle. Ils attendent patiemment. La plupart sont des femmes.
Aux environs de 15h, Jeanne Françoise Ndayiragije arrive avec le commissaire communal, le chef de poste et 4 policiers. Précipitamment, les Imbonerakure se déploient aux quatre coins. Tous les sens en alerte.
On dirait des militaires. Les officiels s’installent. Une personne est choisie pour dire la prière. Celui-ci parle de chasser les mauvais esprits qui se sont emparés de la colline Gitanga. Dans un long discours, le chef de zone Gatobo appelle la population à parler ouvertement de ce qui s’est passé le lundi. Il en profite pour mettre en garde les fauteurs de troubles.
Ces parias de journalistes
L’administrateur communal prend la parole. Des applaudissements nourris pour la paix, l’Imana, …. Elle rappelle d’ailleurs ce qui est arrivé à ceux qui n’applaudissent pas au cours des réunions. Pour rappel, deux personnes ont été emprisonnées, il y a de cela une année, parce qu’ils avaient négligemment applaudi à l’évocation du nom du président de la République.
Tout d’un coup, Jeanne Françoise Ndayiragije murmure quelques mots à l’oreille du chef de poste. Ce dernier, avec hésitation, se dirige vers nous. Il appelle discrètement un de nous. Il l’amène vers l’arrière de la salle de réunion. Un interrogatoire commence.
L’interrogatoire
Policier : Comment tu vas ?
Journaliste : Ça va.
Policier : Tu es d’ici ou bien… ?
Journaliste : Beuh, non. Pourquoi ?
Policier : Ooh, ce n’est rien, c’est juste pour nous connaître (rire jaune). Le journaliste observe un moment de silence. Et puis soudain : – Ok
Policier : Alors, tu es d’où ?
Journaliste : De quelque part dans les parages.
Policier (inquiet et plus virulent) : Comment s’appelle le chef de colline ?
Journaliste : Je ne le connais pas.
Policier : Comment s’appelle le chef de cellule ?
Journaliste : Puisque je t’ai dit que je ne suis pas d’ici…
Le policier se confond en excuses.
-Sorry, ne crois pas que c’est pour t’emmerder. Ici, quand on ne connaît pas quelqu’un, on cherche à le connaître. C’est pour cela que je t’ai appelé. Des gens commençaient à s’inquiéter, s’inquiéter de cet étranger.
Journaliste (petit sourire) : Ah bon !
Policier : Oui, c’est comme ça. (Il regarde ailleurs comme s’il cherchait quelque chose).
Journaliste : Alors, moi je retourne dans la réunion.
Policier : Mais, tu ne me l’as pas encore dit, tu es natif de ?
Journaliste : De Muyinga.
Policier : Ta carte d’identité.
Le journaliste lui tend sa CNI
Policier : (sans avoir ouvert la CNI) : De quelle commune ?
Journaliste : regardez sur la carte.
Policier : Dis toute ta vérité. C’est mieux. Tu fais quoi ici ? Tu connais Dieudonné ?
Journaliste : J’ai appris qu’il y aura une réunion animée par l’administrateur de Gashikanwa, dans l’après-midi, au sujet de probables affrontements survenus, paraît-il, lundi. Je me suis senti intéressé.
Policier : Et Dieudonné, tu ne le connais pas ? Tu lui ressembles.
Journaliste : Quel Dieudonné ? J’ai un frère qui s’appelle ainsi.
Policier : Non. Ce Dieudonné qui est à l’origine des affrontements.
Journaliste : je ne le connais pas.
Le ton du policier change. Il semble plus que rigoureux.
-Quand quelqu’un dit la vérité, c’est bon. Mais…
Le journaliste l’interrompt et prend son courage à deux mains.
Ne perdez pas davantage votre temps. Vous voulez savoir ce que je fais, c’est ça ? Je suis journaliste. C’est pour cela, je vous l’ai dit, que je me suis senti concerné par la présente réunion. Je pense que maintenant ça va.
Policier : Voilà…Tu travailles pour quel média ?
Journaliste (en se retournant vers son confrère qui avait approché) : Nous travaillons pour le Journal Iwacu.
Policier : Vous êtes ensemble avec celui-là ?
Journaliste : Oui.
Le policier l’appelle. Dans l’entre-temps, un autre policier, visiblement un officier, approche. C’est le commissaire communal.
Policier : Ils sont des journalistes…
Saisie des documents
Le commissaire communal confisque nos badges, notre ordre de mission et nos cartes d’identité. Même les documents de notre véhicule sont saisis. «Je vous parlerai de la suite, par après», lance le commissaire provincial. Il donne les documents à l’administrateur communal. Tout d’un coup, la réunion est interrompue.
Plusieurs personnes, dont madame l’administrateur, Jeanne Françoise Ndayiragije, sortent de la réunion pour téléphoner. De petits groupes se forment. Des discussions animées sont engagées. «Il faut les emprisonner», lancent certains. «Aucune négociation n’est nécessaire. Ce sont nos ennemis», renchérissent d’autres. Les groupes se font et se défont après un coup de téléphone. Hébétée, la foule suit les évènements. Elle se demande ce qui se passe. Des chuchotements s’entendent ici et là.
Nous sommes gardés par des policiers. On ne peut pas faire un pas. La police a confisqué un de nos téléphones. La plaque d’immatriculation de notre voiture est photographiée par des personnes en civil. «Nous avons relayé l’information partout», nous lance un homme également en civil. Nous nous efforçons de rester calmes, sereins. Nous savons que n’avons violé aucune loi en assistant à une réunion publique. Nous suivons la scène, mais au fond de nous, nous sommes un brin inquiets.
La liberté venue d’ailleurs
Les minutes s’égrènent. Une heure. L’administrateur est toujours au téléphone. Deux heures. La population s’impatiente. Certains commencent à rentrer. Tout d’un coup, la pression se relâche. Les policiers qui nous gardent s’éloignent discrètement. Les coups de téléphone cessent. On nous invite d’entrer dans notre voiture en attendant les instructions. Deux minutes après, ils viennent nous dire que l’administrateur veut nous voir. «Nous savons que le Journal Iwacu est reconnu par la loi. Nous savons qu’il travaille bien car nous le recevons chaque fois», nous dit l’administrateur.
Le seul tort qu’on nous reproche est de n’être pas passé chez le gouverneur pour lui dire que nous venons faire une enquête sur les évènements de Mahorovya. «Ce n’est qu’une réunion de pacification. Rien d’autre», indique-t-elle. Nous lui répondons que nous étions justement venus pour suivre la réunion et solliciter une interview sur cette affaire.
Elle refuse de nous donner l’interview. «Vous ne pouvez pas suivre la réunion. Il faut d’abord aller chez le gouverneur. Mais nous devons d’abord saisir votre identification complète et vos numéros de téléphone». Avant de reprendre la réunion, elle ordonne quand même aux policiers de supprimer dans nos téléphones et appareil photo, toutes les photos prises sur le sujet. «Après des vérifications, nous avons trouvé que ce sont nos amis journalistes du Journal Iwacu et nous les connaissons», lance-t-elle à la foule avant de reprendre la réunion.
Tous nos documents en main, nous nous sommes dirigés vers le chef-lieu de la province Ngozi pour rencontrer le gouverneur, Albert Nduwimana. Nous étions heureux de partir, mais avec le sentiment que notre enquête est inachevée.
Après deux heures d’attente, nous n’avons pas pu le rencontrer car il était très occupé. Toutefois, nous nous sommes entretenus au téléphone. On s’est convenu que nous allons lui téléphoner le lendemain. Recontacté, il nous a dit qu’il était dans une réunion.
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