Les propriétaires des 23 maisons se trouvant dans le périmètre du site du palais présidentiel n’ont pas respecté la date butoir du 7 avril pour dégager les lieux. Motif : ils n’ont pas été indemnisés. Un bulldozer est entré en action ce mardi 11 avril.
Désolation sur les visages des habitants de Gasenyi I de la commune Mutimbuzi en province Bujumbura, ce mardi 11 avril. Nadine Gacuti, gouverneur, accompagnée d’une armada de policiers, exécute la mesure de faire partir les 23 ménages occupant les maisons comprises dans les 40 ha du site du palais présidentiel de Gasenyi.
Elle soutient que l’administration s’est concertée préalablement avec les concernés avant la démolition. «Il s’agit d’un projet d’intérêt commun. La population comprend son importance. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu d’échauffourées.»Mme Gacuti dit comprendre l’émotion des habitants de cette localité. Elle leur demande de faire preuve de retenue en attente d’une distribution des parcelles à Maramvya.
«Ayez confiance en moi. Je ferai feu de tout bois pour que vous ayez des parcelles. Le gouvernement ne sera pas incapable de vous en donner, surtout que vous n’êtes que 23 ménages.» Et d’inviter ceux qui n’ont pas de logis à se rendre au bureau de la commune Mutimbuzi.
Des hôtes porteurs du message blessant
Les habitants de Gasenyi concernés ne sont pas enthousiastes. Le gouverneur et sa suite tentent de convaincre un certain Emmanuel Bizimana, de rédiger lui-même un acte reconnaissant qu’il sortira lui-même ses affaires. Il refuse arguant que c’est comme s’il aurait lui-même donné l’ordre de destruction : «Est-ce que vous trouvez sensé que ce soit moi qui écrive ? C’est vous qui êtes au travail, faites-le. Personnellement, je n’en peux pas.»
Et de demander pourquoi la valeur des constructions ne semble pas les intéresser. «Je pensais que vous alliez faire une expertise dans la perspective d’indemnités.»
Après de courtes discussions, il appose finalement la signature sur un document rédigé par Jean Bosco Hakizimana, chef de colline, en présence du gouverneur. Séance tenante, les occupants sortent et l’ordre de passer à la démolition donné.
M. Bizimana fustige que les autorités procèdent à la destruction alors qu’il n’a aucun endroit où loger sa famille. Il affirme qu’il n’a pas encore perçu d’indemnités. «Je me sens désespéré. Ça fait du mal d’assister impuissamment à la destruction de sa demeure.»
Il dit qu’il n’est pas opposé la réalisation du «projet de l’Etat». Mais il est sceptique pour l’indemnisation.
«Les autorités provinciales nous disent qu’elles s’occupent de notre dossier. Il est difficile de les croire même si elles représentent le gouvernement».
Une femme qui a requis l’anonymat confie que son départ changera beaucoup le quotidien de sa famille. Sous le choc, elle prie le chef de l’Etat «de penser aux familles éplorées». Elle se demande si ses enfants poursuivront les études.
«Le gouverneur nous exhorte à aller au bureau de la commune. Que deviendront nos enfants si nous répondons à son appel ? Il serait difficile de s’y rendre vu son éloignement de leur école. Je n’ai pas de choix, mes enfants et moi allons vivre dans la rue.»
L’octroi des indemnités conditionné
Emérence Ntahonkiriye, directeur général de l’urbanisme, soutient que l’indemnisation concerne seulement des maisons construites avant le décret de 2009 sur la délimitation physique des 40ha du site du palais présidentiel de Gasenyi. Sur les ondes de la radio nationale, elle a fait savoir, dans l’édition vespérale de la même journée, que ceux dont les constructions datent d’après ledit décret n’ont pas droit aux indemnités.
Signalons qu’un bulldozer ne détruisait pas intégralement des maisons. Il cassait une partie des constructions pour permettre aux propriétaires de récupérer des matériaux de construction après le démontage.
>>Réactions
Jean-Claude Karerwa Ndenzako : «Le gouvernement a mis en place une commission pour se pencher sur cette question.»
Selon le porte-parole du Président de la République, ce qui s’est passé à Gasenyi est triste. Néanmoins, il regrette que les gens n’aient pas respecté la loi : «Il était strictement interdit d’ériger des constructions ou d’effectuer des activités dans ce périmètre choisi depuis 2009 pour des infrastructures d’intérêt public. Malgré la proscription, les gens ont fait la sourde oreille. » Et de tranquilliser que le gouvernement a mis en place une commission pour se pencher sur cette question. M. Karerwa Ndenzako dit que c’est cette dernière qui donnera une réponse le moment venu.
Léonce Ngendakumana : «La préoccupation du pouvoir n’est pas la cohésion sociale.»
Ce vice-président du parti Frodebu n’est pas étonné par la mesure du gouvernement de détruire les maisons. Il estime que la préoccupation du pouvoir n’est pas la cohésion sociale et l’amélioration du bien-être des citoyens. Pour lui, les autorités ne pensent qu’à leur maintien aux commandes. «C’est pourquoi ils prennent des mesures qui vont à l’encontre de la réconciliation des citoyens.» Et de renchérir que des parcelles seront données aux dignitaires et d’autres vendues à des prix exorbitants.
Gérard Hakizimana : «La révision de la loi sur l’expropriation s’impose.»
Pour le président de l’Association de lutte contre le népotisme et le clientélisme (FOLUCON F), ce qui s’est passé à Gasenyi est une injustice. « Des gens ont assisté à la destruction de leurs maisons alors qu’ils n’ont pas eu d’indemnités.» Il estime que l’Etat aurait trouvé au préalable où héberger les familles avant de passer à la démolition de des maisons. Et d’en appeler à la révision de loi sur l’expropriation. «Le calcul de l’indemnisation sur base de 250 mille Fbu par are n’est plus conforme à la conjoncture économique du pays.»
Eclairage d’Emery Nukuri
L’Enseignant à l’Université du Burundi, Faculté de droit, spécialiste en droit foncier, en particulier sur l’expropriation et les servitudes d’utilité publique, nous parle du cas de Gasenyi.
Quelles sont les dispositions juridiques en vigueur qui régissent l’expropriation pour cause d’utilité publique ?
Pour ce qui est du droit international, deux textes ratifiés par le Burundi parlent de la protection de la propriété privée. Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui, en son article 17 alinéa 2, dispose que nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété, c’est-à-dire que toute privation de propriété doit être conforme à la loi.
Le deuxième texte est la Charte africaine des droits de l’Homme qui en son article 14 stipule que le droit de propriété ne peut être porté atteinte que pour cause d’utilité publique conformément aux dispositions des lois appropriées.
Qu’en est-il des dispositions internes au Burundi ?
Au Burundi, l’article 36 de la Constitution en son alinéa 2 dit que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique dans les cas et la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité. On dit juste parce que quand on perd la propriété de sa maison ou parcelle, on perd quelque chose qui a une valeur financière. Et préalable veut dire que l’indemnisation précède le déguerpissement.
Nous avons également le code foncier
Effectivement, le code foncier qui applique la Constitution, a prévu l’expropriation à l’article 411. Elle prévoit l’expropriation pour cause d’utilité publique moyennant le versement d’une juste et préalable indemnité.
Appliquons ces dispositions pour le cas de Gasenyi
Trois questions se posent pour le cas de Gasenyi. La première est de savoir si la loi prévoit l’expropriation, sans doute que c’est oui. La Constitution et le Code foncier sont clairs. Dans le monde entier, tous les Etats ont la capacité d’exproprier pour l’intérêt général. L’autre question est de savoir si l’expropriation est pour cause d’utilité publique. D’emblée, c’est un palais présidentiel, la présidence est une institution publique, donc l’utilité publique est vérifiée. La dernière condition parle de juste indemnité et c’est là où le problème se pose pour ce cas.
Comment ?
Pour ce qui est de l’indemnité, la question est de savoir si l’indemnité a été bien calculée et versée préalablement à l’expropriation. Là, il faudra étudier les choses au cas par cas pour éviter la controverse. Selon les sources concordantes, certains ont été indemnisés et d’autres non.
Au-delà de cela, parlons de l’indemnisation juste et préalable
Le code foncier, dans certains articles, définit comment l’expropriation se fait. Lorsqu’un projet d’utilité publique est déposé, l’on procède à la vérification. Par la suite, l’on affiche la décision pour que les expropriés déclarent leur droit. Dans la décision définitive, l’autorité doit indiquer la forme d’indemnité. L’indemnité en nature parce qu’on peut donner une terre équivalente. Ou encore, savoir si l’on va payer en argent. L’article 425 précise que l’exproprié a droit d’exiger une indemnisation pécuniaire. Donc avant le déguerpissement, l’autorité doit fixer l’indemnité. L’article 427 indique que cela doit être fait même en cas d’urgence.
Que dit la loi sur les gens qui érigent des constructions après la décision de l’Etat, pour ce cas d’espèce, après 2009 ?
Ceux d’avant 2009, au moins c’est clair. Ils doivent avoir l’indemnisation à la fois pour les terres, mais aussi pour les constructions et autres ouvrages qu’ils ont sur la terre.
Pour ceux qui ont construit après la décision d’expropriation de 2009, si on leur a dit qu’il y aura expropriation sans les indemniser, il y a lieu de se demander pourquoi l’administration locale les a laissés construire. Il y a lieu de s’interroger sur la responsabilité de l’Etat. L’Etat doit être partout. Il aurait dû être conséquent soit en les indemnisant ou en leur interdisant de construire.
Comment se paie l’indemnisation ?
L’Ordonnance ministérielle de 2011 applique des tarifs de 2008. Du coup, le calcul de l’indemnité se fait au moyen d’un texte dépassé. Des tarifs ne correspondent pas au prix du marché. Donnons un exemple simple. Pour un champ de riz, pour 1kg, le tarif d’indemnisation est de 700 Fbu. Pour les gens de Gasenyi qui sont dans une zone périurbaine, on parle de 2500frbu par mètre carré. On va donc donner 250mille Fbu à un are alors qu’on sait qu’il coûte approximativement 1 million.
est ce que vous voulez du lait dans les jambes des criquets???
Une simple pancarte indiquant visiblement qu’il est strictement interdit de construire à cet endroit aurait suffi pour dissuader les imprudents. Et cela ne coûte que quelques dizaines de milliers de francs. Maintenant, il va falloir prévoir des milliards pour reconstruire et reloger les gens. Tout cela parce que les autorités ont fait preuve de négligence coupable.
Ces gens ont quand même reçu légalement des permis de construire de la part du Gouvernement du CNDD-FDD? Si la justice fonctionnait au Burundi ils traduiraient l’Etat en justice et gagneraient le procès mais maintenant notre Justice à la solde du parti au pouvoir. Elle est morte et enterrée. Quand le peuple se réveillera…il y en a qui vont trembler…
La republique tres tres democratique du Gondwana. ..Le president fondateur veut son palais. Que voulez vous. Ewe Burundi warababaye.