Le jeune et déjà célèbre slammeur, Gaël Faye, était pour la première fois en tournée au Burundi. (()) A tout seigneur tout honneur, son premier concert eut lieu à la Mecque de la jeunesse au Centre Jeunesse Kamenge dans les quartiers populaires du Nord de la ville. Ce fut gratuit, ce fut géant d’après les échos… Son second concert s’est déroulé au « Vuvuzela » à Kinindo sous l’impulsion de Buj’Art.
Dès son apparition sur scène, Gaël m’a paru être le personnage incarné du « Petit Prince » d’Antoine de Saint-Exupéry. Sa candeur, sa simplicité mêlées à une profondeur et une sagesse de moine tibétain ou de sage africain le rendent immatériel, lumineux, merveilleux ; on reconnaît « l’enfant de Patrice et d’Assumpta » bien sûr, mais très vite à travers la magie de la musique et de la poésie c’est d’un autre être qu’il s’agit. « C’est le fruit de la rencontre de deux fleuves qui se transforment en un bloc … d’humanité » nous dit-on du haut de la scène construite sous un magnifique kapokier. Il n’est pas 50% Blanc et 50% Black, il est 100% …tout ça ! Ne l’attendez pas en France, il vous dira « Je pars ! », ne l’arrêtez pas aux pays des Batutsi et des Buhutu, il vous rappellera que vous le nommiez « Muzungu » impudemment.
Comme Patrice, son père chéri, il pédale le monde, comme Rimbaud il rêve d’ Abyssinie, comme Brel de son Amérique à lui… Chez lui foin d’héroïne, rêve d’héroïsme tout simplement. Les paroles vous émeuvent à pleurer : « Cessez de panser vos plaies, dit-il au passage, et pensez le monde ».
Comme toutes les grandes âmes, notre « Petit Prince » est générosité et partage. Sur scène se sont succédé des artistes en herbe et des talents confirmés pour offrir leur commune passion pour la fraternité, la paix et l’amour. Ils se sont suivis pour nous dire chacun à sa belle façon son rejet de l’égoïsme, de la corruption, de l’intolérance, du terrorisme sous toutes ses formes et de la souffrance des enfants oubliés. Iconoclastes fabuleux, ils ont rappé au rythme du « Burundi Bwacu » que tous avons chanté plus que jamais avec ferveur et bonheur.
Le Petit Prince était avec des musiciens talentueux qui ont accompagné la poésie d’une musique chaloupée et douce, le plus souvent. Elle était toujours rythmée, toujours mesurée et suave. La Kora répondait à la batterie, la flûte à la guitare, le piano à la parole. Que de bonheur ! Le public multicolore était transporté. Les adultes en oubliaient leurs bières et les enfants leurs bobos quotidiens pour danser et chanter sans retenue.
L’album que nous a présenté Gaël Faye est truffé de perles musicales toutes scintillantes, mais la chanson « Pili Pili sur un Croissant au beurre » ((Ce titre est celui de la chanson culte de l’album, de l’album lui-même. C’est aussi un hommage à Patrice Faye, son père, qui avait animé pendant plusieurs années à Bujumbura une troupe théâtrale appelée « Pilipili » et qui avait composé une pièce intitulé mot pour mot : « Pilipili sur un Croissant au Beurre » !)) est tout simplement un chef-d’œuvre. Elle fera des ravages dans le box-office mondial, c’est sûr.
Le Petit Prince de Saint-Exupéry proposait qu’on lui dessine un mouton pour ensuite s’en faire un ami. Après avoir visité bien des planètes, notre « Petit Prince » à nous est revenu et nous a adoptés comme amis. Lui et nous avons créé plein d’amour. Comme qui dirait : « Il fallait être deux pour faire trois ! »