Le Burundi est classé 8ème pays le plus corrompu du monde sur les 183 pays, par le rapport de Tranparency International. Pourtant la politique de tolérance zéro est officiellement en vigueur depuis août 2010.
Selon l’indice de perception de la corruption 2011 de Transparency International, le Burundi se trouve entre la Lybie et la Guinée Equatoriale, au numéro 172 sur 183 pays.
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME), cette position est le résultat d’une impunité généralisée vis-à-vis de la corruption au Burundi. Gabriel Rufyiri affirme que son organisation a déjà enquêté sur 1000 dossiers de corruption et de détournements de fonds depuis 2003. Plus de 136 milliards Fbu ont été détournés : « Nous avons toujours adressé des correspondances aux autorités burundaises pour recouvrer ces montants, mais en vain. » M. Rufyiri affirme que les corrompus, devenus plus forts que l’Etat, sont sous couvert des mêmes autorités.
Le président de l’Olucome remarque d’ailleurs que la politique de tolérance zéro annoncée par le président de la République dans son discours d’investiture pour un second mandat, le 26 août 2010, est un échec. Pour ce militant de la société civile, la corruption continue à monter d’un cran, et la loi spéciale anti-corruption n’a pas de force nécessaire pour punir tous les corrompus : « Les autorités nommées par décret ne peuvent pas être entendues par un officier de la Brigade Anti- Corruption ! »
« Plutôt faux ! »
Jean Baptiste Gahimbare, ministre à la Présidence chargé de la Bonne Gouvernance et de la Privatisation jette plutôt des fleurs aux services en charge de la répression de la corruption. Selon lui, depuis sa mise en place en 2006, la Brigade spéciale anti-corruption a déjà recouvré entre 5 des 20 milliards Fbu contenus dans 650 dossiers déjà traités. La Cour anti-corruption, quant à elle, a déjà exécuté 700 dossiers de corruption sur les 1150 pendants devant les cours et tribunaux, précise M. Gahimbare. Et 400 dossiers sont en cours de traitement à l’Inspection générale de l’Etat (IGE). « Que la loi comporte certaines lacunes, c’est tout à fait normal », remarque-t-il. Pour lui, d’ailleurs, le Burundi est l’un des rares pays à avoir une loi spéciale de lutte contre la corruption. « Beaucoup de corrompus ont été arrêtés », se réjouit-il sans pour autant pouvoir en préciser exactement le nombre.
Deux poids deux mesures ?
« Les gros poissons (hautes autorités, ndlr) ne sont pas inquiétés par la loi anti-corruption. » Cette phrase est très souvent répétée par les activistes de la société civile burundaise. Ils peuvent avoir raison. Partons des cas concrets. L’ex-directeur général de la Société sucrière du Moso (SOSUMO), Alexis Ntaconzoba, a été arrêté et emprisonné à Mpiba pour détournement de fonds publics. C’est une bonne chose. Il avait refusé de transmettre des rapports à son supérieur hiérarchique, la ministre du Commerce d’alors, Euphrasie Bigirimana. Les rapports de la Sosumo transitaient directement, en violation des règles d’hiérarchie, à la Deuxième vice-présidence de la République sous la direction de Gabriel Ntisezerana, actuel président du Sénat. L’opinion a réclamé l’audition de cette autorité qui s’était déplacée à la Sosumo pour dire que, contrairement à ce qui se disait, la trésorerie de cette société était on ne peut plus que saine. D’aucuns ont cru voir son implication dans la mauvaise gestion de cette société. Mais il n’a pas été inquiété.
A l’Office Burundais des Recettes, un commissaire a été démis de ses fonctions pour avoir empêché le contrôle d’un commerçant soupçonné d’être véreux, mais non poursuivi en justice. Le commissaire en question aurait été muté dans un autre service de l’Etat. Pendant ce temps, au même office, certains agents sont incarcérés pour corruption, comme l’annonce souvent les autorités de l’OBR.
Un autre cas est celui du directeur général de l’Office des Transports du Burundi (OTRACO) qui est sous les verrous pour détournement de fonds.
Un autre dossier, «les cahiers de l’Ouganda », dans lequel plus de 14 milliards Fbu auraient été détournés, a beaucoup retenti. Étaient cités dans ce dossier des ministres, le président du parti au pouvoir et d’autres personnalités. Un dossier judiciaire n’a pourtant pas été ouvert par le parquet pour enquêtes.
La tolérance zéro, dans les paroles, c’est correct, observe Gabriel Rufyiri : « Mais concrètement il subsiste des questions. » A l’annonce de cette politique, le président Pierre Nkurunziza avait déclaré que personne ne serait à l’abri de cette politique et avait promis des sanctions sévères à tous ceux qui se rendraient coupables de corruption, détournements, etc.
Dans cette optique, chaque ministre a signé un contrat de performance. Un remaniement vient d’intervenir récemment. Le porte-parole du président Nkurunziza a alors annoncé que ceux qui n’ont pas satisfait ont été remplacés. Par après, certains de ces anciens ministres ont été mutés dans d’autres services, au grand dam de l’OLUCOME. « Certains d’entre eux étaient soupçonnés de corruption », déplore encore Gabriel Rufyiri.
« Pourquoi la loi anti-corruption concerne seulement une partie de la population ?» se demande un fonctionnaire de l’Etat sous couvert d’anonymat.