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Frère Emmanuel Ntakarutimana : « Soyez et restez vigilants »

05/06/2013 Commentaires fermés sur Frère Emmanuel Ntakarutimana : « Soyez et restez vigilants »

Selon le président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH), Frère Emmanuel Ntakarutimana, il y a une certaine amélioration de la situation des droits de l’homme ces derniers mois. Mais Dans cette interview accordée à Iwacu, il y a une semaine, il recommande la vigilance. <doc2875|right>{Quel bilan faites-vous de la situation des droits de l’homme six mois après votre entrée en fonction ?} Effectivement, quand la CNIDH a été mise en place, il y avait une méfiance énorme avec des relents de traque mutuelle entre des gens qui se réclamaient du parti au pouvoir le CNDD-FDD et ceux des FNL ou d’autres partis. Depuis quelques semaines, on sent qu’il y a une amélioration. Au niveau du droit économique et socioculturel, la situation n’a pas beaucoup bougé. Tout ce à quoi la population avait accès reste limité. Pour les droits de l’homme, la situation s’est un peu améliorée. {Qu’est-ce qui explique cette amélioration ?} L’accalmie, c’est quelque chose de très complexe qui tient de la synergie de plusieurs intervenants. Il y a ce message des évêques qui a porté loin : l’Eglise catholique, c’est une institution très respectée et représentant au moins 65% de la population. Il y a aussi cette conjoncture politique qui demande que des gens réfléchissent sur ce rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité, en plus des autres messages forts donnés par des diplomates accrédités à Bujumbura, surtout qu’ils ont des engagements budgétaires importants. De surcroît, nous sommes dans une phase cruciale de mise sur pied des mécanismes de justice transitionnelle, particulièrement la mise en place de la Commission vérité et réconciliation (CVR). C’est quelque chose de délicat qui demande une certaine sérénité. Il y a également cette perspective de tenue des congrès de certains partis, si bien que la polarisation des esprits se fait ailleurs . J’espère que ce n’est pas une accalmie ponctuelle. {Pourquoi n’avez-vous donc pas confiance ?} L’expérience a montré que lorsque l’accalmie semble s’installer, c’est à ce moment qu’on a des chocs. Rappelez-vous Gatumba qui a interrogé tout le monde et dont les conséquences ne sont pas encore tout à fait gérées. Après Gatumba, il y a eu de nouveau une accalmie. Quelques jours après, les esprits se sont réveillés choqués par l’assassinat de Léandre Bukuru, un citoyen de Gitega mort décapité. Après Gitega, des consciences bouleversées, un calme a été encore une fois observé jusqu’à ce qu’il y ait mort de deux missionnaires volontaires à Kiremba. De nouveau, c’était un choc national, suivi d’un semblant d’accalmie avant l’attaque de Cankuzo. Celle-ci a réveillé des passions avec des arrestations de gens presque partout à Cankuzo, Ruyigi, Muyinga, Kayanza, Karusi, etc., avec un type de jugement qui, au début, a étonné les gens. Heureusement, qu’avec les interventions qu’il y a eu, on sent que les choses commencent à prendre un autre rythme. Mais vigilance. {Que compte faire la CNIDH pour entretenir cette vigilance ? } Nous avons un bon contact avec les services de police. A ce niveau, nous suivons la discipline interne des milieux de la police et nous savons qu’il y a des policiers qui sont poursuivis et punis pour des actions criminelles ou de l’indiscipline. Cette évolution, c’est quelque chose que nous encourageons. Avec le service de la Documentation, quand nous apprenons des choses qui ne tournent pas bien, nous essayons d’entrer en communication. On sent qu’il y a une amélioration. Le rôle de la CNIDH est d’aider les institutions à mieux jouer leur rôle et à le faire dans le respect fondamental des droits de l’homme. {Et au niveau de la justice ?} Nous sommes en train de mettre un accent particulier sur le droit à la défense. Parce qu’il y a des gens qui sont accusés de crimes graves et qui risquent la perpétuité, des arrestations qui se font d’une façon contraire à la procédure ou des procès d’une rapidité étonnante, et en l’absence d’avocat alors que tout le monde a droit à l’assistance. Nous travaillons avec les procureurs et les magistrats, et ce travail est en train d’avancer parce que même pour le cas des personnes accusées de la rébellion de Cankuzo, nous avons pu faire en sorte qu’il y ait retour à des procédures normales. {Quid de la situation dans les prisons ?} Il y a une surpopulation préoccupante. Nous sommes en train de parler avec les procureurs et les magistrats, particulièrement les présidents des tribunaux de grande instance pour voir si nous ne pourrions pas instaurer un système d’itinérance judiciaire que la CNIDH pourrait appuyer : des magistrats vont à Gitega, par exemple, y restent une semaine et règlent les dossiers des gens de Cankuzo ou de Ruyigi, etc. {Quel est le pari de la CNIDH pour 2012 ?} Réussir à inverser progressivement les méthodes de travail au niveau des institutions de l’Etat. La chose la plus délicate, c’est de pouvoir expliquer que la CNIDH n’est pas une institution gouvernementale, qu’elle ne reçoit pas d’injonctions du gouvernement. Mais que c’est une institution de l’Etat, qui doit garder son statut. Que ce n’est pas non plus une organisation de la société civile, qu’elle ne doit pas travailler comme les organisations de la société civile. Si l’on veut vraiment renouer avec la situation des droits de l’homme au Burundi, il faut que le respect des normes et des valeurs de gouvernance devienne une réalité. Ce travail peut probablement ne pas s’achever en 2012. Mais nous voulons que, d’ici trois ans, on puisse sentir une différence. ___________________________ La situation s’est améliorée au CNIDH Après un démarrage difficile, les appels de certaines organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch, et même une demande du chef de l’Etat lui-même, du haut de la tribune des Nations Unies, des aides ont été débloquées : la France a donné 20 mille Euros, la Suisse 75 mille francs suisses, les Pays-Bas 150 mille Euros. Une dérogation par rapport à la coopération habituelle a été vite mise sur pied parce que normalement les frais de fonctionnement de la Commission sont de la responsabilité de l’Etat. Les autres n’intervenant que pour les activités et programmes. Avec le budget de 2012, à travers une proposition que nous avons faite en négociation avec la ministre des Finances et de la première Vice-présidence, on nous a accordé plus de 900 millions. Les autres partenaires, comme les Pays Bas, ont promis un appui pour les deux années à venir. L’Union Européenne nous a déjà sollicités pour soumettre un projet lié à nos besoins. La situation au CNIDH s’améliore de plus en plus même si, d’après Frère Ntakarutimana, les défis ne manquent pas.

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