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François Nyamoya – Faustin Ndikumana : libérés sur pression

05/05/2013 Commentaires fermés sur François Nyamoya – Faustin Ndikumana : libérés sur pression

La libération de Me François Nyamoya et celle de celle de Faustin Ndikumana, président de l’ONG locale Parcem est intervenue dans un contexte de pression intense de la part des partenaires du Burundi. Éclairage.

<doc3074|right>Vendredi 17 février vers 18h30, la nouvelle tombe dans les différentes rédactions des médias burundais. Maître François Nyamoya vient de sortir de la prison. Du coup, chacun y va de son commentaire. « La déclaration de la Délégation de l’Union européenne vient de produire ses premiers effets. C’était prévisible », avancent certains. D’autres encore croient voir dans cette libération annoncée au détenu Nyamoya en fin de soirée, un signe que la partie a été très difficile pour le camp gouvernemental. « Le gouvernement n’a pas pu convaincre l’UE. Et cette dernière a menacé de ne pas accorder son aide au Burundi à cause de ces procès bâclés et d’autres dossiers bidon. »

Les commentaires et analyses vont encore bon train lorsque, quatre jours plus tard, un autre détenu, très médiatisé, sort de prison.
Mardi 21 février à la mi-journée, le président de l’ONG Parcem est libéré. Arrêté le 7 février pour « fausses déclarations » après avoir dénoncé la corruption dans le recrutement des magistrats, Faustin Ndikumana obtient la liberté provisoire moyennant versement d’une caution d’un million de francs burundais.

« Une liberté totale déguisée »

Le Secrétaire général du parti MSD, Me François Nyamoya et le président de Parcem ne peuvent ni aller à l’aéroport ni dans les pays limitrophes du Burundi. Ils devront aussi se présenter devant le magistrat chaque vendredi. C’est le propre de la liberté provisoire dont ils viennent de bénéficier. Mais dans les faits, c’est plus qu’une liberté provisoire. C’est en tout cas l’avis de Me Nyamoya. « Vous savez, ce n’est pas la première fois que je suis en prison. L’année passée j’ai été en prison. A un certain moment, j’ai demandé au magistrat de clôturer. Pour vous dire la vérité, je ne sais même pas si c’est clôturé. C’est rare que le ministère public décide de clôturer. C’est une liberté totale déguisée. Ils n’ont pas le courage de dire : ‘On clôture’. C’est un réflexe mécanique », affirme l’avocat et opposant.

De l’avis du président de l’Aprodh, la situation de François Nyamoya et Faustin Ndikumana rappelle celle de Juvénal Rududura, président du syndicat du personnel non magistrat du ministère de la Justice. « Il n’y a pas eu de procès après huit mois de détention», fait remarquer Pierre Claver Mbonimpa. Et de voir dans les deux cas l’influence du politique sur le judiciaire. «Il n’y a aucun juge qui prendra la décision de clôturer le dossier si le pouvoir ne le décide pas. »

L’odeur de la pression

Dans une déclaration sortie le 13 février 2012, la Délégation de l’Union européenne au Burundi exhorte le Burundi à asseoir une justice indépendante. L’UE indique qu’elle « suit de près le traitement judiciaire de plusieurs cas emblématiques au Burundi.» Elle cite notamment « le massacre de Gatumba du 18/09/2011, ainsi que deux cas d’assassinat : celui de deux ressortissants européens à Kiremba, et celui d’Ernest Manirumva, le 9 avril 2009.

Même si l’UE ne touche pas un traître mot de l’arrestation de Faustin Ndikumana et de Me François Nyamoya, beaucoup d’observateurs voient dans leur libération une des conséquences de la prise de position du premier bailleur de fonds du Burundi. Et c’est aussi la conviction des intéressés : « Je crois que ce sont plutôt les pressions de la communauté internationale, notamment de l’Union européenne. Car mes avocats avaient épuisé tout l’argumentaire juridique. Et le Procureur général lui-même sait qu’il n’y a aucun fondement juridique. C’est un dossier bidon.»

Bien plus, la libération de l’avocat et opposant François Nyamoya est intervenue le soir d’une réunion de « dialogue politique » entre l’UE et le Burundi. Comme [l’a expliqué l’Ambassadeur Stéphane De Locker->www.iwacu-burundi.org/spip.php?article2018], ce cadre institué par les Accords de Cotonou entre l’UE est « l’occasion d’exposer au gouvernement burundais les difficultés que traverse l’UE, et les perspectives de coopération. Selon le diplomate européen, « c’est aussi le moment de passer en revue avec une large représentation du gouvernement burundais la situation politique, économique, la situation des droits de l’homme, et, bien entendu, le processus de Justice transitionnelle et la réforme indispensable de l’appareil judiciaire et tous les autres "grands chantiers" du pays.»

Pour plusieurs observateurs, la relaxe du président de Parcem le dernier jour de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), n’est pas un hasard. Et pour cause !

Lors de ses assises des 20 et 21 février 2012 sous la présidence du chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza, le CSM a, entre autres points, analysé les propositions de nomination à des postes de responsabilité dans la magistrature. Ces dernières, au nombre de 20, ont été approuvées par le Sénat l’après-midi du mardi 21 février.

Au cours de la session de la chambre haute, le sénateur et ancien président Sylvestre Ntibantunganya a voulu savoir en quoi ces changements tenaient compte des récentes critiques de l’UE relatives au manque d’indépendance de la magistrature. Réponse du ministre de la justice, Pascal Barandagiye : « Certains, parmi les magistrats remplacés, l’ont été parce qu’ils sont corrompus. »

<doc3108|right>{Faustin Ndikumana : « Je vais demander une inspection judiciaire trimestrielle »}

Selon Faustin Ndikumana, certains détenus ont des dossiers qui méritent une attention particulière. Il affirme aussi avoir été touché par les conditions de vie déplorables des détenus. «Imaginez des gens qui dorment à ciel ouvert, la pluie vient et s’abat sur eux. Il faut que ça change ». Autant de raisons pour lesquelles le président de Parcem se dit déterminé à « demander qu’il y ait désormais une inspection judiciaire trimestrielle » dans les prisons.

<doc3107|left>{François Nyamoya : « Je suis fier d’avoir fait libérer une trentaine de gens »}

Me François Nyamoya affirme que son récent séjour en prison lui a permis d’apprendre beaucoup de choses, notamment les dysfonctionnements du système judiciaire. «Ma femme et moi, on a eu l’occasion même de faire libérer une trentaine de gens. On a pu aider des gens qui n’étaient pas au courant de leur situation. ».
L’avocat indique qu’il va continuer les démarches pour ces gens qui, le plus souvent, ne sont pas au courant de leur situation judiciaire. « Maintenant, j’ai bouclé la boucle. Je suis d’abord professeur de droit, je suis académicien. Puis je suis avocat. De la théorie à la pratique, je suis devenu prisonnier», affirme l’avocat qui estime avoir gagné d’autres arguments qui lui permettront de parler, en connaissance de cause, de la nécessité de réformer le système judiciaire.

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