Vendredi 22 novembre 2024

Économie

Forum National sur le Développement du Burundi : La déception

Forum National sur le Développement du Burundi : La déception
Le président de la République au lancement du Forum national sur le développement du Burundi, Kigobe, le 18 novembre 2021

18 novembre 2022, une année vient de s’écouler après le Forum national sur le développement du Burundi. Un événement lancé en grande pompe. A l’hémicycle de Kigobe, autour du président Evariste Ndayishimiye, des intellectuels avaient donné leurs contributions pour sortir le Burundi de la pauvreté. Un rendez-vous qui avait suscité l’espoir. Aujourd’hui, le bilan ne fait pas l’unanimité.

« Mobiliser l’ensemble des compétences des Burundais là où elles se trouvent pour une contribution aux différentes réflexions et aux différentes actions visant à faire du Burundi, un pays émergent d’ici 2040 ». Tel était l’objectif de ce forum. Avant sa tenue, une campagne de publicité avait été réalisée via les médias, les réseaux sociaux, et surtout sur son site web : https://forum-developpement.bi. Aujourd’hui, sur ce site, le rapport de ces assises reste introuvable.

Le comité d’organisation comprenait des professeurs d’universités, hauts cadres de l’Etat, etc. Il s’agit du Dr Léonce Ndikumana, professeur à l’Université de Massachusetts, Libérât Mfumukeko, représentant des emprunteurs IDA à la Banque Mondiale, Dr François Nibizi, qui était à cette époque Chef du bureau d’Etudes stratégiques et développement à la présidence de la République, Dr Désiré Manirakiza, coordonnateur du PAEEJ, Dr Léonidas Ndayizeye, professeur à l’Université du Burundi, Dr Eric Ngendahayo, conseiller Technique permanent au PNUD, etc.

Pour une stabilisation des différents secteurs économiques

« Tout dirigeant doit savoir gérer la chose publique en bon père de famille et veiller à ce que tout citoyen participe dans la vie socio-économique et recouvre un bien-être qui lui convient », a déclaré Evariste Ndayishimiye, président de la République, lors de l’ouverture de ces assises de deux jours. Il a ainsi rappelé sa vision selon laquelle « chaque bouche doit avoir à manger et chaque poche doit avoir de l’argent ».

Pour le Chef de l’Etat, ce forum s’est tenu après une analyse d’une année : « De cette analyse, on a trouvé que le Burundi est capable d’être un des pays développés à voir ses ressources naturelles et son emplacement géographique par rapport à la région, à l’Afrique et au monde. »

Le président Ndayishimiye a affirmé que son gouvernement est fermement engagé dans le combat contre la pauvreté.

Le Burundi étant à plus de 90 % agricole, il a souligné que des efforts doivent être consentis pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et également exporter un grand volume de produits agricoles. Il a lancé un appel aux investisseurs nationaux ou étrangers : « Les opportunités d’affaires ne manquent pas au Burundi. »

Ici, le président Ndayishimiye a cité quelques secteurs stratégiques comme l’exploitation industrielle des mines, les infrastructures, l’agro-industrie, l’écotourisme, l’éducation professionnelle, les logements sociaux, les soins de santé, l’énergie et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

Pour le Chef de l’Etat, le but final de ce forum était de formuler des recommandations permettant d’aller vers une stabilisation des différents secteurs économiques de la vie nationale.

Des « intellos » ont parlé mais…

Devant le président de la République Evariste Ndayishimiye, le Parlement, les membres du gouvernement, les députés, …. des experts en différents domaines, des professeurs d’Universités, …ont évoqué tous les secteurs de la vie.

Les différents thèmes portaient sur le développement rural et autosuffisance alimentaire, la transformation structurelle de l’économie burundaise, le cadre macroéconomique pour la stabilité et la relance économique soutenue, renforcement du capital humain, développement du secteur privé, gouvernance, digitalisation pour stimuler le développement, efficacité de l’aide au développement.
A l’issue de leurs échanges, des recommandations pour le développement économique ont été formulées.

Vue partielle des participants à ce forum

A titre d’exemple, dans le domaine agro-pastoral, le professeur d’Université, Salvator Kaboneka a recommandé, entre autres, qu’il faut introduire la grande mécanisation agricole ; rendre disponible et accessible les intrants de qualité, diversifier des variétés performantes adaptées au terroir et résistantes aux maladies, muter de l’élevage de subsistance à un élevage commercial, promouvoir la recherche variétale, s’adapter aux avancées technologiques et valoriser le surplus de production.

D’autres recommandations concernent le développement des infrastructures pour servir de vecteur de croissance des activités économiques, la révision de la politique des investissements au Burundi en vue de faire de la facilitation une priorité au sein de la stratégie globale, l’amélioration de la qualité de la formation des enseignants, l’accroissement et l’amélioration de la qualité de l’offre, la prise en compte de l’adéquation formation-emploi et la réduction du niveau élevé de redoublement.

Concernant le manque de devises, il avait été recommandé d’être rapide dans le suivi de la gestion et la mise en œuvre des projets financés par les partenaires techniques et financiers, faire des décaissements rapides et des encaissements par la Banque de la République du Burundi (BRB), faire preuve de célérité dans le suivi et le traçage des recettes d’exploitation et de l’usage des devises octroyées pour le financement des importations.

En ce qui concerne les finances publiques, il avait été recommandé au Parlement de prendre le temps suffisant (3 mois) pour analyser et discuter sur les projets de budget préparés par le ministère des Finances, et aussi faire le suivi de l’exécution du budget public.

Engagement

Et lors de la clôture de ce forum, le 19 novembre 2021, dans son discours de fermeture, le chef de l’Etat, Evariste Ndayishimiye, avait déclaré que les recommandations formulées feront l’objet d’une attention particulière et avait appelé les différents ministres à s’en approprier.

« Les services techniques mettront en place des plateformes thématiques pour recueillir toutes les contributions », avait-il déclaré. Il a ainsi annoncé, dans le cadre de la mise en application de ces recommandations, l’organisation d’une mini-table ronde avec les partenaires techniques et financiers. Et ce, pour débattre sur les questions relatives à la bonne gestion de l’aide publique au développement au Burundi.
Le chef de l’Etat avait aussi annoncé l’organisation, en 2022, d’un autre forum sur le développement du Burundi comme une sorte d’évaluation de la mise en œuvre des recommandations issues de ce forum.

Pour le Chef de l’Etat, la participation dans ce forum de toutes les couches de la population, constitue une force qui renforce la cohésion sociale et la crédibilité des recommandations qui ont été soumises.
« Les pistes de solutions proposées vont inspirer le gouvernement dans son combat contre la pauvreté, la corruption et les malversations économiques. Elles inspireront le gouvernement lors des investissements dans les secteurs clé comme l’agriculture, l’énergie, les mines, les infrastructures, la santé et l’éducation, pour le développement du capital humain répondant aux besoins de la population burundaise », avait-il souligné.


REACTIONS

Faustin Ndikumana : « Les lendemains ont déchanté »

Pour Faustin Ndikumana, président du PARCEM, au moment de la tenue de ce forum, les esprits avaient été envahis de l’enthousiasme. Car, justifie-t-il, l’événement a été atypique, c’était inédit de voir un tel conclave organisé avec la participation de toutes les autorités en présence du président de la République qui suit tous les exposés pendant deux ou trois jours. « Le spectacle était vraiment stimulant. Mais, malheureusement, les lendemains ont déchanté. Parce que les résultats auxquels on s’attendait n’ont pas été atteints. »

Il rappelle que lors de l’ouverture, le président de la République avait annoncé des éléments très prometteurs : « Il disait que le forum allait accoucher d’un grand document contenant les grandes recommandations devant guider la gestion de la République, la gestion économique du pays dans l’avenir, contenant les pistes, les bases d’orientation de toutes les réformes salvatrices à engager au lendemain du forum.

M. Ndikumana ajoute que le président avait annoncé qu’il devait y avoir d’évaluation régulière dudit document. Aussi, il avait souligné, selon lui, que même des réunions similaires devaient être organisées pour évaluer si les recommandations issues du forum étaient en train d’être mises en exécution.
Malheureusement, regrette-t-il, les recommandations ne sont pas sorties, le document n’a pas été rendu public. « Il n’y a pas eu d’appropriation gouvernementale, pas d’évaluation, même les comités qui avaient préparé ce forum, certains membres ont été dispersés. Ils ont été affectés dans d’autres fonctions, les réunions annuelles n’ont jamais été tenues, même actuellement, rien n’est prévu pour l’évaluer. Donc, on conclut que c’est une réunion de plus. »

Pour M.Ndikumana, c’est regrettable à voir les moyens qui avaient été consentis, les experts burundais qui avaient mis le paquet pour exposer des éléments très pertinents qui devaient tirer le Burundi de la pauvreté endémique.

Cet économiste indique d’ailleurs que ce forum était très ambitieux. « Le président de la République disait que le Burundi soit un pays émergent d’ici 2040 », rappelle M.Ndikumana. Or, analyse-t-il, un pays émergent c’est un pays qui est à un revenu intermédiaire avec par exemple un taux de pauvreté en dessous du seuil de 50%, avec une classe moyenne visible, etc. « Le pays émergent n’a plus besoin d’aide publique au développement. C’est un pays plutôt qui a une accessibilité aisée aux marchés financiers classiques pour mobiliser des financements afin de continuer de faire des activités de développement. » D’après lui, comme les recommandations n’ont pas été rendues publiques, tout le processus a été bloqué, mort-né.

« Il y a un courant toujours réfractaire au changement »

« Si on analyse pourquoi la situation reste telle qu’elle est au niveau de la mise en application des réformes ou des recommandations des grandes réunions, c’est une culture qui date de longtemps et qui n’a pas encore changé », commente M.Ndikumana.

D’après lui, des états généraux, des réunions sont organisés de façon évènementielle sans toutefois qu’il y ait une volonté de rompre avec la culture de mauvaise gouvernance, les habitudes du passé. « Autrement dit, il y a un courant toujours réfractaire au changement et qui conçoit vraiment des écueils pour briser la bonne avancée des réformes économiques et au niveau de la bonne gouvernance. »

Pour casser ce courant, le président de la République doit s’engager. Il revient d’ailleurs sur d’autres grands rendez-vous non évalués. « On a une vision 2025 qui n’a jamais été évaluée alors qu’elle avait été inaugurée en grande pompe à Bukeye par le président de la République. » Idem pour le Plan National de Développement de 2018-2027. Selon lui, il y avait eu un plan d’actions prioritaires (PAP 2018-2022) mais aucun suivi régulier de ce document.
Même cas pour la Stratégie de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption dont les documents ne sont jamais publiés.

Il cite aussi les Etats généraux de la justice dont le rapport n’est jamais sorti, les états généraux de l’éducation, ceux de l’agriculture dont leur mise en application reste problématique. Il déplore en outre que les recommandations sur les réformes d’orientation pour la révision du cadre légal de lutte contre la corruption, soient restées lettre morte. « Bref, c’est un comportement finalement ancré dans nos autorités et qu’il faut finalement changer ».

Pour faire décoller l’économie burundaise, M. Ndikumana propose un nouvel ordre de gouvernance. « Il faut fixer les secteurs prioritaires de croissance et identifier le rôle des acteurs, éviter de tâtonner sur les secteurs porteurs de croissance, savoir analyser les dividendes du développement et avoir des statistiques de référence pour évaluer régulièrement le changement ».

Hamza Venant Burikukiye : « L’optimisme garde la place de choix »

« Une année après, le bilan reste encourageant et plein d’espoir. Certes, le bilan reste au stade de démarrage car le début est toujours à l’accélérateur. Il est évident que les recommandations issues de ce forum ne peuvent être déjà appliquées dans un laps de temps », souligne le représentant de l’Association Capes+. D’après M. Burikukiye, leur mise en application doit connaître non seulement des étapes mais aussi une planification. « Dans seulement une année, ce serait prématuré d’en faire un jugement pessimiste. Bien sûr que l’objectif de faire du Burundi un pays émergent en 2040 reste toujours atteignable. Rien ne peut nous faire perdre cet espoir car malgré certains défis et obstacles, c’est la volonté politique tout d’abord qui compte. »

Selon Hamza Venant Burikukiye, si on tient compte de l’engagement et la fermeté des leaders et surtout du chef de l’Etat et de son gouvernement actuel, l’optimisme garde la place de choix. De plus, poursuit-il, il y a l’élan que les investissements prennent en ce moment dans différents secteurs de la vie nationale et suite aux facilitations en faveur des initiatives d’entrepreneuriat surtout chez les jeunes et autres opérateurs économiques comme l’octroi des devises, les exonérations, l’octroi des terrains, le dynamisme et l’engagement patriotique de la diaspora, etc.

Pour lui, les espoirs suscités par le forum sont toujours d’actualité mais aussi ils grandissent « en témoignent les initiatives de réforme dans la gestion des fonds publics comme la politique de budget-programme et les évaluations y relatives, la prise de conscience et le renforcement du patriotisme chez les burundais, le climat politique qui rassure surtout ce réchauffement des relations diplomatiques entre le Burundi et son voisin du nord, les Etats Unis et son partenaire de taille qui est l’Union européenne. »

M. Burikukiye trouve que le Burundi décolle déjà mais, selon lui, il doit garder son cap vers le renforcement de la bonne gouvernance, la restructuration et redynamisation du secteur agro-pastoral, la bonne exploitation de ses richesses minières et du commerce tant interne qu’extérieur, l’amélioration de ses infrastructures routières, la valorisation et rentabilité de son système éducatif et sanitaire, l’ouverture au monde par une diplomatie saine et non de domination mais de respect mutuel, …

Gabriel Rufyiri : « Nous sommes toujours dans les intentions »

« Quand le forum a été initié avec des éminents chercheurs, professeurs d’université en provenance de plusieurs secteurs, tant au Burundi qu’à l’étranger, c’était vraiment quelque-chose de capital pour le Burundi », rappelle e Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome.

D’après lui, il y a eu beaucoup d’idées qui ont été données et dans les conclusions, il a été recommandé que le rapport et le calendrier de mise en oeuvre des recommandations allaient être publiés sur le site officiel dédié à ce forum. « Mais jusqu’à aujourd’hui, le site est toujours vide. Aucun document, même les exposés, sauf les débats qui ont été enregistrés simultanément, il n’y a aucun document concernant ledit forum. »

Gabriel Rufyiri fait savoir qu’au regard des plus hautes autorités qui étaient dans ce forum durant deux jours à commencer par le chef de l’Etat, les Burundais avaient eu l’espoir.
Et de se poser une question : « Quel est le contexte actuel du Burundi pour que le pays puisse se développer ? » Selon lui, ça a été dit mais impossible de retrouver un document où on peut lire cela.

« Le gouvernement devrait hiérarchiser les recommandations avec un calendrier de leur mise en oeuvre et publier toutes ces recommandations sur le site pour que toutes les parties puissent suivre. Malheureusement cela n’a pas été le cas. »
D’après le président de l’Olucome, on ne voit même pas une équipe technique d’experts de haut niveau qui sont chargés de la mise en oeuvre, du suivi et de l’évaluation de ces recommandations.

Il trouve que le Burundi devrait se doter des documents de politique. « Nulle part au monde il n’y a aucun un pays qui peut se développer sans aucun document de politique. Comment se fait-il qu’on parle de la lutte contre la corruption sans qu’un document de politique contre la corruption ? En principe on devrait avoir une stratégie nationale de bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. »

Selon lui, depuis que le président actuel a accédé au pouvoir, vous entendez des messages de lutte contre la corruption mais aucune autorité publique n’évoque un document de politique. « On évoque que le programme national de développement économique (PND). Il n’y a aucun autre document de politique qui existe. »

D’après Gabriel Rufyiri, on entend toujours des discours mais nous sommes toujours au niveau des intentions. « Tout ce que le chef de l’Etat dit sont des intentions. Ce qui est une bonne chose parce que tout commence par la volonté. Mais la volonté doit être accompagnée par des documents de politique. »

Un évènement qui a accouché d’une souris ?

D’après M. Rufyiri, il y a eu beaucoup des Etats généraux dans ce pays. « En 2003, il y a eu les Etats généraux sur l’économie burundaise qui a été financé par la Banque mondiale. Ces Etats généraux sur l’économie burundaise ont réunis des cadres de l’Etat au plus haut sommet. Il y a eu la politique d’élargissement de la dette dans le cadre de l’initiative des pays pauvres et très endettés (PPTE). »

Selon Gabriel Rufyiri, on espérait arriver en 2013 -2014 à un taux de croissance de 8%. « En 2014, on était à 4,7% de taux de croissance économique. Comme nous faisons des choses sans qu’on ait une vision claire, au lieu de continuer sur cette lancée de développement nous avons reculé avec un taux de croissance économique de 3% selon les projections. »

De plus, poursuit-il, le CSLP I et le CSLP II ont été financés à hauteur de plus 7000 mille milliards BIF.
C’est pour cette raison qu’on espérait cette croissance de 8 %. « Quand le Burundi a eu l’allègement de la dette, cette dernière a été orientée dans les secteurs sociaux économiques. Comme le Burundi n’avait plus droit de s’endetter à l’étranger, le Burundi s’est endetté au niveau intérieur. Aujourd’hui on est à plus de 3000 milliards de BIF. C’est l’explosion. D’un côté, on continue à s’endetter, de l’autre côté, il n’y a pas de perspectives de façon claire. »

D’après Gabriel Rufyiri, tout cet argent est parti dans les poches des gens. « Est-ce que vous ne voyez pas qu’il y a des gens qui sont riches bien que le Burundi soit pauvre. Il y a des gens qui sont devenus plus riches que l’Etat. Aujourd’hui tous les marchés sont devenus secrets. » Il trouve qu’il y a un problème grave au niveau du développement. « Comme le discours politique qui est souvent avancé est un discours de façade, on ne parvient pas à décoller économiquement. » Le président de l’Olucome trouve qu’il y a une poignée d’individus qui continue de s’enrichir au moment où la masse de la population burundaise continue à croupir dans une misère sans nom.

M.Rufyiri pense que le Burundi peut être un pays émergeant en 2040 à condition que ces intentions qu’on trouve dans les discours politique se concrétisent dans des documents de politique qui sont mieux analysés, mieux étudiés et qui vont nous amener aux réformes profondes .Sinon, ce seront des slogans politiques.
« Il y a des gangs qui se cachent derrière les cravates et les costumes mais qui sont en train de torpiller le pays. Je pense que ça pourrait être l’une des raisons qui ont fait que ce rapport ne soit pas publié. »

Pierre Claver Nahimana : « Le bilan est mitigé »

« On est en droit de se poser la question de savoir l’état de mise en œuvre des recommandations et conclusions issues de ce Forum », réagit Pierre Claver Nahimana, président du parti sahwanya Frodebu. Il rappelle que son objectif était de rendre opérationnel le Plan National de Développement « pour parvenir à un développement du Burundi, pensé par les Burundais, mis en œuvre par les Burundais et pour les Burundais avec l’appui des partenaires techniques et financiers. »

Selon ce politicien, dans la mesure où la pauvreté frappe encore et de façon forte de nombreux citoyens burundais et que l’on ne constate pas un décollage économique effectif pour le Burundi, ‘’le bilan de ce forum reste et restera mitigé’’.

Il souligne qu’il est d’ailleurs très difficile de connaître exactement l’état de mise en œuvre de ses recommandations. En effet, explique-t-il, le Forum n’a pas recommandé de structure spécifique de suivi de la mise en œuvre de ses recommandations.

D’après lui, c’est cette dernière qui pourrait dresser un bilan annuel effectif. « Et si cette structure existe, il y’a très peu de rapports qui auraient été rendus disponibles au public, notamment sur le site Web officiel du Forum. Ceci semble être une des faiblesses pour la mise en exécution ».
Néanmoins, il reconnaît que l’organisation d’un tel forum reste une importante initiative à renforcer. « Mais, il doit aussi être soutenu par d’autres actions pour que le Burundi puisse décoller économiquement. »

Espérant que cette initiative va continuer et être renforcée, M. Nahimana espère la mise en place d’une forte structure pour le suivi de la mise en applications des recommandations et conclusions issues de telles assises.

Gaspard Kobako : « Au lieu d’avancer, on régresse »

Pour Gaspard Kobako, un des cadres du parti Cndd, faire du Burundi un pays émergent d’ici 2040 relèverait d’un miracle. « Il y a lieu de doute. Parce que pour parler de développement, il faut développer le secteur industriel. Or, dans notre pays, l’industrialisation est au stade embryonnaire. » A titre d’exemple, argumente-t-il, il faut 300 MW pour pouvoir exploiter le Nickel de Musongati. Et outre l’extraction, il faut le transporter via un chemin de fer dont on ne sait pas quand il sera terminé, beaucoup d’énergies aussi. « Aujourd’hui, nous sommes à 50MW avec la récente centrale qui vient d’être construite, je ne sais pas donc que d’ici 18 ans on aura une énergie suffisante pour promouvoir l’industrie. »

D’après lui, au regard de la situation socio-économique qui prévaut dans notre pays, le bilan de ce forum est négatif une année après. « Rien n’indique qu’il y a des signes évidents que le pays est en train de se développer. Tous les indicateurs sont au rouge. Beaucoup de Burundais peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts du mois. »

M.Kobako constate que le Burundi s’enfonce de plus en plus dans une pauvreté extrême. « Ce qui ne rime pas avec le développement. » Il rappelle que le Burundi reste le tout premier pays pauvre au monde. « Le taux de chômage qui dépasse 65% au niveau de la jeunesse, il y a un sous-emploi, la disparition de la classe moyenne, la corruption malgré les annonces faites par le président de la République reste omniprésente. »

Malgré les efforts de dénoncer ces cas de corruption, de détournement, M.Kobako regrette qu’il n’y a pas d’actions concrètes pour décourager les auteurs.« Ce sont les petits voleurs des bananes qui se retrouvent facilement sous les verrous alors que les gros poissons, corrompus se la coulent douce. »

Pour lui, les quelques mesures prises pour licencier tel ou tel autre fonctionnaire ne suffisent pas. « Les cas de malversations économiques, de corruptions ne sont pas suivies d’arrestations des auteurs. C’est ainsi que l’impunité persiste. »
Alors que le forum visait aussi la hausse la production agricole, M.Kobako décrit une situation catastrophique sur le marché. « Pour certains produits de première nécessité, les prix sont devenus non seulement volatiles mais ils augmentent sans cesse. Il y a eu presqu’un doublement des prix et l’inflation est galopante. »

Kefa Nibizi : « Il faut publier son rapport »

Pour Kefa Nibizi, président du parti CODEBU, il reste toujours difficile de faire un commentaire et une évaluation de la mise en œuvre des recommandations du forum économique.« Parce que son rapport n’a pas été rendu public. Ce qui permettrait de faire un suivi régulier des recommandations.. »
Ce politicien trouve que le Burundi a besoin d’une réelle bonne volonté politique et à tous les niveaux pour se développer. « Il faut aussi que les processus des activités économiques d’investissement au Burundi ou d’autres opérateurs économiques soient transparents et libres, ne subissent aucune influence de la part des personnalités ou autres organisations. »

Selon lui, le pays doit rester crédible en matière de bonne gouvernance et des droits humains. « Ce qui va attirer des partenaires techniques et financiers mais aussi les investisseurs étrangers. »
Le Burundi doit aussi s’engager dans un processus d’industrialisation de notre pays, suggère-t-il. Car, jusqu’à maintenant, nous ne voyons aucune orientation, pas d’activités claires d’industrialisation. « Or, faute d’espace arable, le secteur agro-pastoral qui préoccupe nos autorités ne peut pas faire décoller notre pays. »
Pour lui, il faut mettre un accès très particulier à la transformation pour avoir des produits commercialisables susceptibles de rapporter des devises au pays.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez:« « Mobiliser l’ensemble des compétences des Burundais là où elles se trouvent pour une contribution aux différentes réflexions et aux différentes actions visant à faire du Burundi, un pays émergent d’ici 2040 »… »
    2. Mon commentaire
    Je me souviens des mots de la Sainte Bible que le regretté Rukeribuga Paul, notre prof de mathématiques au Collège Don Bosco à Ngozi, nous a répété: Je suis la voix qui crie dans le désert…L’on est jamais prophète chez soi!!!
    « Jean 1:23 Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Esaïe, le prophète… »
    https://saintebible.com/john/1-23.htm
    Marc 6:4 Mais Jésus leur dit: Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents, et dans sa maison… »
    https://saintebible.com/mark/6-4.htm

  2. Jereve

    « Forum national sur le développement du Burundi »: je trouve déjà que le sujet est trop vaste, trop vague. On peut tout y mettre: des trains, des avions, des routes, des écoles, des vaches, chèvres et poules, des poissons, des avocats, des idées… agitez tout cela pendant deux jours ou plus, le résultat ne sera que médiocre. Qui trop embrasse, mal étreint, dit-on. Pour ne pas trop se perdre dans les blablas, je pense qu’il faut bien délimiter le sujet du jour, bien poser le diagnostic et proposer des remèdes. Par exemple, on peut proposer un Forum national de lutte contre la corruption, un forum national de développement de l’agriculture, un forum national sur la gestion du Lac Tanganyika, un forum national sur la propreté et l’hygiène dans les villes et villages… Bref consacrer assez de temps et d’analyse sérieuse à chaque thème qui intéresse la vie nationale. D’ici jusqu’en 2040, nous avons assez de temps de le faire et de l’appliquer.

  3. Stan Siyomana

    1. Nous sommes à chemin entre quand le parti CNDD-FDD est arrivé au pouvoir (il y a plus de 17 ans) et l’année 2040 (18 ans devant nous).
    Même un des cadres de ce parti, Gaspard Kobako, reconnait:«  Aujourd’hui, nous sommes à 50MW avec la récente centrale qui vient d’être construite, je ne sais pas donc que d’ici 18 ans on aura une énergie suffisante pour promouvoir l’industrie. »
    2. Il y a plus de 100 ans, peu après la révolution bolchévique en Russie, les nouveaux dirigeants ont adopté le plan GOELRO (d’électrification du pays).
    « Le plan GOELRO (en russe: план ГОЭЛРО) est le premier plan de redressement économique des Soviets. Il préfigure la politique des plans quinquennaux édictée par le Gosplan. GOELRO est une abréviation russe signifiant « Commission d’État pour l’électrification de la Russie » (Государственная комиссия по электрификации России).
    Cette commission était lancée et dirigée par Lénine en personne. La foi de Lénine dans l’importance cruciale de l’électrification pour l’instauration du communisme se reflète dans sa célèbre déclaration :

    « Le communisme, c’est le gouvernement des Soviets plus l’électrification de tout le pays. »

    — Lénine, « Notre situation extérieure et intérieure et les tâches du parti1 »

    La Commission a été mise en place par le Presidium du Conseil suprême de l’économie nationale le 21 février 19202 en application de la résolution du 3 février 1920 du Comité central exécutif pan-russe relative au développement du plan d’électrification3… À la fin de 1920, la Commission dressa le « Plan d’électrification de la République socialiste fédérative soviétique de Russie » (russe : «План электрификации Р.С.Ф.С.Р»), qui fut approuvé ensuite par le 8e Congrès des Soviets le 22 décembre 19204 et le Conseil des commissaires du peuple5 (Sovnarkom) le 21 décembre 1921… »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_GOELRO

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