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Politique

Fortuné Gaëtan Zongo : « Le gouvernement maintient des relations tendues avec les mécanismes internationaux des droits de l’Homme »

18/09/2023 Commentaires fermés sur Fortuné Gaëtan Zongo : « Le gouvernement maintient des relations tendues avec les mécanismes internationaux des droits de l’Homme »
Fortuné Gaëtan Zongo : « Le gouvernement maintient des relations tendues avec les mécanismes internationaux des droits de l’Homme »

Forcément diplomate et tenu par un devoir de réserve, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Burundi ménage le gouvernement burundais. Mais, pour l’essentiel, on comprend que le courant ne passe pas vraiment. A ce jour, il n’a pas été autorisé à entrer au pays. La chaise vide du Burundi à Genève a laissé aussi des traces. M. Zongo présentera son rapport le 22 septembre 2023 au Conseil des droits de l’homme. Une interview à lire entre les lignes.

Actuellement, selon vous, quelle est la situation des droits de l’homme au Burundi ?

La question des droits de l’homme n’est pas statique et fixée une bonne fois pour toutes. Elle est plutôt dynamique avec le temps. Tel un horizon, c’est une quête continue. Et le Burundi n’échappe pas à cette dynamique.

Des progrès sont constatés dans certains domaines. Mais des préoccupations restent. Il faut rappeler qu’après une période de stabilité consécutive à la mise en œuvre de l‘Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, la question du troisième mandat a entraîné une profonde crise qui a entraîné des violations massives des droits de l’homme. Huit ans après, soit en 2023, l’Etat burundais peine à panser les plaies.

Les conséquences en matière de droits de l’Homme se font toujours sentir. Mais l’espoir est permis. La dynamique du renforcement et de l’amélioration est en cours. Il faudrait atteindre la situation ante 2015 avant que l’on ne puisse escompter des progrès substantiels.

Quels sont les crimes que vous avez déjà documentés ?

La Résolution A/HRC/RES/48/16 du 08 octobre 2021 qui met en place le mandat donne son contenu au paragraphe 20. On peut y lire pour le rapporteur spécial quatre (04) fonctions à savoir surveiller la situation des droits de l’Homme et de faire des recommandations, recueillir, d’examiner et d’évaluer les informations, conseiller le Gouvernement burundais pour qu’il s’acquitte des obligations en matière de droits de l’homme mises à sa charge par les traités internationaux et d’offrir des conseils et enfin assister la société civile et la Commission nationale indépendante des droits de l’homme.

Il n’y a donc pas de manière spécifique dans la résolution citée plus haut un mandat pour documenter des crimes. Cependant, dans l’exercice du mandat, il ne peut être fait fi des faits qui sont rapportés. Mais cela n’est pas notre attribution première.

Le gouvernement burundais a décidé, le 3 juillet 2023, de ne pas participer à l’examen de son rapport par le Comité des droits de l’Homme à Genève en raison de la présence dans la salle de personnes condamnées par la justice burundaise. Comment interprétez-vous cela ?

Il s’agit d’une décision souveraine qu’il faut d’abord respecter. Le système est basé sur l’accord et la volonté des Etats. Cela dit, il faut reconnaître que le comité des droits de l’homme discute avec des Etats. Les règles qui gouvernent les organes des traités aussi sont intangibles.

En agissant comme elle l’a fait le 3 juillet 2023, la délégation burundaise s’est singularisée par elle-même. Déjà que les relations avec les mécanismes semblent assez problématiques, cet épisode donne de l’eau au moulin des détracteurs de l’Etat burundais et sape les efforts d’ouverture entamés.

D’après vous, quelle image le gouvernement burundais renvoie-t-il à la communauté internationale ?

Comme dit plutôt, il y a eu des efforts d’ouverture du pays sur le plan international. Cela est indéniable. Il faut reconnaitre cependant que sur la question des droits de l’homme, l’image est contrastée. Les rapports avec les organes des traités ou encore ceux avec les organes onusiens restent assez sommaires et sélectifs.

Comment interprétez-vous cette appellation « criminels recherchés » à l’endroit des activistes de la société civile ?

Il est difficile de commenter cette appellation tant elle est porteuse d’interprétation. Pour ce qui concerne l’état de droit et le fonctionnement normal des institutions, il apparaît que lorsqu’une personne fait l’objet de poursuites, des mécanismes particulièrement efficaces existent et sont de nature à appréhender de présumés auteurs d’infractions. Alors, il semble que cette expression soit un fourre-tout, mais qui n’a aucun contenu précis.

Quelle solution proposez-vous pour régler cette question entre les activistes des droits de l’homme en exil et le gouvernement burundais ?

Il n’y a pas de solution miracle. Mais, il me semble que le plus important c’est que déjà les différentes parties se parlent. En rappel, c’est la crise de 2015 qui est à la base de cette situation. Et l’exil n’a été que la conséquence. Aussi, il est important de régler les questions relatives à cette crise, et dans le paquetage de solutions il y sera inclus les exilés. La solution devra être globale.

Depuis votre nomination comme rapporteur spécial, avez-vous des contacts avec le gouvernement du Burundi ?

Le paragraphe 10 de la résolution A/HRC/51/L.2 du Conseil des droits de l’Homme « engage instamment le Gouvernement burundais à coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial, notamment à lui permettre d’accéder sans entrave au pays, à lui fournir toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son mandat et à favoriser les échanges et les synergies fondés sur la coopération avec la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, conformément aux engagements publics pris par l’administration actuelle de promouvoir les droits de l’Homme et de renouer le dialogue avec la communauté internationale ».

Conformément à cette disposition, le rapporteur spécial a adressé des correspondances à la Mission permanente du Burundi à Genève. II a aussi demandé aux autorités burundaises, y compris durant ses présentations devant le Conseil des droits de l’homme et l’assemblée générale des Nations unies, de lui accorder un accès au pays et de partager avec lui des informations sur la situation des droits de l’Homme.

Le rapporteur spécial a constaté que les demandes sont restées sans réponse en dépit du fait que le Burundi fait partie des 129 Etats qui ont adressé une invitation permanente depuis le 6 juin 2013.

Par ailleurs, le rapporteur spécial a relevé que le gouvernement du Burundi maintient des relations tendues avec les mécanismes internationaux des droits de l’Homme. Aucune visite récente n’a été effectuée au Burundi par les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, et aucune visite n’est prévue malgré les demandes de plusieurs d’entre eux.

Quel est votre message aux Burundais ?

Le message aux Burundais est celui de l’espoir. Il faut se rappeler que la question des droits de l’homme est un perpétuel questionnement. Et quel que soit le pays, les droits de l’homme restent un horizon que l’on tente d’atteindre. Ainsi, l’amélioration et le renforcement des droits incombent à l’ensemble de la société.

Et pour la communauté internationale ?

A l’endroit de la communauté internationale, le message est celui de l’appui au peuple burundais. Cet appui peut se faire à divers niveaux et sous diverses modalités. Les domaines de priorités sont notamment la santé, la santé de la femme et de l’enfant, l’éducation. En outre l’appui à la consolidation d’institutions fortes est une priorité vers laquelle la communauté internationale pourrait se faire.

Propos recueillis par Fabrice Manirakiza

Fortuné Gaëtan Zongo (Burkina Faso), Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, a occupé plusieurs postes dans le système judiciaire, dont ceux de juge, président de tribunal, magistrat, président d’une Chambre à la Cour d’appel et président de la Cour d’appel. Il est spécialisé en droit international des droits de l’homme. M. Zongo a fait partie du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en tant qu’expert de 2011 à 2014.

Il a enseigné le droit international des droits de l’homme à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) du Burkina Faso de 2008 à 2014. Depuis 2017, il enseigne le droit international public à l’Université Saint Thomas d’Aquin de Ouagadougou.
Il a été magistrat à la Cour d’appel de Ouagadougou d’octobre 2011 à octobre 2022. Il a principalement exercé dans les chambres correctionnelles et criminelles. Par ailleurs, il a été membre du tribunal militaire de Ouagadougou et membre du pôle antiterroriste de la Cour d’appel de Ouagadougou (2016-2021).

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