Vendredi 22 novembre 2024

Société

La forge traditionnelle à Cankuzo : un métier fatiguant, qui rapporte peu mais vénéré

21/08/2013 9

Un métier séculaire que beaucoup pensent en voie de disparition mais pour les forgerons de la commune Cankuzo, c’est un héritage encore vivant. Selon eux, c’est un métier rude, exigeant et très peu lucratif, mais inimaginable de l’abandonner.

«C’est un héritage de nos ancêtres, nous devons le préserver » ©Iwacu

Pour Dieudonné Habimana, 25 ans, la forge est une affaire de famille. Et depuis des générations. Lui, il y est depuis ses 5 ans : «J’attendais que mon père et mon grand-père terminent leur travail pour ensuite me faufiler à l’intérieur de l’atelier.»
La journée de ce père de 3 enfants commence à 5 heures du matin et se termine à 19 heures. Domicilié de la colline Nyarurambi en commune Cankuzo, il doit se rendre tous les jours à son lieu de travail qui se trouve au chef-lieu de la province Cankuzo. C’est à quelques 7 kilomètres.

A leur «atelier», ils sont une dizaine de forgerons. A part un qui a une petite hutte, les autres travaillent en pleine air, sous un soleil de plomb. Entre le marteau et l’enclume, le fer est façonné à longueur de journée. Sous les coups répétés et habiles de Dieudonné Habimana, le bout de métal rougi par la braise prend forme. La hache se dessine. Selon lui, tout est dans le savoir-faire technique et la dextérité du forgeron.

Assis devant un soufflet, Sébastien Nitezeyesu, 18 ans, fait alterner les mouvements des deux bras afin de faire grésiller la braise. Il se relaie avec son ami Emmanuel Kabura dès que son rythme faibli. D’après lui, ils forgent des haches, des braseros, des couteaux, des béquilles pour vélos et autres instruments indispensables dans la vie quotidienne des Burundais. D’après ce jeune forgeron, pour fabriquer ces outils, ils utilisent des amortisseurs de voiture. Sébastien Nitezeyesu souligne que pour réaliser une hache, ça peut lui prendre entre 3 et 4 heures. «C’est un travail très fatiguant. Il faut avoir beaucoup de force pour faire ce métier.»

Un métier dur mais peu rentable

«Nous gagnons seulement de quoi acheter du sel et de l’huile», fait savoir Dieudonné Habimana. D’après lui, il peut gagner pendant toute une semaine une somme de 3000 Fbu. Toutefois, il avoue qu’il lui arrive d’avoir 20.000 Fbu d’un coup. «Mais c’est rare.»  Il indique qu’une hache coûte 5000 Fbu mais qu’un mois s’écoule sans avoir une seule commande. «Nos stocks sont pleins mais les acheteurs manquent.» Les habitants de Cankuzo préfèrent les produits importés, poursuit-il, alors qu’ils sont plus chers et moins résistants. Ces forgerons déplorent aussi le manque de fer car, d’après eux, les déchets qui contiennent ce métal sont aujourd’hui exportés en Ouganda.

Malgré tous ces problèmes, ils ne comptent pas abandonner ce métier. «C’est un héritage de nos ancêtres, nous devons le préserver.» Leur parler de changer de métier et de se mettre par exemple à l’agriculture, c’est commettre un sacrilège. «Seules les femmes restent à la maison pour cultiver», répondent-ils. Par contre, ils demandent aux autorités provinciales de les aider à se regrouper en associations. Ils font remarquer qu’il y aura un avantage car ils pourront mettre leur argent en commun afin de développer leur secteur.

Le gouverneur de la province Cankuzo, Berckmans Niragira, ne l’entend pas de cette oreille. Il leur conseille plutôt de changer de métier : «La forge ne peut pas faire vivre quelqu’un.» Mais c’est sans compter sur la détermination de Sébastien Nitezeyesu. «Même mes enfants seront forgerons», affirme-t-il, décidé.

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Anonyme

    mrci pour l’information mais il faut innover pour éclaircir et donner l’idée zux jeunes générations.

  2. Alas

    Basha, burya industrie n’ukuvuga forge. L’Europe et l’Amérique, + la Russie et la Chine, + Afrique du Sud – l’autre Afrique, sont des forgerons (métaux, plastic, composites, moulage, haut fourneaux, charbon, etc;) et rien que des forgerons. Kera twaracura ibikoresho vyinshi, tutibagiye imihoro, amasuka, amacumu n’imipanga. Abadagi batuzaniye ishipiri gusa, tuca tubita abagabo kuko bimbisha ishipiri ico gihe. Ariko Abadagi, na muzinga yatunyaye en 1902-1903 bari barayicuze. Uwo Bulamatari aho gusuzugura ubucuzi yo buteza imbere, mu ntara yiwe hakaza ihinguriro ry’akarorero kuko abatwagwa biwe bariyumvamwo umwuga wo gucura.

  3. Stan Siyomana

    De la politique d' »industrialization par substitution aux importations »/import substitution:
    Le panafricain African Business magazine notait (presque dans le style du grand philosophe chinois Confucius (551-479 avant J.-C):
    « La realite/hard fact est que si quelqu’un peut fabriquer un objet qu’il peut vous vendre a un prix plus bas et cet objet est de meilleure qualite que celui que vous pourriez vous fabriquer vous-meme, il serait insense de faire une copie (de cet objet) de qualite inferieure dans votre arriere-cour /backyard… »
    Voir: « Can Africa be the workshop of the world », http://www.africanbusinessmagazine.com, 14 June 2013).
    Merci.

  4. Mugunza

    Et les députés élus dans ce coin ne réagissent pas? Et les administratifs locaux non plus? Et les ressortissants? Aucune idée pour améliorer le sort de la population de Cankuzo? Mumenye ko le gouvernement central n’a pas de moyens à court terme même s’il avait de bonnes idées de venir en aide à la population!! Merci à Iwacu de soulever de temps en temps le pan de la couverture qui couvre la dure réalité de vie des gens d’ici chez nous!

  5. Sogokuru

    Ngo ntamwuga udakiza, kandi ngo umwuga mubi ni uwo kuroga(kwica). Ces forgerons meritent d’être soutenus pour valoriser leur metiers. Si ils sont capables de forger une hache, ils amelioreraient leurs techniques pour fabriquer bcp d’outils que nous importons à des prix exorbitants s’ils avaient les moyens financiers. A côté des moyens financiers, les burundais devraient acheter ces outils fabriqués chez nous. soyons fier de nos compatriotes qui travaillent et créent.
    Jewe ndakurira inkofero abo banyamyuga!!

  6. BIBI1er

    Il faudrait qu’ils produisent des haches et autres objets à l’obsolescence programmée, comme font si bien les chinois!

  7. Stan Siyomana

    Sebastien Nitezeyesu: « Meme mes enfants seront forgerons »:
    1. Pour gagner entre 3.000 et 20.000 Frbu (entre 2 et 13 dollars) par semaine?
    2. Donnez de l’education a vos enfants et après l’on verra. Peut-etre qu’ils pourront faire leur propre choix (avise?).
    Merci.

  8. Kabizi

    Abandi bakoresha Umuyagankuba namwe mukirirwa mutunye imigongo aho kuri ico gishirira!Muzorwara igituntu!

    • Mugunza

      Mbe Kabizi womenya abo binazi baja gusoma ivyo vyiyumviro vyawe kuri internet?????? Tu es tout de même marrant!

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 2 179 users online