Des enseignants non qualifiés et insuffisants ; du manque d’équipements ; de la fermeture de la filière Agriculture ; du manque de kits de démarrage pour les lauréats ; … Autant de défis auxquels font face les Centres d’Enseignement des métiers (CEM), 7 ans après leur création. Reportage dans les communes de Kabezi et Muhuta.
Le gouvernement du Burundi a construit en 2017 des Centres d’Enseignement des métiers (CEM) à travers toutes les communes du pays dans le but de garantir l’auto-employabilité des jeunes.
Cependant, 7 ans après leur création, peut-on constater, leur fonctionnement se heurte à de nombreuses embûches. Pour la plupart de ces centres, la filière Agriculture a été fermée à la suite du manque de lauréats.
D’autres filières comme l’élevage se vident progressivement de candidats. Le fonctionnement de ces centres est dans l’impasse. Un véritable casse-tête pour les responsables de ces centres qui se disent dépassés par les défis.
Le centre de Kabezi, en province de Bujumbura et celui de Muhuta, en province de Rumonge visités ont des difficultés liées au manque d’équipements et de personnel enseignant qualifié et suffisant.
« Depuis sa création, le CEM de Kabezi n’a qu’un seul enseignant permanent, un vétérinaire de niveau A2. Je fais recours aux enseignants vacataires et aux bénévoles », fait savoir Léonard Minani, directeur dudit centre. Il se dit être dépassé par les événements. « Je suis au four et au moulin. Tantôt, je suis au bureau pour les activités administratives, tantôt en classe pour l’enseignement des cours ou des activités d’encadrement », se lamente-t-il.
Création d’autres filières
A la création de ce centre, informe M. Minani, il y avait de l’engouement pour la filière Agri-élevage. Mais, deux ans après, déplore-t-il, l’agriculture a été abandonnée.
Selon le directeur, les vielles mentalités et la paresse chez les jeunes sont à l’origine de cet abandon. Il précise néanmoins que ceux qui ont terminé la filière agri-élevage sont des encadreurs sur leurs collines ou travaillent dans les pharmacies phytosanitaires.
Pour pallier ce défi et afin que le centre ne ferme pas ses portes, le directeur Léonard Minani a dû introduire d’autres filières comme la couture et la maçonnerie précisant que le centre compte actuellement 5 élèves en maçonnerie et 32 élèves (essentiellement des filles) dans la couture.
Il s’agit de la même situation au CEM de Gitaza en commune Rumonge. Emile Nzambimana, directeur, fait savoir qu’il n’a plus d’élèves dans la filière Agriculture. « Les lauréats boudent l’agriculture. Tantôt on n’en reçoit un candidat ou on n’en manque carrément ». Il a lui aussi créé les filières de couture et de bureautique pour attirer les candidats.
Des demandes non exhaussées
Le manque de formateurs en quantité et en qualité se pose avec acuité dans ces CEM. Le directeur Léonard Minani fait savoir que, chaque année, il exprime les besoins en personnel enseignant mais qu’il se heurte à un non-recevoir de la part du ministère de tutelle. « Nos CEM sont délaissés », se lamente-t-il.
Par ailleurs, fait-il remarquer, il ne parvient pas à trouver des profils de niveau A2 pour la filière Couture sur le terrain. Ainsi, il se contente des gens des niveaux A3 ou A4 quand il recrute les vacataires et les bénévoles.
Les responsables scolaires rencontrés évoquent également le manque d’équipements, ce qui entrave les travaux pratiques. « Les infrastructures sont disponibles mais, il n’y a pas d’équipements. En grande partie, la formation reste théorique », déplorent-ils.
Ils font remarquer que le manque de travaux pratiques est à l’origine du manque d’engouement pour les apprenants envers certaines filières. Par conséquent, regrettent-ils, certains apprenants finissent par abandonner.
Ils réclament un appui financier et technique pour qu’ils puissent dispenser un enseignement axé sur la pratique pour les apprenants.
Même réclamation du côté des enseignants. En plus du matériel didactique, ces derniers réclament des recyclages pour actualiser la formation.
« Non seulement, il nous faut du matériel adapté et leurs consommables mais aussi et surtout, il faut que nous soyons recyclés pour que nous puissions être à jour au niveau des matières à dispenser », réclame Léonard Nduwimana, enseignant au CEM de Gitaza.
Il faut un accompagnement
Les élèves rencontrés dénoncent un enseignement axé sur la théorie épinglant le manque d’équipements pour les travaux pratiques. « Il est vrai que les infrastructures sont disponibles mais, tant qu’elles ne seront pas équipées, la formation restera théorique », estiment-ils.
Par ailleurs, les lauréats qui terminent la formation dans ces centres demandent d’être accompagnés pour un bon démarrage de leurs métiers. Au cas contraire, alertent-ils, il y a risque de retomber dans le chômage.
« C’est après 7 mois que j’ai pu avoir une machine à coudre qui m’a été offerte par mes parents. Je me réjouis parce que ce métier me fait vivre. J’ai des clients. Toutefois, il faut que les lauréats soient accompagnés par des outils leur permettant de démarrer leurs métiers », témoigne Clovis Ndayizeye, lauréat en couture au CEM de Kabezi.
Cédric Nduwimana, élève en couture, réclame aussi les outils de démarrage et les travaux pratiques. « Cela nous éviterait la délinquance », insiste-t-il.
Iwacu a essayé de contacter le ministère de l’Education nationale mais sans succès. Cependant, un cadre dudit ministère, qui a requis l’anonymat, fait savoir qu’il y a un problème de gestion de ce programme d’enseignement des métiers au Burundi. Il trouve qu’il faut des mesures d’accompagnement et du personnel enseignant qualifié et en quantité suffisante.
Il rappelle que dès leur création, les CEM ont été gérés par le ministère de la Fonction publique. Par après, ils ont migré vers le ministère de l’Education nationale. Ce qui n’a pas manqué de générer des défis quant au fonctionnement desdits centres.