Mardi 05 novembre 2024

Société

Fonction publique : Quand on n’est pas servi parce qu’un bureau est fermé

07/02/2024 3
Fonction publique : Quand on n’est pas servi parce qu’un bureau est fermé
Les demandeurs de service ne sont pas toujours gentils

Il n’est pas rare d’assister à des scènes désolantes quand des demandeurs de services dans le secteur public rentrent bredouilles victimes d’une mauvaise organisation administrative. Mais, qui doit payer les pots cassés dans pareilles situations ?

Nous sommes le mardi 6 février 2024 entre 11h et 12h. Des gens attendent pour être servis dans le corridor et d’autres se trouvent à l’intérieur du Bureau N°26 au ministre de la Fonction publique et du Travail. Le Bureau s’occupe des dossiers relatifs à la gestion des carrières des fonctionnaires de l’Etat.

Dès que vous entrez, vous êtes accueillis par trois visages, celui d’un monsieur et ceux de deux dames que nous appelons respectivement X,Y et Z. Ce jour, X est occupé à accueillir les gens qui viennent suivre leurs dossiers relatifs à leur carrière. Son dos fait face au mur mitoyen avec le Bureau N°25. Devant Y, assise dans le coin droit, se trouve une pile de dossiers qu’elle scrute et rescrute.

Certainement qu’elle les vérifie avant de les transmettre à la hiérarchie pour traitement et signature. Z quant à elle réceptionne le courrier. Elle a également devant elle une autre pile de documents qu’elle feuillette de temps en temps. Quand elle voit devant elle quatre personnes qui attendent et comme ils travaillent à l’étroit, elle craint « l’étouffement ». Elle demande alors à tout le monde de sortir, sauf la personne en train d’être servie, et d’entrer un à un. Respectueux, les gens obtempèrent.

Mais, entre-temps, de nouveaux venus arrivent ; ils entrent sans attendre et ils sont servis. Parmi eux, un monsieur, visiblement un employé de surface, que certains appellent aussi « planton », fait des navettes entre ce bureau, le corridor et d’autres bureaux. Il vient chaque fois avec des dossiers accompagnés de messages sur des post it. Lui, il est vite servi. Tout laisse supposer qu’il s’agit des dossiers recommandés. Dans le corridor, il appelle une sœur (une religieuse) : « Ma sœur viens. Suis-moi ».

Après quelques instants, il revient avec un autre dossier. Pendant ce temps, excédés, certains parmi ceux qui attendent sagement dans le corridor pénètrent dans le bureau. Ils deviennent trois, quatre à se retrouver à l’intérieur. Et Z de leur demander de retourner à l’extérieur pour la laisser travailler sur « leurs dossiers ».

Un monsieur âgé, sans vivacité, visiblement un retraité, insiste et dit presque en murmurant : « Madame, au lieu de nous chasser, il faut plutôt nous écouter et nous servir rapidement puisque nous venons de passer beaucoup de temps ici alors que nous sommes dans le besoin ». Elle répond alors fièrement et cyniquement « C’est moi qui suis en possession de vos dossiers. Si vous ne me laissez pas travailler tranquillement, vous n’allez avoir aucune réponse ».

Quelqu’un parmi ceux qui étaient déjà à l’intérieur du Bureau s’évertue : « Non, madame. Tous ceux qui se trouvent ici ne présentent pas les mêmes cas de figure et ne doivent pas nécessairement vous attendre ». L’aventurier reçoit une réponse ironique et sèche en kirundi: « Ni ko wibaza. Ntavyo uzi » (C’est ce que tu penses. Tu n’en sais rien).

X est alors obligé de s’interposer. Il demande au « vieux » ce en quoi il peut lui être utile et le vieux expose son cas. La réponse est pour le moins inacceptable. « Ton dossier se trouve enfermé dans un bureau fermé. Le responsable ne s’est pas présenté au service aujourd’hui. Et tu n’es pas le seul. Tu reviens un autre jour. » Le vieux se résigne et rentre sans même savoir quand il faudra revenir exactement. Et si le bureau était toujours fermé ? Qui va payer ce temps perdu, cette énergie perdue ?

Médusé, un autre demandeur de service qui a suivi la conversation que nous appelons T s’exclame en kirundi « None igihugu gica gipfa » pour dire qu’ un service très sollicité ne doit pas arrêter de fonctionner parce qu’une seule personne est absente. Un petit débat s’engage. Et X de répliquer vivement. : « Qui t’as dit que le pays était mort ? La personne absente peut être tombée malade. Toi aussi tu peux l’être. Faut-il casser la porte ? Tu sais, il existe même des bureaux interdits d’accès aux autres personnes si ce ne sont que leurs occupants » « Si si. Celui du directeur par exemple », complète malheureusement un autre parmi ceux qui attendent d’être servis. T ne cède pas. « N’oubliez pas que vous êtes un service public. Il ne s’agit pas d’un bureau d’un particulier ou personnel. Tout cela s’appelle de la mauvaise gestion du personnel. Un bureau public doit rester ouvert pendant les heures de service » T ne savait pas que l’employé de surface était là pour lui dire : « L’autre a compris. Il est parti. Qu’est-ce que tu cherches ? Occupe-toi de tes oignons !»

Comme c’est lui qui avait ouvert les hostilités, T clôt les débats par un « D’accord. Je vais m’occuper de ma seule préoccupation ».
Même s’il en est ainsi, les demandeurs de service ne sont pas non plus toujours « gentils ». Avant cet incident, un jeune homme d’une trentaine d’années venait de prendre à X plus de dix minutes. Apparemment, quelque chose de louche entoure son dossier. Dans une postule et avec un ton qui suscitent qu’on s’y attache et de la pitié, le jeune homme dit qu’il était fatigué ; qu’il venait de courir derrière son dossier depuis plusieurs jours ; que si son dossier était perdu, il n’allait pas pouvoir le reconstituer.

Il avait présenté à X un message sur un petit bout de papier dont il n’a pas pu comprendre les tenants et les aboutissants. Dans ses explications, le jeune homme évoquait aussi l’ONPR. Une issue a été trouvée quand X a demandé au jeune homme le service qui l’avait référé au Bureau 26. Sans hésiter, il a parlé du Bureau 135 au ministère de la Fonction publique alors que ce bureau n’existe pas. Le jeune homme est ainsi reparti tout en promettant de revenir quand il aura toutes les informations nécessaires relatives à son dossier.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Riraniga

    Ce n’est même pas un cas particulier.
    Des cas oareils sont monnaie Courant.
    Je suis venu une fois en Vacances.
    Je suis allé à la PAFE pour renouveler mon passport.
    Ce que j’ai trouvé est tout simplement ahurrisant et abject.
    Il y avait des commissionaires (peut être sont ils toujours là) qu’on devait payer pour avoir un passport.
    Des gens pouvaient attendre un mois.
    N’appelez pas me dire que les autorités n’étaient pas informés au plus haut niveau.
    Barafise « sureté » ikora.

  2. Kazadi

    Cela ne peut se passer qu’au Burundi ou au Congo de Kabila.
    Ce serait unimaginable au Rwanda voisin.
    Je vais faire grinder des dents
    Note: Je suis congolais de Kikwit

  3. Anonyme

    Une administration corrompue, inconsciente et insouciante.
    Une administration qui se comporte en tyran envers ceux-là mêmes qu’elle devrait bien servir
    Une administration qui oublie qu’elle est un service public.
    Cette administration qui oublie que c’est le Peuple qui la fait fonctionner et la fait vivre en payant les taxes, impôts, toutes autres sortes de redevances.
    C’est la culture de chef, de cheffe et non de serviteur.
    Avec ça, que peut-on espérer?

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