Les directeurs de certaines écoles à régime d’internat au Burundi soulèvent des problèmes de restauration des élèves suite à la hausse des prix des denrées alimentaires. Pour eux, la somme de 900 BIF par élève par jour alloué par l’Etat est minime. Des parents et des syndicalistes appellent le gouvernement à suivre de près cette question.
« C’est vraiment difficile de restaurer les élèves parce que les prix ont beaucoup augmenté. Mais, nous nous arrangeons avec des fournisseurs. Ils nous font confiance. Ils attendent jusqu’à ce que l’Etat nous octroi des subsides », confie Eric Nyandwi, directeur d’internat au Lycée d’Excellence de Ngagara situé au nord de la ville de Bujumbura.
Selon lui, l’école essaie de cultiver des légumes malgré les changements climatiques qui s’observent depuis ces derniers jours : « Nous avons des champs de cultures. Nous cultivons du maïs, des patates douces, des aubergines, etc. Avec le climat, ce n’est pas du tout facile ».
Il demande l’Etat de revoir à la hausse les subsides de 900 BIF par élève par jour et des bienfaiteurs de leur venir en aide.
Même situation au Lycée Reine de la Paix de Ngagara. La direction confie qu’il est difficile de nourrir les élèves internes suite aux dettes contractés auprès des fournisseurs.
La directrice de cette école, Anitha Ndayiragije, signale que l’école n’a pas des moyens pour rembourser ses dettes. Elle demande au gouvernement de fournir à l’école des vivres au lieu de 900 BIF par élève par jour.
Cependant, à l’Ecole Technique de Kamenge au nord de la ville de Bujumbura, la restauration est bien assurée selon la direction de cette école. « La restauration des élèves internes est bonne. Nous avons quelques ateliers et garages qui nous aident à compléter les subsides pour la restauration des élèves », explique Jean Bosco Nzitonda, directeur de l’ETS Kamenge.
Pour certaines écoles à régime d’internat en province de Gitega, capitale politique du pays, les subsides donnés par l’Etat pour la restauration des élèves internes sont insuffisants et les écoles sont endettées.
Le directeur de l’Ecole Technique de Kwibuka, Gerard Nibigira, déplore que les subsides soient à 900 BIF par élève par jour au moment où un élève consomme en moyenne plus de 1500 BIF par jour : « Des élèves internes sont à peine restaurés chaque jour. Nous sommes endettés auprès des fournisseurs pour avoir quelques vivres à consommer jusqu’à la fin de cette semaine. Après, je ne sais ce que nous allons faire ».
Même son de cloche chez Zéphyrin Ngendakumana, directeur du Lycée Notre Dame de la Sagesse. Pour lui, nourrir les élèves internes de son école est un problème cette année suite à la hausse des prix des denrées alimentaires : « Cette somme de 900 BIF n’est pas suffisante vu que les prix des denrées alimentaires ont connu une très grande augmentation. On ne voit pas comme on pourra les nourrir de façon satisfaisante ».
Il demande l’Etat de revoir à la hausse les subsides ou de se charger de l’approvisionnement en vivres des écoles.
La directrice du Lycée Saint Thérèse, Victoire Nyabenda, suggère la suppression des internats. Pour elle, gérer 900 BIF par jour et par enfant est pratiquement impossible. « Nous essayons de gérer au quotidien. Chaque fois, nous demandons aux fournisseurs ce qu’il nous faut quand il est temps, car on ne peut pas s’approvisionner en grande quantité alors qu’on n’a pas une somme suffisante ».
Au Lycée Rumonge au sud du pays, la situation est différente. Selon l’économe de cette école, Innocent Nimenya, chaque élève consomme 190 g de riz, 206 g de haricots, 273 g de farine de manioc, 12 g d’huile et 9 g de sel de cuisine : « A cette ration s’ajoute l’approvisionnement en feuilles vertes dont les choux, les aubergines, les amarantes ainsi que des poissons venus de la Tanzanie ».
Le directeur du Lycée Rumonge, Innocent Nsabiyumva, confirme que les élèves internes sont bien restaurés. Cependant, il demande au gouvernement de liquider les dettes aux fournisseurs. Du côté des élèves, ils réclament le petit-déjeuner matinal pour bien suivre les cours.
La direction de cette école et les élèves demandent au gouvernement de revoir à la hausse la somme destinée à la restauration de chaque élève interne au moment où les prix ne cessent de monter sur le marché.
« L’insuffisance de nourriture a des conséquences sur l’apprentissage »
Pour Emmanuel Mashandari, vice-président de la coalition spéciale des syndicats pour la solidarité nationale (Cossessona), la situation sur la restauration des élèves dans les écoles à régime d’internat est déplorable : « Compte tenu de la flambée des prix sur le marché, nous constatons que cette somme reste dérisoire. Des fois, on pense si les directeurs des écoles ne sont pas des magiciens ».
Selon lui, des élèves commencent à somnoler à 11 heures et ne suivent pas facilement les cours suite à la faim. Pour lui, les résultats ne peuvent pas être bons : « La majorité des élèves internes sont ceux qui font les sections scientifiques. Les cours sont trop exigeants. Pour l’élève qui n’a pas eu du thé le matin, son énergie est déjà épuisée même à la troisième heure ».
Pour David Ninganza, membre du comité des parents, la mauvaise alimentation des élèves fréquentant les écoles à régime d’internat a des conséquences sur le rendement.
Il a peur que des directeurs de ces écoles diminuent le temps alloué aux examens du premier trimestre suite au manque de vivres. Selon lui, cela aura un impact sur les résultats des élèves et pourra entraîner des abandons.
David Ninganza appelle les directions des écoles à régime d’internat à collaborer avec les partenaires éducatifs et à donner l’information utile aux autorités hiérarchiques.
« Qu’il y ait une commission permanente qui cherche des données sur les marchés et donne l’information fiable au ministère de l’Education pour trouver des stratégies de stabilisation des subsides », suggère-t-il.
Alexis Ndayizigiye, psychopédagogue, rappelle que l’enfant a besoin d’une alimentation équilibrée pour prêter une grande attention à l’apprentissage : « L’individu apprend mieux quand il n’a pas d’autres problèmes. Quand il a faim, le cerveau ne fournira pas beaucoup d’énergie sur la concentration et l’engagement actif pour mémoriser et comprendre les enseignements. Mais, quand l’enfant a bien mangé, son cerveau sera orienté vers l’apprentissage ».
Suite aux conditions de vie difficiles dans les écoles à régime d’internat, il souligne que le pays risque d’avoir des finalistes qui n’ont la capacité cognitive requise pour affronter les difficultés et développer le pays.
Le ministère de l’Education tranquillise
« La flambée des prix n’affecte pas seulement les élèves dans les écoles à régimes d’internat. C’est une question nationale. Cela affecte aussi les familles. Tout le monde est concerné », fait savoir Stève Niyongabo, directeur général des finances et du patrimoine au ministère de l’Education nationale et de la recherche scientifique. Selon lui, des mesures sont en train d’être prises pour que ces élèves vivent dans de bonnes conditions.
A court-terme, ajoute-t-il, nous sommes en train de traiter des demandes des écoles qui ne sont plus capables de payer les fournisseurs : « On est en contact avec le ministère des Finances pour voir si on peut régler certaines factures des écoles, en attendant l’autre année budgétaire pour adapter et ajuster le budget en fonction du contexte ».
Le Burundi compte 98 écoles à régime d’internat. Pour cette année scolaire 2022-2023, environ 30 mille élèves sont admis à l’internat alors que le pays comptait 42 mille élèves internes pendant l’année scolaire 2016-2017.
Selon le décret portant gestion et régulation des internats, les ressources financières des écoles à régime d’internat sont constituées par les subsides de l’Etat, les contributions des parents, les revenus d’autofinancements, les dons et legs.
Les élèves admis à l’internat bénéficient de l’encadrement intellectuel, civique, moral, culturel et sportif ainsi que de la restauration et du logement.
L’accès à l’internat est conditionné par le mérite des élèves, les filières stratégiques telles que les sciences et technologies, les pôles d’excellence, la distribution géographique des sections dans les différentes provinces et la nature du handicap de l’élève.