Depuis le 5 mai, les prix des devises sur le marché parallèle ont atteint des taux record. Des prix jamais atteints depuis janvier dernier. Les cambistes craignent la thésaurisation.
Sur le marché officiel et parallèle, la monnaie burundaise continue de dégringoler contre l’euro et le dollar sur le marché officiel.
Mardi 14 mai, un euro s’échange contre 3.230 BIF à l’achat et 3.250 à la vente. Un dollar vaut 2.920 BIF à l’achat et 2.960 BIF à la vente.
Jamy (pseudo) se trouve à la Chaussée prince Louis Rwagasore, devant l’ex-grenier du Burundi. Il reconnaît que la demande du dollar et de l’euro explose, depuis la semaine dernière. Le dollar s’achetait à 2.750 BIF et se vendait 2.780. L’euro valait 3.050 BIF à l’achat et 3.070 à la vente.
Dans l’un des bureaux de change visités, un dollar américain s’achète à 1842 BIF et se vend à 1852. Quant à l’euro, il s’échange à 2080 BIF à l’achat et 2090 à la vente.
Tabou (pseudo), un autre cambiste rencontré en plein cœur de la capitale Bujumbura, devant le restaurant « Face à Face», révèle que le taux affiché à l’intérieur des bureaux de change est différent du taux appliqué. «Depuis 2016, le tableau d’affichage fait désormais partie du décor pour ne pas s’attirer les foudres de la BRB».
Depuis quelques jours, ils ont observé une forte demande en euros et en dollars. « Il n’y a plus de gens qui vendent leurs devises. La demande devient donc plus importante que l’offre. C’est ce qui est à l’origine de leur cherté ».
Pour Kabwa (pseudo), lui aussi cambiste, il s’agit d’un fait tout à fait normal. Les prix des devises peuvent à n’importe quel moment baisser ou flamber, sans qu’on puisse réellement en déterminer les causes. Mais le fait que l’euro et le dollar se raréfient, «cela ne s’est jamais produit d’une manière aussi spectaculaire comme aujourd’hui».
Il fait savoir qu’il n’a que la monnaie burundaise. « Personne ne vend. Tous les clients viennent acheter ».
Une jeune femme, à bord d’une voiture rouge, interrompt notre conversation. Elle veut acheter 500 euros. Avec l’air désolé, Kabwa lui demande de revenir demain matin. « Je n’ai pas cette somme sur moi. Si tu n’es pas pressée, je peux vous en procurer demain.» La dame est partante. Elle note les contacts. Pour constituer cette somme, poursuit-il, c’est un casse-tête. Les collègues n’ayant que des BIF.
La peur d’épargner en BIF
Il souligne que cette cliente est nouvelle. Elle fait partie de la nouvelle catégorie des demandeurs de devises. Cette dernière ne fait pas du commerce ni ne paye les frais de scolarité de leurs enfants. Ils ne vendent jamais des devises. Ils se méfient de la valeur du BIF. « Peut-être que ces gens font la thésaurisation. »
Ce phénomène a commencé avec le lancement de nouveaux billets par la BRB.
Selon d’autres explications, la dépréciation du BIF inquiète bon nombre de commerçants. Ils assistent la baisse de leurs encaisses. Pour se prémunir contre tout retournement de situation, ils achètent des devises, la monnaie refuge. «C’est plus sûr d’avoir des euros ou des dollars que des BIF, même si on les garde ici à Bujumbura », soutient l’un des cambistes. C’est plus sûr également, pour eux, explique-t-il, lorsqu’on sait que le BIF perd de sa valeur depuis 2016.
Clovis (pseudo) se disant doyen des cambistes ambulants, cette frénésie d’achat de l’euro et du dollar peut avoir un lien direct avec les « incertitudes », voire les « craintes » que ressentent beaucoup de gens quant à l’avenir proche de l’économie nationale. Ils ont peur d’épargner en monnaie locale.
Vendredi 24 mai, à l’heure où nous mettons en ligne cet article, un euro s’obtient à 3250 BIF et se vend 3 280, tandis qu’un dollar s’échange à 2970 BIF à l’achat et 2990 à la vente.