Créé en avril 2021 par le chef de l’Etat, le Programme d’Autonomisation économique et d’Emploi des Jeunes (PAEEJ) promet de financer les premiers projets des jeunes avant le 1er juillet. La plupart des jeunes qui ont soumis leurs projets s’impatientent. Et il y a des projets innovants, comme l’élevage d’asticots pour nourrir les poissons, les poules et les porcs.
« Nous attendons toujours les financements. Nous avons construit des porcheries pour porcelets », a confié innocent Nkurunziza, un jeune de la commune Ruhororo rencontré au chef-lieu de la province de Ngozi jeudi 19 mai.
D’après lui, sa coopérative a été déjà choisie par le PAEEJ, mais confie ne pas connaître la date de financement. « Nous nous attendons simplement ».
Pour lui, pas question de désespérer, le financement finira par tomber. « Le PAEJ semble ignorer qu’il a à faire avec des jeunes qui n’ont pas de moyens », regrette-t-il.
« Pour se mettre ensemble, nous devrions cotiser une somme de 5 000 BIF, mais certains n’ont pas pu en avoir pour être parmi nous », témoigne M. Nkurunziza.
Une idée soutenue par Honoré Nduwimana, président du conseil national de la jeunesse en commune de Ngozi. Celui-ci qui suit de près les activités de PAEEJ dans sa commune fait remarquer que des troncs d’arbre et les planches pour construire des porcheries ont été un casse-tête pour des jeunes au chômage.
« Cela exige au moins, un million BIF pour construire une porcherie de 2,5 sur 50 m pour les porcelets », a-t-il avancé rappelant que Ngozi a choisi l’élevage de porcs sauf le quartier Shikiro de la ville de Ngozi à majorité musulmane qui a refusé l’élevage de porcs au profit de celui du poulet.
A bout de patience
Avoir des terrains pour aménager les étables a été aussi, d’après lui, un véritable défi. Néanmoins, il reconnaît que les jeunes ont pu s’en sortir de sorte qu’ils n’attendent que des matériaux de la part du PAEEJ : du sable, du gravier, du ciment, etc.
Ce qui gêne ce jeune leader en commune Ngozi, c’est que les jeunes ne savent pas à quand exactement ces matériaux seront distribués. « Personne n’est bien informé sur cela, ni à quand les financements seront disponibles ».
Honoré Nduwimana craint que les porcheries puissent tomber en ruine sans avoir abrité des porcs alors qu’elles ont coûté cher aux jeunes chômeurs. « Certains se sont même endettés ».
Il aimerait que les matériaux arrivent sans tarder et que les financements suivent pour que les étables et autres poulaillers construits à crédit ne s’écroulent.
Wilbert Dusabe, un jeune fermier de Kibogoye en commune de Giheta, a soumis son projet au niveau du PAEEJ, il attend sans désespérer son financement.
Formé pour former les autres sur l’élevage moderne de poulets, il encourage les groupes de jeunes choisis pour bénéficier d’un financement du PAEEJ de patienter.
« Un entrepreneur, c’est quelqu’un qui sait patienter». Il confie par ailleurs que Giheta a été la première commune à se préparer pour être financée, mais qu’elle a dû attendre les autres qui ne sont pas encore prêtes.
Sinon, a-t-il dit, les jeunes de Giheta ont été formés fin mars et début avril 2022. Ce jeune fermier établi sur près d’un hectare comprend le ‘’PAEEJ qui n’a pas encore du personnel suffisant’’. Avec le recrutement en cours au PAEEJ, il espère que ce programme pourra faire alors un suivi des jeunes sous peu.
401 projets déjà acceptés sur les collines
« Pour les jeunes des collines jusqu’aujourd’hui, les projets de 401 coopératives des provinces de Gitega, Bururi, Mwaro, Kayanza et Ngozi ont été acceptées », a fait savoir Désiré Manirakiza, coordinateur national du Programme d’Autonomisation économique et d’Emploi des jeunes.
Pour les jeunes entrepreneurs à succès, il affirme que 29 projets ont été acceptés. « Et puis nous avons 16 projets pour la catégorie des tout débutants », poursuit le coordinateur du PAEEJ.
A partir de lundi 23 mai, deux jeunes par coopérative, association ou entreprise dont le projet a été accepté ont suivi des séances de « formation sur les techniques de création, de gestion, d’agrandissement, mais également de management des entreprises ».
La formation, précise Désiré Manirakiza, vise aussi à faire comprendre aux jeunes le sens du PAEEJ, ses objectifs et les objectifs des performances qu’il recherche derrière les projets qu’il finance.
La formation a vu la participation de plus ou moins 100 jeunes. Après la formation, rassure le coordinateur du PAEEJ, les fonds seront débloqués pour les jeunes entrepreneurs à succès.
Désiré Manirakiza recommande la patience. A ceux qui pensent que les financements de PAEEJ traînent, il estime qu’ils doivent attendre et faire confiance au PAEEJ. « Personne ne veut dormir avec des projets qui ont été retenus ».
Selon lui c’est regrettable que la plupart des jeunes pensent ou ont l’impression que les autres ne font absolument rien, quand un travail ne les concerne pas directement.
Or, fait-il remarquer, ces périodes ont été marquées par le manque du personnel au PAEEJ. « Dieu merci le processus de recrutement est en cours, cela sera résolu », s’est-il réjoui.
Le PAEEJ sait que parmi les jeunes qui ont déposé leurs dossiers dans le domaine agro-alimentaire il y a ceux qui ont terminé de construire des poulaillers et porcheries.
Mais pour lui, cela n’est pas le plus grand problème. Le plus dur, selon lui, c’est de s’assurer qu’il y a par exemple un fournisseur en aliments. « C’est pour qu’on ne lance pas un projet qui deviendra un problème juste après ».
Selon lui, les jeunes dont la coopérative est éligible au financement veulent avoir des poussins ou porcelets, mais où est ce qu’on les trouve, ce n’est pas leur problème. Néanmoins, il déplore encore que les 4 provinces qui ont décidé d’élever des porcs aient besoin de 8.000 porcelets alors que l’Isabu et ses partenaires agrées ne peuvent couvrir que 1.500 porcelets. « C’est un souci. »
Mais, tranquillise le coordinateur du PAEEJ, le programme attend les procédures des marchés publiques. Il rassure en plus que la fête de l’indépendance du premier juillet 2022 ne pourra pas arriver sans que les premiers projets financés par le PAEEJ ne soient lancés. Il encourage les jeunes à faires des projets innovants.
Un jeune éleveur d’asticots témoigne
« Les projets qui ne sont pas innovants sont automatiquement rejetés » avertit le coordinateur national du PAEEJ. Ceux qui ressemblent à ceux financés par ce programme ne sont pas les bienvenus. « Quelle raison qui pourrait justifier le financement de l’élevage de porcs alors que 900 coopératives vont élever le porc ? », se demande M. Manirakiza.
Il propose au moins l’élevage d’abeilles, la culture des champignons, de vers de terre… qui n’ont pas suffisamment de candidats. Mais, se désole-t-il, les jeunes burundais refusent d’innover. « J’avais dit au mois d’avril que l’on pouvait financer un projet en lien avec les vers de terre, ils m’ont traité de tous les noms».
Pour Désiré Manirakiza, les jeunes burundais comme tous les Burundais devraient savoir que ce qu’ils ne savent pas, ce n’est pas que cela n’existe pas. « Il faut qu’ils fassent confiance à ceux qui peuvent être leur grand frère et qui peuvent leur apprendre autre chose », insiste ce sociologue de formation.
Pour lui, l’élevage de vers de terre est une solution pour l’alimentation des poules, des poissons et des porcs. Car, fait-il constater, quand une poule voit un ver de terre la première réaction, c’est de lui sauter dessus. « Est-ce que le porc peut passer à proximité d’une poubelle sans y mettre son nez ? A la ligne qu’est-ce que le pêcheur met sur l’hameçon ? N’est-ce pas le ver de terre ? », questionne encore le coordinateur du PAAEJ.
Selon lui, les vers de terre, les criquets, les cafards, les asticots sont des éléments naturels dans l’alimentation des poissons, des poulets et porcs. « Puisqu’ il n’y a plus de terre pour cultiver du blé, du maïs, du soja et d’autres sources de protéines, il vaut mieux chercher d’autres sources ».
Le PAEEJ tranquillise les Burundais qui sont réticents à la consommation des animaux qui se nourrissent de ce genre d’aliments : « Les poulets qu’ils mangent déjà régulièrement se nourrissent des vers de terre qu’ils picorent n’importe où.»
Et d’annoncer, par ailleurs, un projet de mise en place d’un centre de production d’asticots en province Mwaro. « Le type de mouches sauvages pour la production de ces asticots seront importées du Kenya ».
Wilbert Dusabe, le jeune fermier de Kibogoye, pratique déjà l’élevage d’asticots pour nourrir ses poissons et ses porcs qu’il élève avant de les commercialiser.
Il ne tarit pas d’éloge des avantages de ce type d’élevage, qui, d’après lui, se pratique même dans les pays de la sous-région, comme le Kenya et l’Ouganda. « Là où tu peux utiliser 100 kilos de soja pour nourrir les animaux, tu peux utiliser 20 kilos d’asticots », témoigne Wilbert Dusabe.
Selon ce propriétaire de la Maison du fermier de Kibogoye, hormis le coût des équipements de la main d’œuvre, tout le reste est presque gratuit. Sachant que le kilo de soja s’achète à 3.000 BIF actuellement, il affirme que l’élevage d’asticots lui permet de minimiser les dépenses dans l’achat des aliments des poissons des poulets et des porcs.
Dusabe signale qu’il parvient à produire 270 kg d’asticots par semaine. « 45 % des aliments que mangent mes poissons proviennent des asticots». Il ne comprend pas pourquoi les Burundais hésitent à se lancer dans l’élevage de larves de mouches, de vers de terre, de cafards… alors que dans les pays développés en Europe, il se pratique à une échelle industrielle.
Wilbert Dusabe, à l’instar de Désire Manirakiza, déplore, de surcroît, le fait que le président de la République ait essuyé des critiques sur les réseaux sociaux quand il a évoqué ces types d’élevages, lors de sa conférence de presse du 10 mai 2022. Pour eux, ceux qui l’ont critiqué ne veulent faire aucun effort pour explorer d’autres possibilités.