Selon un expert, la privatisation de la filière café a été illégale : il n’y a pas eu une politique du ministère de l’agriculture, une ordonnance de celui de la Bonne gouvernance, ni une loi de l’assemblée nationale y relative. Un député affirme que la filière café est mal organisée.
<doc4085|right>« Nous avons, à maintes reprises, montré que le processus de privatisation de la filière café était illégale », lance Joseph Ntirabampa, président de la Confédération des Associations des Caféiculteurs (CNAC-Murimawisangi). Pour lui, son organisation n’a pas du tout cautionné cette privatisation illégale. Ils ont pris d’autres stratégies : « Nous continuons à construire nos propres stations de lavage, nous en sommes à une 11ième, et nous achetons encore des parcelles pour le même objectif. »
Aujourd’hui avec cette privatisation, explique-t-il, c’est du cafouillage. « Les uns utilisent des machines non performantes pour traiter le café chez eux, d’autres traitent le café washed (qu’ils transforment avec des pierres), et très peu vendent leur café aux nouveaux acheteurs. », explique-t-il. Dans une telle situation, analyse Joseph Ntirabampa, nous n’aurons plus de café de qualité. En outre, il signale que[ le prix du café au Kg change toutes les deux semaines->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article2155], ce qui perturbe encore les caféiculteurs. Selon lui, c’est le résultat d’un processus de privatisation mal piloté et non consensuel.
Joseph Ntirampeba annonce que, dans les prochains jours, les caféiculteurs réunis au sein de la CNAC prendront deux mesures importantes : « D’abord, ils vont se spécialiser davantage dans la filière washed. Ensuite, ils vont se regrouper en coopératives pour vendre eux-mêmes le café. » Car, affirme M. Ntirabampa, c’est la libéralisation de la filière, tous ceux qui en sont capables peuvent cultiver, transformer et vendre le café.
« Nous devons rappeler le gouvernement à l’ordre »
Le député Bonaventure Gasutwa doute fort que la loi sur la privatisation aurait été respectée : « J’ai entendu les représentants des caféiculteurs dénoncer le mauvais pilotage du processus de privatisation de la filière café. » En outre, il affirme que les députés n’ont pas voté une loi y relative comme cela rentre dans leurs prérogatives. D’après Gasutwa, les députés ont reçu les plaintes des représentants des caféiculteurs. « Mais, nous nous sommes rendus compte que ce processus était tellement avancé qu’il n’était pas possible de l’arrêter », indique-t-il. Parce que, selon lui, il serait irresponsable de poser un tel acte dans la mesure où les caféiculteurs doivent continuer à vendre pour que leur café soit usiné afin qu’ils aient de l’argent.
<doc4087|right>Un problème visible
« Les banques ne sont pas en train de financer la saison café alors que cela était une habitude dans le passé », affirme le député de l’Uprona. On peut donc se demander, ajoute-t-il, si tous les commerçants qui achètent le café seront à mesure d’accaparer toute la production. « La mauvaise gestion de la filière café risque de décourager les caféiculteurs au point d’abandonner la culture du café», prévient-il.
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– [Les caféiculteurs se retirent définitivement du processus de la privatisation de la filière café->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1594]
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D’après Gasutwa, l’assemblée nationale n’est pas responsable de ce cafouillage : « Ce n’est pas elle qui gère au quotidien la question de la privatisation. » Par contre, explique-t-il, nous devons rappeler à l’ordre ces gestionnaires en raison de notre mission de contrôle de l’action gouvernementale. « Il ne faut pas laisser le caféiculteur à son propre sort, car demain le café risque de disparaître », martèle-t-il.
En 1990, le gouvernement avait l’intention de privatiser la filière café. Le ministre de l’agriculture de l’époque avait élaboré « la politique et stratégie caféière » précisant clairement tout le cheminement du processus. La ministre actuelle de l’agriculture, Odette Kayitesi, affirme qu’une telle stratégie ne doit pas être élaborée par son ministère, puisque le ministère de la bonne gouvernance existe. Le secrétaire permanent audit ministère, Gérard Nyamwiza, affirme que son ministère a élaboré une stratégie de la privatisation. Cette dernière a toujours été contestée par les associations des caféiculteurs (ndlr). Mais, pour lui, ce n’était pas nécessaire que les députés votent une loi y relative. Et d’ajouter que le processus de privatisation s’est très bien déroulé.