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Fibre optique ou la révolution numérique au Burundi ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Fibre optique ou la révolution numérique au Burundi ?

La conférence organisée par le Lion’s Club Doyen de Bujumbura sur la fibre optique et présentée par David Easum, directeur de BBS – Burundi Backbone System, fin 2012, a suscité beaucoup de questions quant à son incidence sur l’économie burundaise. Notons que les participants ont salué unanimement cet investissement important dans les infrastructures – financé en partie par la Banque Mondiale via l’Etat.

<doc7247|left>Tout d’abord, la BBS est une société formée par les opérateurs actuels de télécommunications, – Africel, Onatel, Ucom, Econet et Cbinet – chargés de revendre ses services : c’est donc un monopole octroyé par l’Etat en échange de la garantie de certains services aux utilisateurs. BBS est un réseau de fibre optique qui est en train d’être installé le long des quelque 1.250 km d’axes nationaux que compte le pays, ainsi que dans toutes les capitales provinciales, y compris Bujumbura. Le projet a pour objectif de relier les télécommunications de l’ensemble du pays et d’accéder (via des partenaires dans les pays voisins) aux câbles optiques sous-marins qui longent la côte-est de l’Afrique. Un des objectifs principaux est de fournir au pays une large bande passante donnant accès au monde entier. Les premiers tronçons du réseau seront mis en service au cours du premier trimestre de l’année.

Une implantation partiellement subsidiée par l’Etat

BBS est un réseau national, qui a l’obligation de couvrir également des zones non-commercialement rentables –de là, les subsides accordés par l’Etat.
M. Easum a expliqué qu’une subvention de $7,5 millions a été accordée pour financer une partie de l’infrastructure (sur un coût total d’environ $23 millions). Par ailleurs, une subvention supplémentaire de $3 millions a aussi été prévue via un préachat des services par le gouvernement sur le réseau.

A cause des coûts d’investissements initiaux très élevés, l’entreprise devient un monopole naturel de fait au sens où les rendements par unité sont décroissants quand l’entreprise accroît sa production. Cela devrait se traduire normalement par un coût unitaire moins élevé à l’avenir pour les utilisateurs finaux.

Ainsi donc, comme le montrent les graphiques ci-dessus, la manière dont varie le coût marginal en fonction des quantités produites détermine la taille optimale de l’entreprise monopolistique. Cependant, grâce à la capacité dite illimitée de la technologie fibre optique, le BBS bénéficie en théorie d’une courbe de coût marginal qui tend à la baisse si la demande continue à augmenter. L’investissement initial servira à couvrir toute la demande potentielle du Burundi pour les années à venir, donc une fois que les frais de premier établissement, les pertes, les coûts d’exploitation et les frais financiers sont couverts, les prix devront baisser sensiblement.

Ceci est donc important pour la détermination de la politique des prix aux bénéficiaires : le conférencier a informé le public que le coût mensuel actuel au grossiste via satellite est de $3000/Mb et qu’il devrait passer à $200/Mb – moyennant une forte croissance de capacité demandée. La question essentielle est de savoir comment augmenter la demande pour que cette importante réduction des prix se répercute sur les utilisateurs actuels et dans quelle proportion.

Une évolution des prix à surveiller

<img7168|left>Toutefois, une exploitation utilisant la technologie de fibre optique n’a pas vraiment la même courbe de coût marginal décrite ci-dessus. Les capacités qui seront installées (donc la quantité à l’offre) seront de loin supérieures à la demande potentielle burundaise dès le départ. Ceci signifie qu’une fois l’investissement couvert, le coût marginal continuera à baisser (en principe).

En effet, le monopole naturel, comme c’est le cas pour BBS, une fois établi sur le marché, laisse peu de place à l’émergence d’autres entreprises concurrentes à cause des barrières constituées par des investissements initiaux très lourds, et dans ce cas de figure, subventionnés partiellement par l’Etat. Toutefois, étant donné que les actionnaires du projet sont ses clients principaux, il va de soi qu’ils exigeront de la direction de BBS que les prix soient maintenus à un niveau suffisamment rémunérateur basés sur les coûts réels. En dehors de leur partenariat au Conseil d’Administration du BBS, ces actionnaires sont aussi des concurrents sur le marché des télécommunications burundais. L’Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications (ARCT) aura son rôle à jouer – surtout en ce qui concerne l’orientation des prix appliqués par BBS et les revendeurs.

Le rôle des Pouvoirs Publics sera précisément de donner une impulsion par une politique volontariste pour faire accéder le plus grand nombre à un prix subventionné (parmi les groupes cibles, citons les étudiants, le personnel médical, la police) parce que les bénéfices que l’économie du pays en tirera au niveau de la croissance du PIB seront de loin supérieurs aux coûts. Les bailleurs de fonds seront également sollicités pour participer à cette aventure numérique qui atteindra directement les bénéficiaires.

Les emplois directs et indirects qui vont être créés pourront s’accroître au fur et à mesure que le système éducatif burundais produira de plus en plus de lauréats formés, désireux de travailler pour un emploi décent dans des PMEs spécialisées comme les Call Centers, Cafés internet, formation à distance, Services IT, télémédecine. Seuls 40% des décaissements prévus dans le financement de la Banque Mondiale pour ce projet de fibre optique ont été réalisés à ce jour alors que le projet touche à sa fin.

Un bond qualitatif pour le Burundi

Il y a donc une marge de manœuvre pour élaborer une stratégie visant à atteindre le maximum d’utilisateurs. Cette stratégie devra inclure un volet important sur la pédagogie de tous les acteurs, du grand public et des PME. Parallèlement, elle devra susciter une analyse des besoins concrets des PME. On peut ici suggérer la consultation des PME et investisseurs sous forme d’un questionnaire par exemple. A ce stade, il nous semblerait utile de disposer des exemples d’expérience des autres Etats africains ayant une infrastructure similaire à notre pays.

Les applications ou usages qu’offriraient les fournisseurs d’Internet seront variés par rapport à la situation actuelle, notamment pour les écoles et universités, pour le télé-enseignement ou les hôpitaux pour la télémédecine et la e-health, la production des contenus audiovisuels, la gestion ou l’archivage documentaire. Il faut dès lors s’interroger sur la manière de faire accéder le plus grand nombre d’utilisateurs potentiels au réseau internet, ce qui leur permettra de démultiplier la capacité de production de chaque utilisateur. L’impact de la couverture de la fibre optique dans tout le pays, à Bujumbura et les chefs-lieux des provinces, ne peut être mesuré avec exactitude à ce stade mais on peut supposer que le Burundi est en train de connaître une révolution numérique en étant connecté au reste du monde à une fraction du coût actuellement pratiqué par les opérateurs de télécommunications: téléphone, Internet, images, vidéos, ….

Quant aux établissements d’enseignement et universités, la fibre optique offre également d’immenses possibilités de faire un bond qualitatif avec l’accès aux bibliothèques en ligne des universités étrangères de premier plan. Nous pensons entre autres aux cursus des universités de Harvard et du MIT qui offriront bientôt des contenus éducatifs en ligne gratuitement.
Le niveau de formation actuel qui rencontre de nombreux défis pourra graduellement s’améliorer via l’introduction de nouvelles méthodes d’enseignement qui accroîtront dans le temps la qualité des futurs lauréats. Par conséquent leur niveau de compétitivité devra graduellement s’élever parce qu’ils seront forcés de se battre sur le marché du travail pour offrir leurs compétences professionnelles, notamment dans l’espace régional de la Communauté Économique Africaine (CEA).

Un autre aspect important évoqué lors de la conférence concerne le financement des infrastructures à travers le PPP – partenariat public/privé – dans lequel on associe les investisseurs locaux et étrangers pour la réalisation des financements de grande envergure. Le gouvernement doit également mettre en place le cadre juridique et règlementaire qui définira explicitement les règles du jeu de la concurrence pour les investisseurs internationaux dans des secteurs clés de l’économie burundaise comme les infrastructures des télécommunications et de l’énergie qui affichent un taux de rentabilité potentiellement élevé.

Pour diverses raisons, l’incertitude liée au risque perçu comme étant excessivement élevé au Burundi doit donc être dissipée pour attirer un volume important d’investissements directs étrangers (IDE) dont le niveau est actuellement le plus bas parmi les pays membres de la CEA.

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