Lundi 23 décembre 2024

Société

Feu Bernard Rubeya : Un petit pas pour le capitaine, un pas de géant pour le Burundi

01/07/2023 3
Feu Bernard Rubeya : Un petit pas pour le capitaine, un pas de géant pour le Burundi
Cécile Rubeya nous présente une photo de son défunt époux le 1er juillet 1962.

A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance ce 1er juillet, Iwacu est allé à la rencontre de Cécile Rubeya, la veuve du défunt Capitaine Bernard Rubeya qui était aux commandes du tout premier défilé militaire du Burundi indépendant. Zoom sur un parcours de vie époustouflant.

A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance ce 1er juillet, Iwacu est allé à la rencontre de Cécile Rubeya, la veuve du défunt Bernard Rubeya qui a présidé le premier défilé militaire du Burundi indépendant. Zoom sur un parcours de vie époustouflant.

C’est dans sa maison spacieuse située dans un quartier nord de Bujumbura que Cécile Rubeya nous reçoit. A l’intérieur, quelques photos de son défunt époux, Bernard Rubeya, ornent les murs. Cécile a vécu ici avec son époux pendant plus de 45 ans. Ensemble, ils ont eu six enfants. En mai dernier, Bernard Rubeya s’en est allé. « J’étais submergée de messages de réconfort. Cela m’a montré à quel point il était apprécié ».

La septuagénaire a le sourire enchanteur qui met tout de suite son interlocuteur à l’aise. Chez elle, la nostalgie des moments passés avec feu son mari reste intact. «  Il est resté militaire dans l’âme. Il se réveillait et déjeunait à des heures précises. Tout était millimétré dans sa vie, même au plus fort de sa maladie ! »

Habillée d’un tailleur traditionnel, Mme Rubeya revient sur les grands moments qui ont jalonné la vie du défunt. Né dans la province Muramvya en 1940, Bernard Rubeya entre à l’armée comme candidat officier en 1961 après des études secondaires à Astrida (Rwanda).

Nommé officier sous-lieutenant en mars 1962, il devient capitaine en juin de la même année. Le 1er juillet, le Burundi obtient son indépendance. La veille, à minuit, à l’intérieur de l’actuel stade FFB, près de l’hôtel Source du Nil, le drapeau belge descend lentement de son mât. Le drapeau du Burundi monte. Un sous-lieutenant du nom de Nicodème Kamurari a hissé le drapeau national sous le commandement du capitaine Bernard Rubeya. « La cérémonie était sobre, je dirais même assez discret. Cela s’explique par un contexte régional tourmenté. Lumumba avait été tué, des massacrés avaient lieu chez notre grand voisin de l’ouest, des réfugiés nous arrivaient du Congo et en même temps, le Burundi accueillait des rescapés des tueries de la ‘’révolution sociale’’ au Rwanda », racontait Bernard Rubeya à Iwacu à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance.

C’est en septembre de cette année-là que l’indépendance acquise deux mois plus tôt fut fêtée en grande pompe. « Des cérémonies grandioses furent organisées aux dates du 27, 28 et 29 septembre. Les militaires devaient parader devant le roi. Ces dates furent qualifiées de trois glorieuses », raconte cette dame âgée qui montre les images de ces événements où le capitaine Rubeya est en compagnie du roi Mwambutsa qui faisait la revue des troupes où nous apercevons également, derrière le mwami, le capitaine Michel Micombero.

De 1966 à 1968, le jeune Rubeya est à la tête des Ecoles militaires des Officiers et des Sous-officiers (EFA I et II) qui vont plus tard fusionner pour donner naissance à l’ISCAM (Institut supérieur des Cadres militaires).

« Un homme au grand cœur »

En 1971, Bernard Rubeya est mis sous les verrous dans le cadre de l’Affaire Ntungumburanye. Surnommé ‘’le complot des gens de Muramvya’’, cette affaire a engendré l’arrestation de haut cadres de l’Etat originaires principalement de la province Muramvya, accusés injustement d’avoir trempé dans l’organisation d’un putsch contre le président Micombero. Bernard Rubeya sortira de prison en 1974 à la faveur d’une grâce présidentielle. « A son paroxysme à cette époque-là, le régionalisme est à la base de toute cette affaire ! C’était une période très éprouvante pour le jeune couple que nous formions à l’époque. Mais nous avons tenu bon ! », révèle la veuve de M. Rubeya qui semble ne pas vouloir s’étendre sur cet épisode.

Cependant, le rôle joué par son défunt époux en 1962 est resté gravé dans les mémoires. « Tous les régimes qui se succèderont au pouvoir ont toujours témoigné du respect à l’endroit de mon mari qui était toujours un invité d’honneur pour la fête de l’indépendance du 1er juillet ». Il y a près de deux mois, le président Ndayishimiye avait envoyé un représentant lors des funérailles de ce patriarche. « Ce geste nous a touchés et nous tenons à exprimer nos sincères remerciements au chef de l’Etat pour cet égard vis-à-vis de mon défunt époux ».

A l’instar du rôle historique de M. Rubeya, sa moitié garde aussi l’image d’un homme doté d’une rigueur implacable et d’une générosité à toute épreuve. « Quand nous allions assister même à des cérémonies sociales, il était toujours ponctuel. Pour lui, c’était un signe de politesse. A part cela, il avait un cœur d’or. Sa famille, c’étaient aussi les plus nécessiteux, les jeunes auxquels ils procuraient ses sages conseils et les étudiants précaires auxquels ils faisaient notamment don de ses plus beaux vêtements. Il était vraiment exceptionnel ».

Mme Rubeya nous raconte une anecdote dont elle garde un souvenir vivace. « Il avait souvent l’habitude de racheter leurs produits aux vendeuses de rue qui passaient devant notre maison. Certains fruits qui n’avaient pas trouvé d’acheteurs frôlaient la pourriture. Mais mon époux les leur rachetaient pour leur montrer qu’il les valorisait et aussi les appuyer dans leur petit commerce. Il était d’un grand cœur ! », soutient Cécile avec une voix gorgée d’émotion.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Stan Siyomana

    Dernierement j’ai ete vraiment surpris d’entendre le panafricaniste rwandais Dr Rusa Bagirishya dire (dans une video sur Youtube) qu’un general militaire qui ne reve pas de devenir le president du pays un jour, ne merite pas son grade car il pense encore comme un sous-lieutenant ou un capitaine.

    • Un Général qui rêve d’un Coup d’état n’a rien compris de son rôle de gardien de la Constitution de son pays, il prête serment sur la Constitution. Être Panafricaniste c’est prôner le respect des Constitutions, le refus de la loi du plus fort (loi de la jungle)

  2. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Le 1er juillet, le Burundi obtient son indépendance. « A cette date, il n’y a pas eu de festivités… », indique Cecile Rubeya. »
    2. Mon commentaire
    a). QUEL PAYS AU MONDE NE CELEBRERAIT PAS SON PREMIER JOUR D’INDEPENDANCE?
    b). Notre classe de 5 eme a l’Ecole primaire de Musenyi a fait des exercises de gymnastiques a Gisha (donc a environ 10 km a l’ouest) ou se trouvait les bureaux de la commune Tangara (Province Ngozi). Donc ce jour-la j’ai du marche en tout environ 30 km (aller-retour).
    c). La princesse Ester Kamatari (niece du roi Mwambutsa IV) a mis cette video (Independance Burundi 1 er juillet 1962) sur Youtube. On y voit le roi a 1:17, 1:23, 2:16 et le nouveau drapeau a 4:15.
    d). « À Usumbura c’est à 12 h. 30 que le drapeau belge, qui flottait sur le pays depuis 1919, a été amené, en présence du vicomte Obert de Thieusis, ancien ambassadeur de Belgique à Londres, représentant personnel du roi Baudouin, tandis que retentissait la Brabançonne. Deux minutes plus tard l’hymne national du Burundi était entonné par un groupe de séminaristes pendant que le drapeau du jeune État s’élevait dans le ciel bleu, face au Mwami Mwambutsa IV. Celui-ci avait au début de la cérémonie passé en revue au son du tam-tam les troupes du Burundi puis les groupements de jeunesse qui l’avaient salué avec trois doigts levés (symbolisant Dieu, le roi et le Burundi)… »
    https://www.lemonde.fr/archives/article/1962/07/03/l-independance-a-ete-proclamee-au-ruanda-et-au-burundi_2373200_1819218.html

    https://www.youtube.com/watch?v=CbMXUthu18Q&t=26s

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

Il y a deux mois, Iwacu a réalisé une analyse de l’ambiance politique avant les élections de 2020 et celles à venir en 2025. Il apparaît que la voix de l’opposition est presque éteinte. Il n’y a vraiment pas de (…)

Online Users

Total 1 587 users online