Bujumbura a vibré, la semaine dernière, au rythme du festival du slam, le premier au Burundi. A l’honneur de cet art de l’expression, la femme burundaise.
C’est sur fond de guitare et de batterie que des jeunes ont mis le feu à la scène slam, dans la soirée du vendredi 5 juillet à l’Entente sportive. Ce 3e jour du « Vuga festival » (3-6 juillet) sera dédié à la femme.
Tour à tour, des slameuses du collectif « Jewe slam », qui a organisé ce festival, articulent avec émotion leurs mots pensés pour panser les maux dont souffrent les femmes battues, violées, soumises, etc. Un jeu de mots qui se noie dans les hourras du public (des jeunes la plupart) à la fois ému par le message, l’expression sincère et directe des slameuses.
Le texte qui suscitera l’admiration de nombre de spectateurs porte sur « le sang » ou les menstruations comme « la bête noire des filles ». Dans la peau d’une mère, la slameuse Aurore s’adresse à toute fille qui répugne ou a peur de voir ses règles. « Ce sang qui coule, c’est la force d’une femme, la promesse d’être une mère. Alors, pour être une mère, il faut devoir saigner. Etre une reine, c’est donner naissance au roi qui va régner… »
Ce festival aux couleurs internationales révèlera des slameuses qui ne semblent pas inconnues du public : Lydol, la Camerounaise et Caylah du Madagascar ont mis le feu à la scène en déclamant, sous les acclamations du public, des slams qui rendent hommage à la femme.
Entre régal et déception
C’est une salle bondée de spectateurs effervescents, criants et dansants au rythme du morceau instrumental, émus par des slameuses qui s’expriment de but en blanc. « Elles ont du talent, elles abordent des faits réels de la vie courante, elles vont droit au but… », lancera un jeune étudiant. Il dit avoir appris, à travers ces slams, tous les maux dont souffrent les femmes au foyer. « C’est à la fois de l’ambiance et une manière d’éduquer. »
Un parent se montre aussi enthousiaste : « J’ai aimé la détermination de ces jeunes réunis pour une même cause : défendre les femmes. C’est beau de voir des enfants s’éduquer à travers leurs talents », affirme cette mère qui est là pour soutenir sa fille.
D’autres spectateurs déplorent l’absence du gouvernement dans ce festival : « C’est très dommage de voir de tels talents qui ne sont pas soutenus par leur gouvernement. »
Même observation pour le collectif « Jewe slam », organisateur de ce festival de la poésie déclamée sur fond musical : « On aurait aimé voir un ministre ou une autre autorité participer dans, au moins, une de nos scènes slam. » Cette absence de soutien est l’un des principaux défis que relève Paulin Bulakali, responsable de communication de ce collectif rassemblant une cinquantaine de slameurs basés au Burundi.
L’autre défi important est le fait que le slam est encore inconnu du grand public. « Il y en a qui ne savent pas à quoi ils assistent exactement, ne savent pas comment se tenir, s’il faut acclamer ou se taire ».
D’après Paulin Bulakali, ce festival se veut être porteur d’un message de cohésion sociale. « C’est aussi une occasion de permettre aux jeunes burundais de s’exprimer, vaincre la peur et surtout d’apprendre de ceux venus d’ailleurs ».