Le 18 février, à travers un communiqué, la mairie de Bujumbura a annoncé que le marché de Gisyo et les petits commerces alentour devront clore leurs activités à cet endroit d’ici le 4 mars 2021. Les commerçants ont été invités à aller exercer au nouveau marché de Kanyosha.
14 heures. Nous sommes au marché de Gisyo dans la zone Kanyosha. La ruelle qui traverse les petits commerces de part et d’autre est animée. « On n’a pas eu le temps de nous préparer », confie I.P, une vendeuse de chaussures.
La jeune dame fait savoir que ça fait un an et six mois qu’elle tient son petit business ici. « J’ai pu me constituer une petite clientèle. Dans le nouveau marché, je serai obligée de repartir de zéro. ». A cela, s’ajoute pour elle un autre problème. « Je dois stocker mes marchandises pendant des jours chez moi pendant que je serai à la quête d’une place dans le nouveau marché »
M.T. a l’air plutôt joyeux. Elle nous accueille dans son petit local où s’étalent des nappes, des chapeaux, des chaussettes et des sous-vêtements pour hommes. « On nous dépouille complètement de nos moyens de survie », dit-elle d’emblée.
Pour elle, déplacer son petit commerce dans un autre endroit induira des dépenses qu’elle se dit non prête à supporter. « Ça sera difficile par exemple de prendre en charge un employé. Si tu es amené à emménager dans l’autre marché qui n’est pas proche d’ici, ce seront des dépenses en plus à son endroit. Des dépenses liées notamment au transport »
Selon lui, tout le monde n’aura pas le pouvoir de se payer une place dans le marché de Kanyosha recommandé par les autorités municipales. « La place ici, on peut la louer à 10.000fbu mais là-bas, on peut débourser peut-être jusqu’à 50.000fbu ». Et de finir, résignée. « C’est le genre de mesures qui paralysent le petit peuple »
R.K tient un petit étal d’amarantes. La mesure prise par la mairie, elle en parle avec tristesse. « Devoir partir d’ici va nous éloigner de nos familles et nos clients » Elle évoque aussi l’angoisse de perdre son gagne-pain quotidien. « Ça nous permettait de vivre, de nourrir nos enfants et de nous faire soigner ».
Cette vendeuse de légumes demande à ce que la Mairie de Bujumbura revienne sur cette mesure. « En tout cas, s’il fallait qu’on augmente le prix d’occupation de cet emplacement, je serais prête à le faire avec la garantie d’y rester. »Et d’ajouter. « On va respecter la mesure et partir d’ici mais ça ne sera pas de gaieté de cœur ».
Z.J vend des tomates, des aubergines et du piment naturel. Son mécontentement est manifeste. « En fait, on nous dit de partir sans nous indiquer précisément où aller »
Et quand nous lui parlons du marché de Kanyosha, elle répond. « Mais ça ne veut rien dire. Car il faut payer une place ! Que feront ceux et celles qui n’ont pas de quoi payer les nouvelles places ? On nous jette à la rue tout simplement »
D’après Z.J, cet endroit est une bouffée d’oxygène pour les plus vulnérables. « Ici, il y a des veuves et toutes sortes de gens en bas de l’échelle sociale qui survivent grâce au petit commerce qu’ils y tiennent »
La vendeuse considère que la mesure municipale sera la porte ouverte au chômage. « On ne pourra pas tous avoir des places dans des bureaux. Même beaucoup de diplômés n’arrivent plus à avoir du boulot ». Et de conclure, fataliste. « On va crever de faim tout simplement ».
La photo de l’article parle d’elle-même ! Difficile de garder de pareils baraquements. Comment se fait-il que personne n’a réagi lors de leur installation ? Anticiper, c’est toujours mieux.