A la suite de l’annonce de la fermeture des bureaux de change par la BRB, Ies réactions se multiplient. Certains experts pointent un risque d’explosion de la spéculation.
Tout est parti d’un communiqué diffusé par la Banque de la République du Burundi (BRB) en date du 7 février. Dans cette correspondance, le gouverneur de la BRB, Jean Ciza, a annoncé le retrait d’agrément de « tous les bureaux de change » à partir du 15 février. Il a ordonné aux propriétaires d’enlever immédiatement les pancartes mentionnant cette activité.
D’après le patron de la BRB, cette décision de fermeture fait suite au non-respect généralisé de la part des bureaux de change du contenu de la circulaire de septembre 2019 relative à la marge bénéficiaire de 15% par rapport aux taux d’achat et de vente officiels de la BRB. « Ce non-respect de la règlementation entraîne des conséquences néfastes sur l’économie nationale », précise Jean Ciza.
Le gouverneur de la BRB a fait savoir, dans la même correspondance, que seuls les bureaux de change ouverts par les banques sont autorisés à assurer le change.
La Banque centrale a demandé au ministère de l’Intérieur et celui de la Sécurité publique d’assurer un strict suivi de cette mesure.
Pour rappel, selon le taux de la Banque centrale, un dollar américain est acheté à 1873, 9 BIF et vendu à 1904, 2 BIF, alors qu’il est vendu autour de 2800 BIF sur le marché noir.
« Une mesure impopulaire et improductive »
« Appliquer les taux de change de la BRB nous avait fait perdre énormément de clients. Plus personne ne venait acheter ou vendre des devises étrangères au sein de nos structures. », affirme P.O., un propriétaire d’un bureau de change.
A la question de savoir si le non-respect de la réglementation de la BRB était la seule alternative possible pour les propriétaires de bureaux de change, P.O. est catégorique : « Notre métier consiste en l’achat et la vente de la monnaie étrangère. S’il n’y avait plus de clients pour nous vendre cette dernière, nous étions condamnés à mettre la clé sous le paillasson, car la monnaie burundaise entassée dans nos coffres ne nous aurait servi à rien. »
P.O. dit qu’il compte respecter cette décision de fermeture des bureaux de change. Quid de ses projets pour l’avenir ? « Je me lancerai dans d’autres activités », répond-il sans plus de détails.
E.R. est un haut cadre dans une banque commerciale sise à Bujumbura. Dans le passé, il a été directeur d’agence au sein d’une autre banque de la place. « C’est du gros foutage de gueule cette décision de la BRB ! », lâche sans ambages E.R. Ce banquier expérimenté avance que « personne n’irait vendre son dollar à 1900 BIF auprès des banques alors qu’au marché noir, on obtiendrait jusqu’à 3000 BIF ! ».
Et d’avancer que cette mesure va renforcer la spéculation : « Le marché noir sera gagnant car, croyez-moi, la plupart de nos ministres, quand ils rentrent de mission à l’étranger, ne cherchent pas à convertir les devises étrangères rapportées auprès des banques. Ils vont plutôt au marché noir.» E.R est certain d’une chose : « Cette mesure est impopulaire et improductive.»
« Le marasme économique en sera amplifié »
Dans son communiqué de presse publié mardi 11 février, Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME, pointe un risque d’accélération de la dégradation économique. « Les politiciens burundais en campagne électorale pour les présidentielles de mai 2020, et plus particulièrement le gouvernement, devraient être conscients du marasme économique auquel sont confrontés les Burundais et qui vient d’être amplifié par la récente décision prise par la banque centrale du Burundi. », soutient le patron de l’OLUCOME.
Pour Gabriel Rufyiri, la décision de fermeture des bureaux de change n’apportera pas de solution à la crise des devises observée actuellement. « C’est la loi de l’offre et de la demande qui dicte les règles », argue M. Rufyiri.
Et de rappeler que « les devises du Burundi proviennent essentiellement de l’exportation du café, du thé, du coton, des minerais et du tourisme. » Or, informe le président de l’OLUCOME, en cas d’exportation des minerais, plus de 70% de la vente ne seront pas rapatriés au Burundi.
Avec le tourisme, Gabriel Rufyiri défend que le climat socio-politique découlant de la crise de 2015 a affecté la venue des touristes et des potentiels investisseurs. Le chantre de l’anti-corruption appelle le gouvernement burundais à une reprise des liens bilatéraux avec les principaux pays donateurs de fonds qui permettra d’avoir à nouveau des devises en quantité suffisante au Burundi.
Aux politiciens en campagne pour les élections de 2020, le président de l’OLUCOME demande de présenter des stratégies d’endiguement de la pénurie des devises étrangères.