Vendredi 22 novembre 2024

Société

Fermeture de l’ONG Handicap International : un coup dur

09/01/2019 Commentaires fermés sur Fermeture de l’ONG Handicap International : un coup dur
Fermeture de l’ONG Handicap International : un coup dur
Handicap International intervenait notamment dans l’offre d’équipements aux centres pour handicapés

Suite à l’exigence du gouvernement burundais aux ONG étrangères, notamment de recruter sur base des quotas ethniques, Handicap international vient de fermer ses bureaux au Burundi. Cette organisation qui intervenait dans plusieurs domaines de la vie socio-sanitaire du pays se dit dépassée. Du côté des bénéficiaires, c’est un désarroi, ils se disent désemparés.

Dans un communiqué sorti ce lundi 7 janvier, Handicap international tient à être clair : «Etablir la composition ethnique du personnel et communiquer ces informations aux autorités constitue une ligne rouge à ne pas franchir». Elle souligne que cela serait aller contre les principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance auxquelles elle est fortement attachée.

Cette organisation d’origine franco-belge soutient que, à travers la ‘‘fermeture au grand regret’’ de son programme au Burundi, elle évite d’ «être complice d’une forme de discrimination ethnique». Car, dit-elle, le processus d’identification ethnique et son mode de contrôle annuel imposés peuvent être des préalables à des mesures dont nous ignorons à ce stade la portée.

A travers ce communiqué, Handicap International revient en outre sur le droit burundais en matière d’embauche. Tout porte à montrer que les recrutements sur base ethnique ne seraient qu’une violation de la Constitution et du code de travail burundais.

Cette ONG le dit et le répète : «La Constitution évoque uniquement – en ce qui est de l’application des quotas – les secteurs de l’État, en aucun cas la société civile.» Et d’en citer l’article 22: «Nul ne peut être l’objet de discrimination du fait […] de son ethnie ». Par ailleurs, rappelle cette ONG, «la loi s’oppose à toute distinction, exclusion ou préférence, fondée sur […] l’origine ethnique ou sociale en ce qui concerne l’embauche, la promotion, la rémunération et la rupture du contrat» selon l’article 6 du code de travail burundais.

Une perte lourde chez les personnes vivant avec un handicap

La santé maternelle et infantile, la réadaptation, l’éducation inclusive et l’appui aux associations étaient entre autres les domaines d’intervention de l’ONG Handicap International. Les bénéficiaires de ces différents services rencontrés ce mardi 8 janvier ne décolèrent pas.

Pour Nadia Uwimana, présidente de l’Association des femmes du Burundi vivant avec un handicap, l’heure est aux regrets. Après 10 ans de partenariat avec Handicap International, les membres de son association avaient pu monter des projets, des activités génératrices de revenus financées par cette ONG. «Après s’être tellement investie pour la mise en place de notre association, elle nous a financés pour lancer de petits projets dont elle assurait le suivi jusqu’à maintenant».

Nadia Uwimana déplore que cette ONG ferme les portes alors qu’elle avait des chantiers en cours

Assise devant une machine à coudre dans un des ateliers de l’Association, Mme Uwimana se rappelle qu’Handicap International assurait notamment le remplacement des matériels de travail usés, l’aide et le renouvèlement des béquilles, des chaises roulantes, etc.

Outre la perte de cet appui matériel et financier, Nadia Uwimana déplore que cette ONG ferme les portes laissant des chantiers en cours. «Ils resteront inachevés faute d’autres intervenants.» C’est notamment l’éducation inclusive qui se limitait pour l’heure à l’école secondaire. Elle insiste sur sa nécessité dans l’enseignement supérieur.

«Le ministère de la solidarité ne peut pas assurer le relais»

Certainement qu’il y a des services offerts par les centres des personnes vivant avec un handicap qui vont simplement s’arrêter. C’est la conclusion faite par un responsable d’un centre de réadaptation de Bujumbura qui a requis l’anonymat.

D’après lui, ces centres bénéficiaient essentiellement de cette ONG d’un appui matériel dans l’appareillage orthopédique. Elle offrait, dit-il, outre les chaises roulantes, des «consommables» pour la fabrication des prothèses et des orthèses. «Une matière première plutôt des plus chères».

Elle intervenait également dans la gestion à travers la formation et le recyclage des techniciens. Ce responsable tient à souligner que le Burundi n’a pas un seul spécialiste orthopédiste.

Grâce à cet appui multiforme, explique-t-il, nous pouvions revoir à la baisse les factures des patients, surtout en cas d’indigents. «Nous savions que c’est compensé quelque part».

Ce bénéficiaire estime qu’il sera difficile pour bien de Burundais de bénéficier de certains services plus chers s’il n’y a pas d’autres intervenants. Il s’en tient par exemple au coût d’une prothèse qui va jusqu’à deux millions de BIF alors qu’elle doit être renouvelée tous les deux ans.

Aux yeux de ce responsable d’un centre des personnes vivant avec un handicap, le ministère de la Solidarité ne peut pas parvenir à assurer le relais. «Oui, il a la volonté, mais il a un maigre budget au vu des domaines d’intervention».

L’ONG Handicap International met fin à ses activités après 26 ans d’intervention au Burundi. Elle est la deuxième ONG à annoncer officiellement son départ suite aux exigences du gouvernement burundais après Avocats sans Frontières.

Après la suspension des activités des ONG étrangères le 27 septembre, Bujumbura a conditionné, dès le 1er octobre dernier, leur reprise par la présentation de quatre documents.

Il s’agit du plan progressif de mise en application des équilibres constitutionnels, de la convention de coopération et le protocole d’exécution entre elles et le gouvernement, et enfin de l’acte d’engagement de respect de la règlementation bancaire en matière de change.

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