La réconciliation effective ne peut pas être quasiment atteinte avec le seul mécanisme de la CVR. Le travail de celui-ci doit être appuyé par un volet judiciaire. Ce sont-là les propos de Patrick Nzojibwami, expert en justice transitionnelle.
Il s’exprimait ce mercredi 20 juin lors d’un café politique sur les commissions vérité et réconciliation dans le monde. Cette rencontre a été organisée par l’ONG Initiatives et Changement Tugenderubuntu en partenariat avec la CVR.
D’après lui, la justice transitionnelle comporte une dimension judiciaire et non-judiciaire. Il s’offusque que la première n’ait pas été tenue en considération pour le processus de réconciliation au Burundi. «Le droit à la vérité doit s’accompagner du droit à la justice et de celui des réparations».
Pour ce faire, il recommande une justice internationale ou un tribunal pénal spécial pour compléter le travail de la CVR. «Sinon, les attentes des Burundais de la CVR ne seront pas suffisamment satisfaites.»
Et il donne un exemple du Chili où une deuxième commission a dû être mise sur pied car le travail de la première semblait incomplet, aux yeux des victimes.
«La justice est punitive et coercitive. Elle n’est jamais réconciliante», évoque Salvator Ntacobamaze, chargé de la presse et des TIC au Service national de renseignements.
Selon lui, sous le chapitre des crimes, la société burundaise est complexe. Il parle des bourreaux qui sont en même temps des victimes selon les périodes de crise. «Une victime de la crise de 1972 peut être auteur d’un crime de 1993. Comment la justice procèderait alors dans ce cas ?» M. Ntacobamaze suggère une voie qui «incite l’homme à se corriger, qui le rend utile à sa société».
Le président de la CVR abonde dans le mêmes sens. Mgr Jean-Louis Nahimana fait savoir que la recherche de la vérité importe le plus. Ce processus ne pourra pas aboutir s’il est parallèle avec celui de la justice coercitive. «Cette dernière prime sur la vérité et les déposants ont plus de réticence à témoigner». Et d’insister sur la nécessité d’une justice restauratrice.
Ce prélat explique que c’est cette dernière dont les Burundais ont besoin. «C’est une thérapie sociale qui rétablit à la fois les victimes et les bourreaux». Car la justice punitive connaît parfois des limites dans les circonstances pareilles.
«Comment pourrait-elle par exemple condamner un million d’auteurs de crimes ?», s’interroge-t-il. Il indique en outre que ‘‘même les réparations sont symboliques’’. «Elles sont généralement accordées à un petit effectif et prennent des formes symboliques : baptiser ou débaptiser certaines rues selon les distinctions des individus dans la défense des victimes dans les crises par exemple».