L’arrestation mardi du président de la Parcem, Faustin Ndikumana, est troublante. Iwacu vous présente les propos réellement tenus par l’activiste. A vous de juger ! <doc2947|left>Les propos de Faustin Ndikumana selon le ministre Selon la plainte du ministre de la Justice, Faustin Ndikumana a déclaré, vendredi 3 février 2012, sur radio Isanganiro, au cours de l’édition de 12h30 : {" Mu bushikiranganji bw’Ubutungane abacamanza bahabwa akazi habanje gutangwa igiturire. Imbere hahora hatangwa akazi habanje gutangwa igiturire c’umuliyoni n’ibihumbi amajana atatu. Ubu naho muri ubwo bushikiranganji hasigaye hatangwa imiliyoni zibiri. Ivyo bintu umushikiranganji arabifisemwo uruhara "}. Il a ajouté : {" liste yambere yarasohotse, n’iyindi yimirije gusohoka… "} Traduction : {" Au ministère de la Justice, les magistrats sont engagés après avoir versé des pot-de-vin. Avant, on était engagé après avoir donné un million et trois cent milles [Francs burundais]. Maintenant, on donne deux millions dans ce ministère. Le ministre de la Justice est impliqué dans cette pratique "}, avant d’ajouter :{ " la première liste est sortie, la seconde serait aussi sur le point de sortir … "} Les propos recueillis sur Isanganiro, au cours de la même édition du journal présentée en langue française (source : enregistrement sonore d’Iwacu). {« Le ministère de la Justice devrait être pionnière dans le respect de la loi, dans la garantie de l’équité en matière de recrutement. On se demande aussi ces jeunes gens qui entrent dans ce corps après avoir donné de l’argent. C’est-à-dire qu’ils vont être conduits dans la pratique de la corruption. Dans le temps, on disait qu’on donnait un million pour accéder à la magistrature et aujourd’hui on commence à dire que c’est deux millions. (…) Le ministre est soupçonnable. Quand il n’y a pas de transparence, tout le monde peut être soupçonné parce que c’est lui qui doit engager en dernier ressort. Je m’en lave les mains, c’est la lecture la plus simple qu’on doit faire de cette situation (…) »} Les propos tenus par Faustin Ndikumana en Kirundi, sur Isanganiro (source : enregistrement sonore d’Iwacu). « Ntivyumvikana ingene ubushikiranganji bwitwa ko ari ubushikiranganji bw’Ubutungane, mugabo ugasanga mu kubwinjiramwo ubwo butungane ntabuhari. Abo bana baka ibiturire, bashitse wumva baca babigenza gute ? Baca bashika bakarya vya biturire nyene. Ni ibintu bibabaje cane. Twaravyumvise yuko hoba himirije no kwinjizwa n’abandi. Turasubiriye kuvyiyamiriza, turavyiyamirije, kandi turavyiyamirije ubugira gatatu None siwe y’ « engagea » ubwa nyuma ? Ashaka kwikurako ico ceyi naze atubwire ati bikorwa uku. Mu nama twagize n’Icegera ca mbere c’Umukuru w’igihugu yaravyivugiye ati : « Haratangwa umuliyoni . » Icegera ca mbere c’umukuru w’igihugu ! Ico gihe bose baramaramaye. Twiyumvira rero yuko uwo mushikiranganji igihe yoba ashaka kwiha iteka kugira ngo yandikwe mu bitabo vy’amategeko … ivyo bintu ko yobihagarika … » Les charges « Le représentant légal de Parcem a été arrêté pour fausses déclarations », déclare Lambert Nsabimana, avocat de Faustin Ndikumana. D’après lui, les conditions d’arrestation de son client sont arbitraires : « Le 7 février, on a envoyé une convocation pour qu’il comparaisse le même jour alors qu’on doit avoir deux ou trois jours pour se préparer. » En même temps, poursuit Me Nsabimana, un mandat d’amener avait été signé et les porteurs de ce mandat ont voulu le faire sortir du studio alors qu’il participait à une émission en direct : « C’est une atteinte à la présomption d’innocence.» Pour l’avocat de Faustin Ndikumana, la résolution d’arrêter son client avait été manifestement prise avant qu’il ne s’explique sur les faits qui lui sont reprochés. Selon toujours l’avocat, Faustin Ndikumana a tenu ses propos au nom de la Parcem : « S’ils avaient un caractère infractionnel, c’est la Parcem qui devrait être poursuivie comme le prévoit la loi. » Lambert Nsabimana demande au Parquet Général près la Cour Anti-corruption de libérer son client parce que les faits qui lui sont imputés le sont, en réalité, à Parcem au regard de la loi : «Si le coupable est une personne morale, elle sera punie d’une amende de cinq millions de francs. » Sur les traces de Rududura … Dans un discours tenu devant le corps judiciaire, le 23 octobre 2010, le Premier vice-président de la République, Thérence Sinunguruza, a dénoncé la corruption qui gangrène le ministère de la Justice, dans des termes crus. Extrait : {« Si nous voulons bâtir un corps judiciaire propre, imbu du sens élevé de l’Etat et du respect de la chose publique, il faut que nous redorions l’image de ce corps, en procédant notamment à un recrutement transparent, basé sur la compétence, la neutralité et le professionnalisme. En effet, d’aucuns disent que le recrutement d’un magistrat, jeune lauréat de l’Enseignement Supérieur, est conditionné par le versement d’un montant exorbitant d’argent ! Que voulez- vous qu’on attende d’un jeune magistrat qui sait que ses parents ou ses proches se sont endettés pour ‘acheter’ son recrutement au Ministère de la Justice ? Sa première préoccupation sera d’exiger des pots de vins pour rembourser la dette ou le crédit qui lui a permis d’occuper son poste. Mais chemin faisant, la corruption deviendra inséparable de ses pratiques, puisque l’environnement dans lequel il évolue est largement gangréné par ce fléau. Cela doit cesser ici et maintenant. »} Ce qui n’est pas différent de ce que Faustin Ndikumana a déclaré. Un autre qui avait osé une critique semblable en a payé les frais. En 2008, Juvénal Rududura, alors vice-président du syndicat du personnel non-magistrat du ministère de la Justice, a pointé du doigt la corruption caractérisant le recrutement au sein de la magistrature, sous le ministre Jean Bosco Ndikumana. M. Rududura a été arrêté le 15 septembre 2008 à la Cour anti-corruption, alors qu’il s’y était rendu pour répondre à une convocation téléphonique du Procureur général près cette cour, pour des déclarations qu’il avait faites à la radio-télévision Renaissance, dans ce sens. La procédure relative à la régularisation de sa détention préventive a duré sept mois alors que le juge saisi doit en principe statuer sur le recours qui lui a été soumis dans les 48 heures. Il a été libéré le 09 juillet 2009, mais son cas se trouve toujours en délibéré à la Cour suprême depuis le 16 septembre 2009. A ce jour, Juvénal Rududura est dans la rue et ses lettres de demande de réintégration professionnelle restent toujours sans suite. « A la différence de Faustin, je n’ai rien affirmé, mais j’ai demandé au ministère de démontrer la fausseté des accusations de corruption », se rappelle Juvénal Rududura. <doc2948|right>« C’est un excès de zèle ! » Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, déplore que la justice mette souvent en avant les exceptions. Pour lui, l’emprisonnement devrait intervenir en dernier lieu, après avoir épuisé tous les autres moyens que la loi permet. Tout en reconnaissant que l’interpellation d’une personne pour raison d’enquête est normale, il s’étonne qu’une convocation soit si rapidement suivie d’un mandat d’amener puis d’un autre d’arrêt, pour finalement écrouer quelqu’un en si peu de temps. ___________________ > [Faustin Ndikumana arrêté pour " fausses accusations " : mais que dit la loi ?->www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1947] _______________ Selon M. Rufyiri, la corruption dans le recrutement au sein du ministère de la Justice a été décriée depuis longtemps. Mais, dit-il, on ignore si du personnel a déjà été recruté depuis la prise de fonction du nouveau ministre. « Mais je sais très bien que sous son prédécesseur, Ancille Ntakaburimvo, les recrutements étaient effectués selon des listes fournies par le parti au pouvoir. J’ignore si ces listes étaient confectionnées après corruption, mais il n’y avait pas de transparence.» Le président de l’Olucome trouve normal que le ministre porte plainte mais, selon ce militant anti-corruption, le magistrat instructeur, Pacifique Barandiritse, a fait preuve d’excès de zèle, visiblement pour contenter son patron : « Si Faustin était récidiviste, ou avec un casier judiciaire rempli, son emprisonnement serait compréhensible. Mais ici, il s’agit d’un abus de pouvoir de la part de certains magistrats. Il faudra désormais les dénoncer pour qu’ils soient connus ! » ______________________________________________ La « tolérance zéro » en question … En arrêtant le président de PARCEM, le Parquet Général près la cour anti-corruption vient de faire accréditer l’opinion selon laquelle la « tolérance zéro », en matière de lutte contre la corruption, n’est qu’un slogan. Quiconque voit des voleurs ou autres malfaiteurs arriver est en devoir de donner l’alerte. Sinon, il se rend coupable de non-assistance à personne en danger, un crime que la justice réprime sans pitié. Les magistrats le savent mieux n’importe quel autre citoyen. Malheureusement, au vu de ce qui vient d’arriver au président de Parcem, c’est à croire que le plus urgent était de frapper le veilleur qui vient de crier au secours plutôt que sur le voleur ! Par ailleurs, l’engagement de Faustin Ndikumana en matière de lutte pour la bonne gouvernance n’est plus à démontrer. Mais alors, si un militant de la société civil de sa trempe est embastillé juste pour un clin d’œil à l’exécutif, comment expliquer à un simple paysan qu’il a, lui aussi, un rôle à jouer. Aura-t-il le courage de dénoncer son administrateur communal qui ne reçoit la population que contre monnaie sonnante et trébuchante ?