La direction de l’Uprona dénonce de plus en plus les dérapages du pouvoir, adoptant parfois, selon les uns, le ton de l’opposition. Mais pour cette dernière, et pour le président de l’Uprona, c’est une réaction normale face à des problèmes communs.
<doc1987|left>« Le parti Uprona a deux faces, une de l’opposition et une autre parlementaire ;car être au gouvernement n’est pas une entente, mais un droit. Mais cela ne place pas l’Uprona dans l’opposition », déclare Bonaventure Niyoyankana, président de ce parti. Pour lui, cela ne signifie pas pour autant que le parti va quitter le gouvernement, puisque ses actions sont faites étape par étape. Par contre, indique M. Niyoyankana, si l’Uprona fait un constat en même temps que d’autres acteurs du pays, il faut plutôt qu’ils se mettent ensemble, en incluant les membres du Cndd-Fdd qui le veulent, pour prendre leurs responsabilités : « Si nous constatons la même chose, c’est que nous souffrons de la même façon », souligne le président de l’Uprona.
En effet, depuis quelques jours, Bonaventure Niyoyankana ne mâche pas ses mots :il dénonce ce qu’il appelle les exactions du pouvoir, en adoptant parfois les mots de l’opposition extraparlementaire. Mais il regrette que ses dénonciations soient toujours mal interprétée : « l’opposition pense aussitôt que l’Uprona est de son côté, pendant que le parti au pouvoir craint de le voir quitter les institutions. Je ne parle pas parce que l’opposition parle, et je ne me tais pas parce que je veux plaire au parti au pouvoir ». Le député de Gitega souligne qu’il va continuer à ses dénonciations jusqu’à ce que tous les citoyens réalisent que le problème est national et que chacun a son rôle à jouer pour changer les choses.
Opposés mais en accord !
Bien que souvent en désaccord avec le président de l’Uprona, Léonce Ngendakumana semble presque d’accord avec Bonaventure Niyoyankana. Pour le président du Frodebu, la vérité est unique, quel que soit celui qui la dit, et la recherche des solutions aux problèmes devrait concerner tout le monde. « Mais, d’autre part, le président du parti doit craindre de rendre des comptes plus tard s’il ne dénonce pas », ajoute-t-il, cependant.
Mais, mise à part cette logique d’autoprotection, les deux présidents de l’Uprona et du Frodebu sont d’accord sur certaines exactions commises par le pouvoir. Selon Bonaventure Niyoyankana, les dirigeants des partis politiques de l’opposition extraparlementaire sont arrêtés alors qu’on sait très bien qu’ils ne sont ni les chefs des bandits armés, ni les commandants des bandes armées : « Le gouvernement veut lier et motiver les arrestations avec des bandes armées dont il nie l’existence », s’étonne-t-il.
Pour lui ce serait une mise en pratique des conclusions du du SNR sur rapport sur le massacre de Gatumba. Or, ce dernier, dit-il, a été fait par un groupe de personnes non mandatées alors qu’une commission a été nommée dans ce sens. M. Niyoyankana souligne que ce rapport des services secrets propose également des punitions en mentionnant l’ADC-Ikibiri parmi les coupables.
Pour sa part, Léonce Ngendakumana, estime que ce rapport du SNR sur Gatumba procède d’un plan de déstabilisation de l’ADC-Ikibiri, et que les récentes arrestations de cadres de l’opposition vont dans ce sens. Il indique que le gouvernement oblige la justice à qualifier les personnes arrêtées de bandits armés alors qu’il n’y a pas de preuves. « Il devient difficile aux magistrats de les interroger puisqu’ils ne peuvent pas qualifier l’infraction, ce qui crée un conflit entre eux et le pouvoir », ajoute-t-il.
Une logique machiavélique
Dans un contexte politique de crise, le carnage de Gatumba serait donc une aubaine pour le pouvoir. Dans la logique machiavélique et purement politique, le pouvoir profiterait donc du coup de Gatumba pour contrôler toute forme de contestation considérée comme une menace pour la conservation du pouvoir. Plusieurs stratégies seraient utilisées dans ce cas, notamment les accusations de détention illégale d’armes pour porter atteinte à la sécurité de l’Etat, et des procès pourraient être faits pour montrer qu’il y a des ennemis de la nation.
« Mais cette stratégie est contre productive dans la mesure où les acteurs gouvernementaux sont, la plupart des fois, incapables de justifier l’acte posé », remarque le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe. En effet, dans cette logique de contrôle, même les enquêtes qui seront menées ne seront pas objectives et seront sujettes à des dénonciations puisque leurs auteurs sont souvent acquis à la cause du pouvoir. Et c’est paradoxal, alors que le pouvoir semble décidé à ne pas identifier clairement les fauteurs de troubles.
« Parler de bandits signifie que nous sommes dans une situation normale, et il sera difficile de dire qu’ils portent atteinte à la sécurité de l’Etat aussi longtemps qu’une relation ne sera pas établie entre ces bandits et des acteurs politiques », continue le professeur Muntunutwiwe. Dans ce cas, l’utilisation de la violence et de la justice pour contrer l’opposition est difficile, parce qu’il n’y a pas de preuves tangibles contre ces politiciens. Surtout que la population commence à se rendre compte que des montages sont faits pour accuser les opposants.